L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L

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QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

DE LA DISPOSITION QUASI ULTIME A L'ENTRÉE AU CIEL


Mais juste auparavant il y a dans les âmes du purgatoire, une disposition quasi ultime à l'entrée au ciel. En quoi consiste-t-elle ? Elle peut être caractérisée négativement et positivement.

Négativement, cette disposition exclut tout péché si léger soit-il, toutes les dispositions défectueuses ou restes des péchés remis, et toute peine due au péché, car celle-ci touche à son terme. Aussi l'âme est-elle pleinement purifiée, c'est l'accès à la sainteté définitive.

Positivement cette disposition se réalise à des degrés divers, puisqu'il y a a « plusieurs demeures dans la maison du Père céleste », mais elle comporte toujours une foi très ferme, une espérance assurée, une ardente charité, un désir intense de Dieu. Il est clair en effet que le don très élevé de la vision béatifique ne peut être accordé sans ce vif désir ; sans lui, l'âme ne serait pas encore disposée à voir Dieu. Il y aurait un inconvénient notable à lui accorder cette vision, comme il y en a un à ce qu'une sublime doctrine soit prêchée à ceux qui n'apprécient pas encore sa valeur et ne désirent pas assez en profiter.

Cependant, à la fin du purgatoire, ce désir intense est proportionné à la charité de chacune de ces âmes. Quelques-unes ont vingt talents, d'autres dix, d'autres cinq, d'autres moins, mais en toutes, il y a un vif désir de Dieu « selon la mesure du don du Christ » (EPHÉS, IV, 7). Chacune à sa manière arrive ainsi à l'âge parfait, « à la mesure de la stature du Christ » (Ibid., IV, 13).

Cette disposition quasi ultime à la gloire suppose, en chacune de ces âmes, l'exercice relativement élevé des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit ; en particulier, avec la charité, une foi vive, pénétrante et savoureuse, qui est la contemplation infuse des mystères du salut.

Nous trouvons ici dès lors une confirmation de la doctrine que nous avons souvent exposée ailleurs la contemplation infuse est dans la voie normale de la sainteté, et si les âmes justes ne l'ont pas eue sur la terre, elles l'ont au purgatoire. Mais nous devons vivre de telle manière que notre âme soit purifiée dans la vie présente avec un nouveau mérite, et qu'elle ait moins besoin d'être purifiée, sans mérite, après la mort.

DESCRIPTION DE L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE PAR SAINTE CATHERINE DE GÊNES


Comme le disent ses biographes, sainte Catherine de Gênes dicta en extase son Traité du Purgatoire ; elle dictait ce qu'elle voyait et expérimentait (S. CATERINA DA GENOVA, del Terzordine francesc., 1447-1510 : Trattato del purgatorio - Edizione di « Vita Francescana » Frati minori Cappuccini Genova, 1929. - Cf. - Cf. Dictionnaire de Spiritualité, art, Sainte Catherine de Gênes, col. 304, ss.). Ce traité a toujours été très estimé par les théologiens, qui y trouvent un précieux complément de ce que la science théologique peut dire.

Sainte Catherine de Gênes, née en 1447, de l'illustre famille Fieschi; reçut très jeune des grâces spéciales « à 8 ans elle eut l'inspiration de dormir sur la paille et plaçait sous sa tête un bois dur.» (Vita de 1551, ch. 1). A 12 ans, elle reçut le don d'oraison ; à treize ans, sentant très vive en elle la vocation religieuse, elle voulut prendre l'habit chez les chanoinesses du Latran, au couvent où sa soeur Limbania était déjà entrée. A cause de sa grande jeunesse, on ne voulut pas la recevoir, malgré les instances de son confesseur (cf. Dict. de spiritualité, art, Sainte Cath. de Gênes).

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

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A 16 ans, pour condescendre à la volonté de ses parents, elle épousa Julien Adorno. Le choix était malheureux, car c'était un homme violent et de moeurs très légères, tandis qu'elle était pieuse et recueillie.

Pendant cinq ans d'aridité profonde, Catherine souffrit d'une tristesse sans remède (Vita, ch. I), d'autant que son mari dilapidait son patrimoine et que la famille connut la détresse financière. Celle qui était appelée à une grande sainteté eut alors, à la suite de ces cinq années d'aridité, une sorte de découragement, et pour l'oublier « elle se donna aux affaires extérieures et prit plaisir aux délices et aux vanités du monde » (Vita, ch. I). Vraisemblablement elle ne pécha jamais de façon mortelle, mais une grande tiédeur s'empara de son coeur.

Un jour dans un grand accablement elle pria saint Benoit dans l'église qui porte son nom, et peu après sur le conseil de sa soeur religieuse, elle alla se confesser. (Vita, ch. II). C'est alors qu'eut lieu sa conversion.

Voici comment Fra Paolo de Savone raconte cette conversion : « quand elle fut agenouillée au confessionnal, elle reçut tout à coup une blessure au coeur, d'un immense amour de Dieu, avec une vue de sa misère et aussi de la bonté de Dieu ». Dans ce sentiment d'immense amour, de contrition et de reconnaissance, elle fut purifiée, tomba presque à terre, et elle dut suspendre sa confession, qu'elle finit le lendemain. Jésus pour la porter à une contrition plus vive encore, lui apparut portant sa croix. Elle commença alors une héroïque pénitence jusqu'à ce que Dieu lui eut fait comprendre qu'elle avait satisfait à la justice divine. Elle dit alors « si je retournais en arrière, je voudrais pour me punir qu'on m'arrachât les yeux, et ce serait peu de chose, car retourner en arrière serait perdre les yeux de l'âme, incomparablement plus précieux que ceux du corps ». Elle obtint la conversion de son mari, et se consacra avec lui aux soins des malades dans le principal hôpital de Gênes. Elle eut alors une vie d'union intense avec Dieu et souffrit beaucoup pour la délivrance des âmes du purgatoire pour lesquelles elle priait. Un feu mystérieux et surnaturel torturait ses chairs et lui faisait éprouver une faim et une soif extraordinaires. Elle eut des extases de douleurs pendant lesquelles elle dicta son traité du purgatoire, aussi court qu'il est substantiel.

Ce n'est pas seulement l'aspect négatif du purgatoire, l'éloignement des obstacles, qui est ici noté, mais surtout l'aspect positif dont la sainte avait l'expérience. Nous soulignerons les traits de cette description qui nous paraissent les plus significatifs.

« Ch. I. Les âmes du purgatoire ne peuvent avoir d'autre choix que celui de demeurer où elles sont, ainsi que Dieu l'a justement ordonné... Elles ne peuvent ni commettre le péché, ni mériter en s'en abstenant.

Ch. II. Aucune paix n'est comparable à la leur, si ce n'est celle des Saints au ciel, et cette paix s'accroît sans cesse par l'influence de Dieu, à mesure que les empêchements disparaissent. Ils sont comme de la rouille, et le bonheur de l'âme augmente à mesure que cette rouille diminue.

Ch. III. Dieu accroît en elles le désir de le voir et allume en leur cœur un feu de charité si puissant, qu'il leur devient insupportable de trouver un obstacle entre elles et leur fin.

Ch. IV. Au terme de sa vie terrestre l'âme demeure à jamais confirmée dans le bien ou dans le mal qu'elle a choisi. Les âmes du purgatoire sont donc confirmées en grâce.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

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Ch. V. Dieu punit les réprouvés moins qu'ils ne le méritent.

Ch. VI. Les âmes du purgatoire sont en conformité parfaite avec la Volonté de Dieu.

Ch. VII. Elles sont si puissamment attirées vers Dieu qu'aucune comparaison ne le peut faire comprendre. Pensons cependant à un pain unique pour apaiser la faim de toutes les créatures humaines et qu'il suffirait de voir pour être satisfait.

Ch. VIII. L'enfer et le purgatoire manifestent l'admirable sagesse de Dieu. A l'instant même où l'âme se sépare du corps, elle va au lieu qui lui est approprié et assigné ; aussi l'âme en état de péché, ne trouvant pas de lieu plus approprié à elle, se précipite d'elle-même en enfer... L'âme juste qui n'a pas encore la pureté nécessaire à l'union divine, se jette elle-même volontairement dans le purgatoire pour être purifiée.

Ch. IX. En ce qui concerne Dieu, je vois que le ciel n'a pas de portes, et peut y entrer qui veut, car Dieu est toute bonté ; mais la divine essence est si pure, que l'âme ayant en soi un empêchement, se précipite elle-même dans le purgatoire et y trouve cette grande Miséricorde : la destruction de cet empêchement.

Ch. X. La peine la plus grande de ces âmes est d'avoir péché contre la divine Bonté et d'avoir encore en elle cette rouille qui est comme le reste du péché.

Ch. XI. L'âme voit que Dieu, par son grand amour et sa constante Providence, ne cesse jamais de l'attirer à sa dernière perfection. Elle voit aussi qu'elle-même, liée par les restes du péché, ne peut suivre cette attraction. Si elle pouvait trouver un purgatoire plus pénible, dans lequel elle puisse être plus vite purifiée, elle s'y plongerait aussitôt.

Ch. XII. Je vois des rayons de feu qui purifient l'âme comme l'or dans le creuset est libéré de ses scories. Quand l'âme est entièrement purifiée, le feu n'a plus rien a brûler ; et si elle s'en approchait, elle n'en ressentirait aucune douleur.

Ch. XIII. Son désir de Dieu est si ardent et si puissamment réprimé qu'il devient un tourment pour elle... Dieu par sa Miséricorde lui cache certaines des suites du péché qui sont encore en elle, et quand il les a détruites, il les lui fait connaître pour qu'elle comprenne l'action divine qui lui a rendu sa pureté. (Voilà une trouvaille qui ne se lit pas dans les écrits des théologiens !)

Ch. XIV. L'amour divin en subjuguant ces âmes, leur confère une paix inexprimable. Elles ont ainsi une grande joie et une grande peine, l'une ne diminuant pas l'autre.

Ch. XV. Si elles pouvaient encore mériter, il suffirait d'un seul acte de repentir pour s'acquitter de toute leur dette, à cause de l'intensité de cet acte. Elles savent aussi que pas une obole ne leur sera remise ; c'est le décret de la justice divine. Et si de pieux suffrages sont offerts pour elles par des personnes de ce monde, elles ne s'en réjouissent que selon la volonté de Dieu et sans amour-propre.

Ch. XVI. Aussi longtemps que la purification n'est pas terminée, ces âmes comprennent que si elles approchaient de Dieu par la vision béatifique, elles ne seraient pas à leur place, et elles en ressentiraient une plus grande souffrance, qu'en restant au purgatoire.

Source : Livres-mystiques.com

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Ch. XVII. Ainsi éclairées sur la nécessité de la réparation, elles voudraient dire aux mortels : « O misérables créatures, pourquoi êtes-vous si aveuglées par les choses passagères, que vous ne fassiez aucune provision pour la grande nécessité qui tombera sur vous. Vous dites : « Je me confesserai, je gagnerai une indulgence plénière et je serai sauvée ».

Rappelez-vous que l'entière confession et la parfaite contrition requises pour gagner l'indulgence plénière ne s'atteignent pas si facilement.

Ch. XVIII. Ces âmes souffrent leurs peines si volontiers, qu'elles ne voudraient pas les alléger le moins du monde, sachant combien justement elles les ont méritées.

Ch. XIX. Cette sorte de purification à laquelle je vois sujettes les âmes du purgatoire, je l'expérimente en moi-même depuis deux ans... Tout ce qui m'était un allègement corporel ou spirituel m'a été graduellement enlevé... Finalement pour conclure comprenez bien que tout ce qui est humain est entièrement transformé par notre Dieu tout puissant et Miséricordieux, et que c'est l'œuvre du purgatoire. ».

Une autre mystique, Mère Marie de Saint-Augustin, religieuse anglaise des Auxiliatrices du purgatoire, a comparé les âmes de l'Église souffrante avec Marie-Madeleine au pied de la Croix. (The divine Crucible of Purgatory, by MOTHER MARY OF ST-AUGUSTIN, Helper of the Holy Souls, Revised and edited by Nicolas Ryan, S. J. New York, 1940, p. 61.)

Voici ce qu'elle a écrit : « Marie-Madeleine, la pénitente, n'était-elle pas remplie, au pied de la Croix, de cette lumière si pénétrante, (par laquelle les âmes du purgatoire voient la malice du péché) ? Elle était devant le Crucifié comme un miroir vivant, (la douleur du Sauveur passait en elle), et elle restait sans mouvement les yeux levés vers Lui.

La sublimité de la révélation, qu'elle reçut alors, dépasse toute parole, toute pensée, tout sentiment. La sainteté ineffable du Christ, sa douleur immense et sa paix rayonnaient sur elle et l'enveloppaient.

Ces trois heures au Calvaire furent son très douloureux purgatoire ; cependant elle n'aurait pas voulu échanger un seul moment de cette union douloureuse pour toutes les joies du Thabor.

En Notre-Seigneur et par Lui, elle expiait ses propres fautes, et pourtant toute réflexion sur elle-même disparaissait ; elle était comme immergée et perdue dans la contemplation de la Lumière (du Verbe fait chair) qui souffrait pour les péchés du monde.

C'était en Lui, mieux qu'en elle-même, qu'elle comprenait ce que signifie le péché pour Dieu et pour l'homme. C'est là vraiment une image des âmes du purgatoire. Cette scène du Calvaire montre la pénétration de la lumière divine dans leurs ténèbres et leur capacité silencieuse de réception par rapport à cette lumière qui descend avec toutes les douleurs de Jésus crucifié.

Elle montre aussi la douleur purifiante et pacifiante que trouvent les personnes vivantes sous l'influence de la Sainteté de Celui qui efface les péchés du monde ».

Source : Livres-mystiques.com

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Tout cela nous porte de plus en plus à penser que la purification passive des sens et de l'esprit, décrite par saint Jean de la Croix, doit se faire le plus possible durant la vie terrestre, avec mérite, pour qu'il ne soit pas nécessaire de la subir sans mérite après la mort.

Et donc nous devons généreusement accepter par amour de Dieu les contrariétés de la vie présente ; alors la réparation se fera avec mérite et augmentation de charité, de façon à obtenir au ciel une vue de Dieu plus pénétrante et un amour de Dieu plus intense et plus fort pour l'éternité.

Mais de fait les âmes qui évitent complètement le purgatoire sont probablement bien rares, puisqu'il fut révélé à sainte Thérèse que parmi les très bons religieux qu'elle avait connus, trois seulement l'avait complètement évité.

LE PURGATOIRE DES AMES PARFAITES

Dans son livre, L'Idéal de l'âme fervente, 1920, Mgr A. Saudreau parle du purgatoire des âmes parfaites (p. 53) qui ont encore quelques dettes à payer. « Le Seigneur, dit-il, fait passer ses amis eux-mêmes par des douleurs qui achèvent de les purifier, mais il le fait comme à regret ; et à ces âmes tendrement aimées il ne peut s'empêcher d'accorder des consolations qui adoucissent leurs peines ».

Ainsi Moïse fut puni d'un manque de confiance en Dieu, en mourant avant d'entrer dans la Terre promise, mais le Seigneur le fit monter sur le Mont Nébo pour embrasser d'un regard toute cette contrée, qui était depuis 40 ans l'objet de ses désirs. (Deut., III, 23 ss.)

« Le Seigneur peut, par exemple, montrer de suite aux âmes qui ont été fort généreuses, combien leur générosité lui a été agréable, combien elle a été féconde pour les autres, combien elle leur sera éternellement profitable... Malgré ces adoucissements, il leur reste des souffrances à subir, mais elles les endurent avec un grand amour.

Ainsi saint Laurent sur son gril ressentait d'affreuses douleurs, mais l'ardeur de son amour les lui faisait trouver légères... A mesure que les âmes du purgatoire se purifient, elles apprennent à mieux connaître la bonté ineffable de Dieu, sa sagesse, sa sainteté ennemie des plus petites souillures ; elles comprennent mieux tout ce qui lui est dû de respect, de soumission, de profonde adoration.

Alors, dans leur amour pour la volonté divine, elles finissent par accepter de grand coeur les châtiments que cette volonté sainte leur impose et qu'elles ont si bien mérités » (ibid.).

Les âmes du purgatoire voient en particulier que la divine Providence est toujours irréprochable, même lorsqu'elle permet les plus grands maux, qu'elle pourrait empêcher, car elle ne les permet que pour un plus grand bien, pour la manifestation de la Miséricorde Divine et pour celle de la justice infinie. Ce plus grand bien apparaît de plus en plus à l'âme qui approche du ciel.

Elle saisit de mieux en mieux ce que dit saint Paul (ROM., VIII, 28) : « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu », jusqu'à la fin. Même leurs fautes, dit saint Augustin, concourent à leur bien spirituel, car ils s'en humilient comme saint Pierre après son reniement, et plus défiants d'eux-mêmes, ils mettent en Dieu toute leur confiance en s'abandonnant à Lui.

Voir aussi les visions du purgatoire dans le livre déjà cité, Un appel à l'amour : Le Message du Coeur de Jésus au monde et sa messagère Soeur Josepha Menéndez, religieuse coadjutrice de la société du Sacré-Coeur de Jésus 1890-1923. Ed. Apostolat de la prière, Toulouse, 1944.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII
LA CHARITÉ ENVERS LES AMES DU PURGATOIRE
ET LA COMMUNION DES SAINTS


Considérons d'abord le fondement de cette Charité, puis comment elle s'exerce et quels en sont les fruits.

FONDEMENT ET EXCELLENCE DE CETTE CHARITÉ

Saint Thomas énonce le principe de cette doctrine relative aux suffrages pour les morts en disant « Tous les fidèles en état de grâce sont unis par la charité et sont les membres d'un seul corps, celui de l'Eglise.

Or dans un organisme, chaque membre est aidé par les autres, et donc chaque chrétien peut être aidé par le mérite des autres. ( IV Sent., d. 45, q. 2, a 1. qua 2 et Suppl. q. 71, a. 1) « Sans doute, est-il dit ibid., seul Jésus-Christ constitué tête de l'humanité a pu mériter en justice pour nous, mais chaque juste peut aider son prochain par le mérite de convenance ( Ce mérite de convenance est fondé non pas sur la justice, mais sur la charité, qui nous unit à Dieu. En raison de notre charité il accorde un secours à ceux que nous aimons. Cf. Ia, IIae, q. 114, a, 6), les oeuvres satisfactoires et la prière.

Et ce qui est dit du prochain, est vrai des âmes du purgatoire, car elles appartiennent à l'Église souffrante.

C'est un devoir de charité d'aimer Dieu, auteur de la grâce par dessus tout, et d'aimer comme soi-même les enfants de Dieu et ceux appelés à le devenir, tous ceux qui sont appelés à la même béatitude éternelle que nous. Or ces âmes souffrantes sont par la grâce sanctifiante, enfants de Dieu, et elles le sont pour toujours ; la Sainte Trinité habite en elles, Jésus vit en elles intimement.

Nous devons donc les aimer comme notre prochain, d'autant que plusieurs sont de la même famille terrestre que nous, et nous avons des devoirs spéciaux de charité envers les âmes de nos parents défunts.

Cette charité doit s'exercer d'autant plus que ces âmes souffrantes ne peuvent plus rien faire pour elles-mêmes : elles ne peuvent plus mériter, ni satisfaire, ni recevoir les sacrements, ni gagner des indulgences ; elles ne peuvent qu'accepter et offrir leur souffrance ou satispassion. Et alors il convient grandement de les aider.

C'est ce que comprit particulièrement la fondatrice des Auxiliatrices du purgatoire. Encore enfant, elle disait à ses amies : « Si l'une de nous était dans une prison de feu et qu'il nous fut possible de la faire sortir, en disant un mot, comme nous le ferions vite, n'est-ce pas ?... Voilà pourtant ce qu'est le purgatoire, les âmes sont dans une prison de feu, mais le bon Dieu, qui les tient enfermées, ne demande qu'une prière pour leur ouvrir, et cette prière nous ne la disons pas ». ( La Révérende Mère Marie de Providence, fondatrice de la Société des Auxiliatrices du purgatoire 1825-1871 (Notice. Paris, Gabalda, 1828, P. 7).)

Cette enfant arriva peu à peu à cette intuition : « la délivrance des âmes du purgatoire pour la plus grande gloire de Dieu » ; il faut Lui donner ces âmes qu'Il appelle à Lui. Quelques années plus tard le Curé d'Ars faisait dire à cette jeune fille : « Elle fera bien de fonder un Ordre pour les âmes du purgatoire ; c'est Dieu qui lui a donné l'idée d'un si sublime dévouement... Cet Ordre prendra dans l'Église une rapide extension » .( Cf. Ibid., p. 14.)

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII

FONDEMENT ET EXCELLENCE DE CETTE CHARITÉ


Il faut en outre remarquer avec le P. Faber (Tout Pour Jésus, ch. 9 du Purgatoire, 2.) , qu'en travaillant pour ces âmes souffrantes, on travaille à coup sûr, car elles seront sûrement sauvées ; ce qu'on fait pour elles n'est jamais perdu.

Enfin la charité exercée à leur égard est excellente, car elle contribue à donner à Dieu des âmes qu'Il attire à Lui, et à obtenir à ces âmes le plus grand de tous les dons : Dieu vu face à face ; à leur obtenir plus vite l'éternelle béatitude. En même temps s'accroît la joie accidentelle de Notre-Seigneur, de sa Sainte Mère et des Saints.

COMMENT EXERCER CETTE CHARITÉ ?

Par les suffrages pour les défunts, c'est-à-dire par nos mérites de convenance, par nos prières, nos satisfactions, nos aumônes, en gagnant des indulgences et surtout par le sacrifice de la Messe offert pour le repos de ces âmes.

L'Église même nous donne l'exemple, puisque à chaque messe elle nous fait prier pour elles au Memento des défunts, et en ouvrant largement pour elles le trésor des mérites du Christ et des Saints par les indulgences qui leur sont applicables.

« Les indulgences, dit saint Thomas ( Suppl. q. 71, a. 10.), profitent principalement à celui qui accomplit une bonne oeuvre à laquelle une indulgence est attachée ; mais elles profitent aussi secondairement à ceux pour lesquels on fait cette bonne oeuvre ; et rien n'empêche l'Église de les appliquer ainsi aux âmes du purgatoire ».

Le Saint Docteur se demande (Suppl. q. 72) : Les suffrages offerts pour un défunt sont-ils plus profitables pour lui que pour les autres ? - Il répond : à raison de l'intention ils sont plus profitables comme remise de la peine, pour le défunt pour lequel ils sont offerts ; mais à raison de la charité, qui ne doit exclure personne, ils sont plus profitables à d'autres défunts qui ont une plus grande charité, et leur apportent surtout une plus grande consolation. Ils reçoivent plus parce qu'ils sont mieux disposés.

On distingue pour cela le fruit spécial de la messe pour la personne pour laquelle la messe est spécialement appliquée, et le fruit général auquel participent tous les fidèles, et qui n'est certainement pas diminué même si le nombre de ceux qui y participent est très grand.

Saint Thomas se demande aussi ( IV Sent., d. 45, q. 2, a. 4, qa 2 et Suppl. q. 71, a. 13.) : Les suffrages offerts pour plusieurs défunts ensemble, leur sont-ils aussi profitables que s'ils étaient offerts pour un seul d'entr'eux ? Par exemple si une Messe est dite pour vingt ou trente défunts et même pour beaucoup plus ?

Il répond : « A raison de la charité qui les inspire, ces suffrages sont aussi profitables pour beaucoup que s'ils étaient offerts pour un seul, car la charité n'est pas diminuée par cette division, et ainsi une seule messe réjouit aussi bien dix mille âmes du purgatoire qu'une seule.

Mais ces mêmes suffrages comme satisfaction (et remise de la peine) que nous avons l'intention d'appliquer aux défunts, sont plus profitables à celui pour qui ils sont singulièrement offerts »
Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII

COMMENT EXERCER CETTE CHARITÉ ?


Elle est du moins la pensée de saint Thomas, jeune, quand il écrit le Commentaire sur le l.IV des Sentences, d. 45, q. 2, a. 4, qa, 2.

Mais à la fin de sa vie, en composant sa Somme III, a. q. 79, a. 5, corp. fin, il dit au sujet du sacrifice de la messe : « Quoique l'oblation de ce sacrifice, par sa propre valeur, suffise à satisfaire pour toute peine, cependant elle est satisfactoire pour ceux pour qui elle est offerte et pour ceux qui l'offrent selon le mesure de leur dévotion, et non pas pour toute la peine ». Cette mesure de dévotion dépend pour les âmes du purgatoire des dispositions qu'elles ont eues au moment de la mort.

Ici saint Thomas ne donne d'autre limite à l'effet satisfactoire de la Messe que la limite de la dévotion de ceux qui l'offrent et de ceux pour qui ils l'offrent. Et l'on admet généralement qu'une seule Messe paroissiale offerte le dimanche pour tous les fidèles très nombreux d'une très grande paroisse est aussi profitable à chacun, selon leur dévotion, que si ces fidèles étaient très peu nombreux comme dans une petite paroisse.

Parmi les grands Commentateurs de saint Thomas in IIIam, q. 79, a. 5, Cajetan, Jean de Saint Thomas, Gonet, les Carmes de Salamanque, insistent sur la valeur infinie de la Messe, à raison de la victime offerte et du prêtre principal qui l'offre, et ils tiennent qu'une seule Messe offerte pour beaucoup de personnes peut être aussi profitable pour chacune (selon la mesure de sa dévotion) que si elle était offerte pour elle seule, comme le soleil éclaire aussi bien sur une place dix mille personnes qu'une seule.

On peut dire proportionnellement la même chose pour les âmes du purgatoire. L'effet d'une cause universelle n'est limité que par la capacité des sujets qui en reçoivent l'influence.

Ainsi une des trois Messes du jour des morts dite pour tous les défunts ensemble, peut être très profitable à des âmes du purgatoire délaissées, pour lesquelles personne ne fait célébrer une Messe spéciale, soit parce qu'on les oublie, soit parce que leurs parents sont trop pauvres. ( De même le Pape demande quelquefois qu'on célèbre quelques messes pour s'acquitter de celles très nombreuses qui avaient été demandées par des legs et des fondations dont il ne reste plus de traces après une révolution.)

FRUITS DE CETTE CHARITÉ

On le voit par le sacrifice de la messe célébrée pour les défunts, nous pouvons faire couler le sang rédempteur sur les pauvres âmes, hâter l'heure de leur délivrance. Or chacune de ces âmes est comme un univers spirituel (unum versus omnia), qui gravite vers Dieu. Nous pouvons les aider à parvenir plus vite jusqu'à Lui. Et si nous ne pouvons faire célébrer le saint sacrifice pour nos défunts, assistons-y à cette intention. Faisons le possible, surtout certains jours de fête, pour gagner pour eux une indulgence plénière puisque ce trésor est ouvert pour leurs âmes, allons y puiser, la charité le demande.

A ce sujet, bien des fidèles croient trop facilement à la prompte délivrance de l'âme de leurs défunts, et au bout d'un mois ne prient plus assez pour eux.

Enfin aidons-les par de multiples actes de vertu, au cours de la journée, par un signe de croix, une aumône, une contrariété acceptée.

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CHAPITRE VII

FRUITS DE CETTE CHARITÉ


Pensons aux âmes les plus abandonnées et quelquefois aux plus saintes qui, nous l'avons vu, souffrent beaucoup elles aussi.

Nous entrerons aussi de plus en plus dans le mystère de la Communion des Saints. Dieu accepte tous les actes surnaturels qui montent vers Lui, Il allège la souffrance de ces âmes qui ne peuvent plus rien faire pour elles-mêmes. Il nous récompense aussi de notre charité. Nous verrons ainsi de mieux en mieux le prix de la vie présente, le néant des choses terrestres, la gravité du péché, le besoin de réparation, la valeur de la Croix et de la Messe.

Dieu se plaît à récompenser nos moindres services. De plus ces âmes après leur délivrance ne manqueront pas, par gratitude, de nous aider, et même avant leur délivrance, elles prient pour leurs bienfaiteurs quels qu'ils soient. Elles ont en effet la charité, qui n'exclut personne, et qui leur fait un devoir spécial de prier pour ceux des leurs qui sont restés sur la terre, même si elles n'apprennent plus rien à leur sujet, comme nous prions pour elles sans savoir si elles sont encore en purgatoire. ( Cf. E. HUGON, Tractatus Dogmatici, f. IV de Novissimis, p. 828.)

L'Église dans sa Liturgie ne prie pas les âmes du purgatoire, il n'est cependant pas défendu de les prier d'une façon privée ; mais cela doit rester accessoire, car il faut surtout prier pour elles. En ce sens saint Thomas a dit : « Non sunt in statu orandi, sed magis ut oretur pro eis » II, IIa, q. 83, a, 11, ad 3m. Cf. Dict, Théol. Cath., art. Purgatoire, c. 1315-1318.

On comprend d'après tout ce qui précède que des chrétiens fervents se dépouillent pour les âmes du purgatoire de toutes leurs satisfactions, y compris celles dont on pourrait bénéficier après la mort. Cet acte est justement appelé acte héroïque par la Sainte Église. Aussi ne doit-il pas être fait avec empressement, sans une sérieuse réflexion. Nous pouvons ainsi, comme le conseille saint Louis Marie de Montfort, dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, abandonner à Marie tout ce qu'il y a de communicable aux autres âmes en nos bonnes oeuvres méritoires, satisfactoires, en nos prières, pour qu'elle les distribue à son gré, soit pour nous, soit pour d'autres âmes de la terre ou du purgatoire ; sa sagesse le fera incomparablement mieux que nous. Il convient de conseiller cet acte d'offrande, qui n'est pas un voeu, aux âmes intérieures, d'abord pour un an ou deux et puis pour toujours.

Telle est l'excellence et la fécondité de la charité envers les âmes souffrantes ; par elle nous entrons de plus en plus dans le mystère de la Communion des Saints. On voit que ce dogme dérive de la doctrine selon laquelle le Christ est tête des hommes et des anges, tête de l'Église militante, souffrante et triomphante. Aussi tous les fidèles participent aux mérites du Christ, et aux mérites, satisfactions et prières les uns des autres. L'Église apparaît ainsi non seulement comme une société visible, hiérarchique, mais comme le Corps mystique du Sauveur.

C'est le royaume de Dieu annoncé, dans l'Évangile, le royaume où règne la Charité qui fait de tous les fidèles et de tous les Bienheureux une famille vraie, dont Dieu est le Père. Ainsi se réalisent les paroles du Sauveur : « Je suis la vigne, vous êtes les rameaux » Ainsi se réalise son désir « Que tous soient un, comme mon Père et moi, nous sommes un ». Saint Paul voit surtout dans l'Église le Corps mystique dont le Christ est la tête ; il insiste souvent sur les rapports de chaque membre avec la tête et de tous les membres entre eux. Les Pères des trois premiers siècles commentent souvent ces paroles. Finalement saint Augustin et les docteurs du Moyen Age font la synthèse de cet enseignement.

Source : Livres-mystiques.com

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QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VII
FRUITS DE CETTE CHARITÉ


De Dieu trine et un par le Christ, la vie de la grâce descend, comme un fleuve spirituel, sur les âmes de la terre, du purgatoire et du ciel et elle remonte ensuite vers Dieu sous forme d'adoration, de supplication, de réparation et d'action de grâces.

Pratiquement il convient de se dire, en relisant la Parabole du bon Samaritain : il faut exercer ainsi la charité à l'égard de tous ceux que nous pouvons soulager, en particulier à l'égard des âmes du purgatoire.

Le bon Samaritain, en cette parabole, est un vrai miséricordieux, car il est ému de la misère du prochain, et non seulement il est ému, mais il lui porte un secours efficace ; et il mérite lui-même de recevoir la miséricorde de Dieu ; car « bienheureux les Miséricordieux, ils recevront Miséricorde ».

De même nous devons avoir une réelle compassion à l'égard des âmes du purgatoire ; leur porter secours en priant pour elles, en acceptant pour elles les contrariétés quotidiennes, en assistant à la Messe et en faisant le chemin de la croix à leur intention. Ce que nous ferons ainsi pour elles ne sera jamais perdu. Et pour nous aussi se réalisera la parole du Sauveur « Bienheureux les Miséricordieux, car eux aussi obtiendront Miséricorde ». Nous obtiendrons ainsi la grâce d'une sainte mort.

CINQUIÈME PARTIE
LE CIEL


La Plénitude de l'éternelle vie
Sa fraîcheur toujours nouvelle

Le ciel est le lieu et plus encore l'état de la suprême béatitude. Si Dieu n'avait créé aucun corps mais seulement de purs esprits, le ciel ne serait pas un lieu, mais seulement l'état des anges qui jouissent de la possession de Dieu. ( Un pur esprit n'est dans un lieu que s'il exerce une action sur un corps ; par lui-même un pur esprit est d'un ordre supérieur à l'espace.). De fait le ciel est aussi un lieu, où se trouvent l'humanité de Jésus depuis l'Ascension, la Bienheureuse Vierge Marie depuis l'Assomption, les Anges et les âmes des saints. Bien que nous ne puissions dire avec certitude où se trouve ce lieu par rapport à l'ensemble de l'univers, la Révélation ne permet pas, nous allons le voir, de douter de son existence.

Nous parlerons d'abord de l'existence du ciel ou de la béatitude céleste, puis nous verrons quelle est la nature de cette béatitude, ce qu'est la vision béatifique, l'amour béatifique et la béatitude accidentelle.

CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE

L'Église enseigne comme vérité de foi, définie par Benoît XII (1336): « les âmes de tous les saints, dans lesquelles il n'y a plus rien à purifier, sont au ciel, même avant la résurrection des corps et le jugement général ; elles voient l'essence divine par une vision intuitive et faciale, sans l'intermédiaire d'aucune créature dont la vue s'interposerait ; par cette vision elles jouissent de l'essence divine,... elles sont vraiment bienheureuses ; elles ont la vie et le repos éternel ». (Denz. 530). Le Concile de Florence (Denz. 693) dit plus brièvement que les âmes en état de grâce après être purifiées, « entrent au ciel, voient clairement Dieu trine et un, comme il est en lui-même, d'une façon plus ou moins parfaite selon la diversité de leurs mérites ».
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CINQUIÈME PARTIE

CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE

LE TÉMOIGNAGE DE L'ÉCRITURE


Dans l'Ancien Testament on trouve une révélation progressive sur la rémunération des justes après la mort ( Cf. Dict. de Théol. Cath., art. Ciel (P.BERNARD) et art. Intuitive (vision) (A. MICHEL).). Cette révélation est encore bien obscure dans les premiers livres, car l'Ancien Testament est ordonné, non pas immédiatement à la vie éternelle, mais à la venue du Sauveur promis, lequel après sa mort, ouvrira aux justes les portes du Ciel. Cela constitue une très grande différence avec le Nouveau Testament où l'expression « vie éternelle » est fréquente, tandis qu'elle est rare dans l'Ancien.

Avant les Prophètes il est dit que les âmes des défunts descendent dans le scheol, où elles ne méritent plus ; la récompense réservée aux bons se précise peu à peu en opposition avec les châtiments des impies. Il est dit dans la GEN., XXV, 9., qu'Abraham, après sa mort, « fut réuni à son peuple ». Le Seigneur est appelé « le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » et sa bénédiction reste sur eux, cf. GEN., XXVI, 24, XLVI, 1, 3, EXOD., III, 6, IV, 5. De plus on lit plusieurs fois de Jahveh « qu'il conduit au scheol et qu'il en ramène », qu'il « fait mourir et qu'il vivifie » Deut., XXXII, 39; I. REG., II, 6 ; IV. REG., V, 7. De Moïse il est dit qu'après sa mort « il sera réuni à son peuple » Deut., XXXII, 50.

Les Prophètes parlent plus clairement de la récompense réservée aux justes après la mort. ISAIE, LXV, 17 ; XXX, 10, dit : « les cieux et la terre seront renouvelés et la joie des élus sera éternelle ». DANIEL, II, 44 : « Le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit » ; VII, 18 : « les Saints du Très-Haut recevront le royaume, ils le posséderont à jamais, pour une éternité d'éternités » ; VII, 27: « Et toutes les puissances le serviront et lui obéiront ».

Au livre de la SAGESSE III, 1-9 on lit : « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu..., elles sont dans la paix. Dieu les a trouvées dignes de lui. Ses fidèles habiteront avec lui dans l'amour, car la grâce et la Miséricorde sont pour ses élus ».

Le Ps. X, 7 dit de même : « Le Seigneur est juste, il aime sa justice ; les hommes droits contempleront sa face ». Ps. XV, 7 : « Il y a une plénitude de joie devant ta face, des délices éternelles dans ta droite ». Ps. XVI, 15 : « Pour moi, dans mon innocence je serai devant toi et mes désirs seront assouvis lorsque ta gloire apparaîtra ». Ps. XLVIII, 16 : « Dieu rachètera mon âme de la puissance du scheol, car il me prendra avec lui ».

Le Nouveau Testament est l'annonce prochaine du royaume des cieux, où « ceux qui ont le coeur pur verront Dieu » et seront semblables aux « anges qui voient la face du Père » MATTH., V, 3, 8, 12 ; XVI, 27 ; XII, 30 ; XVIII, 10, 43 ; XXV, 24 ; MARC, XII, 25 ; LUC, XVI, 22-25, XIX, 12-27. Seuls les justes feront partie du royaume, ils régneront avec Jésus-Christ qui est déjà monté au Ciel. Act. I, 2, 9, 11; HEBR. XII, 26.

SAINT PAUL dit I. COR., XIII, 8-12: « La charité durera éternellement... maintenant (par la foi) nous voyons Dieu dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous le verrons face à face ; aujourd'hui je le connais en partie, mais alors je le connaîtrai comme je suis connu ». Or Dieu nous connaît immédiatement, nous le connaîtrons donc immédiatement nous aussi. Saint Paul dit encore I. COR. II, 9, que l'objet de cette vision dépasse tout ce que l'œil peut voir, l'oreille entendre et le coeur désirer. - II. COR. V, 6-8, il oppose à la foi, la claire vue de Dieu et la jouissance de sa présence. Cependant chacun « recevra sa récompense selon son propre travail ». I. COR. III, 8.

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CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE

LE TÉMOIGNAGE DE L'ÉCRITURE


Saint Jean rapporte dans le IVe ÉVANGILE XVII, 3, cette parole de Jésus : « La vie éternelle c'est qu'ils vous connaissent vous, le seul vrai Dieu, et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ ». - Dans la Ire de ses ÉPITRES, III, 2, il dit : « Nous serons semblables à Dieu, car nous le verrons tel qu'il est ». - Dans l'Apoc., XXII, 1-4, on lit : « Dans la Jérusalem céleste sera le trône de Dieu et de l'Agneau, ses serviteurs le serviront et ils le verront face à face ».

Depuis la Genèse jusqu'à ce dernier livre du Nouveau Testament on voit la continuité de cette révélation ; elle est comme un fleuve, dont la source ne permet pas encore de prévoir ce qu'il sera, mais qui devient de plus en plus large, majestueux et puissant. Le sens plein de ces paroles divines se manifeste de plus en plus à la contemplation des âmes intérieures et n'apparaîtra tout à fait qu'au moment de l'entrée au ciel.

TÉMOIGNAGE DE LA TRADITION

L'existence de la vision béatifique est affirmée d'une façon claire et explicite par les Pères dès l'âge apostolique ( Cf. Dict. Théol. Cath, art. Ciel, col. 2478-2503, art, Intuitive (vision), o. 2369 ss. - R. DE JOURNEL, Ench. patrist. index théol. n. 606-612.). Une grande pensée anime tous les écrits de saint Ignace d'Antioche, celle de la possession de Dieu dans la pure lumière ( AD ROM., II, 2 ; IV, I ; VI, 2 ; AD EPHES., X, I ; AD SMYRN., IX, 2.). Saint Polycarpe attend aussi la récompense promise aux martyrs, la réunion avec le Christ, à la droite de Dieu ( AD PHIL. II, I ; V, 2 ; IX, 2.).

Si l'erreur millénariste est accueillie par les premiers apologistes comme saint Justin et Tertullien, s'ils pensent que l'entrée des justes dans le royaume des cieux est retardée jusqu'à la résurrection générale et au dernier jugement, ils ne mettent pas en doute l'existence du ciel, les millénaristes non plus. Et même dès les premiers siècles, bien des Pères affirment que les âmes des martyrs sitôt après la mort jouissent de la possession de Dieu, sans attendre la résurrection générale, et au IVe siècle cette doctrine est communément reçue. ( Les millénaristes croyaient que le Christ régnerait mille ans sur la terre, avant ou après le dernier jugement, ce qui est contraire à tout le chapitre XXV de saint Matthieu et à Matthieu XVI, 27, où il est dit que le second avènement du Christ aura lieu juste avant le jugement dernier, après lequel il n'y a aucune place pour un règne de mille ans sur la terre. L'erreur millénariste a été réfutée par Origène, saint Jérôme, saint Augustin et tous les scolastiques. )

Parmi les Pères anténicéens qui ont le plus clairement affirmé l'existence de la vision béatifique, il faut citer saint Irénée qui écrit : « Ce que Dieu accorde à ceux qui l'aiment, c'est de le voir, comme l'ont annoncé les prophètes. L'homme par lui-même ne peut pas voir Dieu, mais Dieu veut être vu par nous, et il l'accorde à ceux qu'il veut, quand il le veut et comme il le veut » ( Adv. Haeres,, IV, 20, 5 (JOURNEL, 236), cf. ibid., V, 31, 2 ; III, 12, 3.). Saint Hippolyte parle de même.

Dans l'école d'Alexandrie, Clément d'Alexandrie dit qu'aux élus est réservée la vision de Dieu par la grâce du Christ. ( Strom., V, I.). Origène affirme aussi qu'ils ont la claire vue de Dieu. ( De princ., l.II, c, II.).

Saint jean Chrysostome est moins clair, mais il redit les paroles de saint Paul : « videbimus Deum non in aenigmate neque per speculum, sed facie ad faciem » ( Epist. 5 ad Theodorum Lapsum, c. 7.).

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CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE

TÉMOIGNAGE DE LA TRADITION


En Afrique, saint Cyprien écrit : « Quelle gloire et quelle joie d'être admis à voir Dieu, d'être honoré avec le Christ Notre Seigneur ; ce sera la joie du salut et de la lumière éternelle, avec les justes et tous les amis de Dieu dans ce royaume où l'immortalité est assurée... Lorsque la lumière de Dieu brillera sur nous, nous serons heureux d'un bonheur inconcevable, et participerons pour toujours au règne du Christ » ( Epist. LVI, ad Thibaritanos, 10 (JOURNEL, 579).).

Saint Augustin redit souvent et avec le relief le plus saisissant que tous les saints au Ciel, comme les anges, jouissent de la vue de Dieu avec le Christ». ( De Civ. Dei, l.XX, c. 9, n. - Enarr. in Ps. XXX, serm. III, 8 ; Epist. 112.)

RAISONS DE CONVENANCE DE LA POSSIBILITÉ ET DE L'EXISTENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE

Au moyen âge, au XIIe siècle des hérétiques comme Amaury de Bène soutinrent que notre intelligence et l'intelligence angélique, même aidées d'une lumière surnaturelle, ne peuvent voir Dieu immédiatement, mais seulement le rayonnement créé de l'essence divine, comme l'oeil de l'oiseau de nuit est trop faible pour voir le soleil. - D'autres, au contraire, comme les Béguards, disaient que la vision béatifique est due à notre nature et n'exige pas une lumière surnaturelle (Denz., 475). - Selon l'Église, la vérité est comme un sommet qui s'élève au milieu et au-dessus de ces positions contraires l'une à l'autre ; en d'autres termes, la vision béatifique est une vue immédiate de Dieu, mais elle est essentiellement surnaturelle (Denz., 530. 475).

Que s'ensuit-il pour la question qui nous occupe ?

La raison par ses seules forces ne peut démontrer l'existence de la vision béatifique, car celle-ci est un don gratuit, qui dépend du libre arbitre de Dieu, et qui n'est point dû à notre nature ni à celle des anges, comme l'a nettement affirmé l'Église contre Baius (Denz. 1001-1004, 1021-1024). L'objet de la vision béatifique n'est autre en effet que l'objet même de la connaissance incréée de Dieu, il dépasse donc l'objet naturel de toute intelligence créée et créable, qui est immensément inférieure à Dieu.

La raison par ses seules forces, selon la plupart des théologiens et surtout des thomistes, ne peut pas non plus prouver positivement et apodictiquement la possibilité de la vision béatifique, car celle-ci est, non seulement gratuite comme l'est déjà le miracle, mais essentiellement surnaturelle, comme la grâce qu'elle suppose. Ainsi que les mystères de la T. S. Trinité, de l'Incarnation, de la Rédemption, elle dépasse la sphère du démontrable. Tandis que le miracle naturellement connaissable n'est surnaturel que par le mode de sa production (par exemple la résurrection rend surnaturellement au cadavre la vie naturelle), la vision béatifique, comme la grâce et la lumière de gloire qu'elle exige, est surnaturelle par son essence même ; elle dépasse donc la portée de nos démonstrations comme les mystères proprement dits (cf. Conc. Vat., Denz., 1816). Nous avons longuement établi ailleurs ce point de doctrine. Cf. De Deo uno, 1938, p. 264-269.

Cependant les plus grands théologiens, en particulier saint Thomas ont donné des raisons de convenance de la possibilité et de l'existence de la vision béatifique, surtout une raison fort profonde, qui constitue une très sérieuse probabilité et qui peut être toujours scrutée davantage, sans pourtant jamais arriver à fournir une démonstration rigoureuse; ainsi on peut toujours multiplier les côtés du polygone inscrit dans la circonférence, sans qu'il s'identifie jamais avec celle-ci.

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CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE

RAISONS DE CONVENANCE DE LA POSSIBILITÉ ET DE L'EXISTENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE


Cette raison de convenance est celle qu'expose saint Thomas, Ia, q. 12, a. 1 : « Il y a dans l'homme un désir naturel de connaître la cause, lorsqu'il voit l'effet, de là naît l'étonnement tant que la cause n'est pas connue. Si donc l'intelligence humaine ne peut arriver à connaître la cause première de toutes choses, ce désir naturel demeurera vain ».

Saint Thomas dit plus explicitement Ia, IIae, q. 3, a. 8 : « L'objet de l'intelligence est l'essence ou nature des choses, et cette faculté s'approche d'autant plus de sa perfection qu'elle connaît mieux l'essence des choses. Aussi lorsque nous connaissons un effet, il y a en nous un désir naturel de connaître l'essence ou nature de sa cause... Si donc nous ne pouvons arriver à connaître l'essence de la Cause première, mais seulement son existence, ce désir naturel ne sera pas complètement satisfait et l'homme ne sera pas parfaitement heureux ». Cf. C. Gentes, l.III, c. 50.

On a beaucoup écrit sur cet argument ; nous l'avons longuement examiné ailleurs : De Revelatione 2a, éd. 1925, t. I, PP. 384-403. Nous ne disons ici que l'essentiel.

Ce désir naturel ne saurait être un désir efficace ou d'exigence, car la vision béatifique est un don gratuit, comme l'Église l'a affirmé contre Baius. (Dent., 1021). Mais c'est un désir conditionnel et inefficace : s'il plaît à Dieu de nous accorder ce don gratuit ; ainsi le cultivateur désire la pluie, si la Providence veut bien l'accorder.

Ce désir fonde un sérieux argument de convenance en faveur de l'existence de la vision béatifique ; mais il ne prouve pas positivement et apodictiquement, même la simple possibilité de celle-ci, car cette vision est essentiellement surnaturelle comme la grâce et la lumière de gloire qu'elle suppose et exige ; et démontrer sa possibilité ce serait prouver apodictiquement la possibilité de la grâce et de la lumière de gloire qui dépassent la sphère du démontrable.

Du moins cet argument montre que nul ne peut établir l'impossibilité de la vision béatifique, il permet de réfuter les raisons contraires, et c'est beaucoup.

On s'explique mieux la chose en remarquant que déjà le philosophe par la seule raison peut prouver avec certitude l'existence de Dieu et de ses principaux attributs. Mais il reste une grande obscurité sur la conciliation intime de ces attributs, en particulier sur la conciliation de l'immutabilité absolue et de la souveraine liberté, sur celle de l'infinie justice et de l'infinie Miséricorde, sur celle de la toute puissante bonté et de la permission divine des plus grands maux d'ordre physique et d'ordre moral.

D'où le désir naturel, conditionnel et inefficace, de voir l'essence même de la Cause première, car seule cette vision immédiate montrerait l'intime conciliation de ces attributs divins dont l'essence de Dieu est le principe, et qui sont contenues formellement dans son éminence.

Ce désir naturel de voir Dieu a été admirablement exprimé par Platon dans le Banquet, c. 29 (211, c.), lorsqu'il dit qu'il faut s'élever de l'amour du beau sensible, à l'amour de la beauté intellectuelle et morale, et à l'amour de la Beauté suprême, éternellement subsistante en elle-même.

Il conclut : « Que penser d'un mortel à qui il serait donné de contempler la beauté pure, simple, sans mélange, non revêtue de chairs et de couleurs humaines et de toutes les autres vanités périssables, mais la Beauté divine elle-même ?... Ne crois-tu pas que cet homme, étant le seul qui perçoive le beau par la faculté à laquelle le beau est perceptible, pourra seul engendrer, non pas des images de vertu, mais des vertus véritables, puisque c'est à la vérité qu'il s'attache ? Or, c'est à celui qui enfante et nourrit la véritable vertu qu'il appartient d'être chéri de Dieu ; et si quelque homme doit être immortel, c'est celui-là surtout ».

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CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE

RAISONS DE CONVENANCE DE LA POSSIBILITÉ ET DE L'EXISTENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE


Ces paroles de Platon sont confirmées à leur tour par les aspirations de l'âme humaine qui se retrouvent, quoique souvent altérées, en bien des religions.

Cet argument de convenance en faveur de la possibilité et de l'existence de la vision béatifique peut se proposer indépendamment de la révélation divine et sans supposer que nous avons été appelés à la vie de la grâce ; bien plus, cet argument montre lui-même la convenance de notre élévation à cette vie surnaturelle.

Mais en supposant cette élévation, nous pouvons dire aussi : il y a en nous un désir connaturel de voir Dieu, qui procède de la grâce (seconde nature), de l'espérance infuse et de la charité. La grâce en effet est le germe de la gloire et ce germe tend par lui-même vers son épanouissement dernier. Ce n'est plus seulement alors un désir conditionnel et inefficace, mais un désir qui doit aboutir, si non chez chacun des justes, car plusieurs peuvent défaillir et ne pas continuer à répondre à l'appel divin, du moins chez un bon nombre d'entre eux qui seront fidèles.

Cette raison est d'autant plus forte que Jésus dit à plusieurs reprises en l'Évangile de saint Jean « Celui qui croit en moi (d'une foi vive, unie à la charité) a la vie éternelle » (I. JOAN., III, 36 ; V, 24 ; VI, 40, 47). Il a déjà la vie éternelle commencée, car la foi infuse tend à la vision que nous espérons ; de plus la grâce sanctifiante et la charité, qui sont dans le juste, de soi, doivent durer éternellement, et de fait dureraient toujours si le vase fragile, dans lequel elles sont reçues, ne venait lui-même à se briser, si la volonté ne se détournait pas de Dieu par le péché mortel et quelquefois pour toujours.

Quoi qu'il en soit de ces chutes, la vie de la grâce ici-bas est la même en son fond que la vie du ciel, comme le germe contenu dans le gland est de même nature que le chêne pleinement développé qui sortira de lui. C'est la même vie en son fond, car lorsque la foi aura fait place à la vision, et l'espérance à la possession de Dieu, la grâce sanctifiante et la charité, qui dès maintenant sont dans le juste, dureront éternellement. « Caritas nunquam excidit », I. COR., XIII, 8.

Ce désir connaturel et surnaturel, procédant de la grâce, seconde nature, est constamment renouvelé en nous par la parole du Sauveur: « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez ». C'est ce désir que saint Augustin exprime en disant : « Fecisti nos, Domine, ad te, et irrequietum est cor nostrum, donec requiescat in te » ( Confess., l. I, c. 1). Notre cœur reste sans repos, Seigneur, jusqu'à ce qu'il se repose en toi.

Voilà ce que la Révélation fait dire au croyant, ce qui confirme grandement l'argument de convenance que nous avons développé un peu plus haut du seul point de vue rationnel. On s'explique dès lors avec quelle fermeté l'Église (Denz. 530) a répondu à ceux qui considéraient comme impossible la vision immédiate de Dieu et qui disaient que les bienheureux ne peuvent voir que le rayonnement créé de la divine essence, comme les oiseaux de nuit sont incapables de supporter la splendeur du soleil.

Certes cela est vrai de toute intelligence créée et créable laissée à ses seules forces naturelles, mais ce n'est pas vrai de l'intelligence créée surnaturalisée par la grâce consommée et la lumière de gloire qui sont une participation de la nature ou de la vie intime de Dieu.

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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?


Il faut la considérer d'abord du côté de l'objet capable de nous rendre pleinement heureux, et ensuite du côté du sujet et de ses facultés. ( Cf. Dict. Théol. Cath., art. Béatitude (A. GARDEIL).)

LA BÉATITUDE DU CÔTÉ DE SON OBJET

Saint Thomas définit l'objet de la béatitude: « le bien parfait qui donne le repos et satisfait pleinement le désir de l'être raisonnable ». ( « Bonum perfectum totaliter quietans et satians appetitum » Ia, IIae, q. 2, a. 8.).

Et il ajoute : « seul le bien incréé et infini peut satisfaire pleinement le désir d'une créature qui, par l'intelligence, conçoit le bien universel ».

Tandis que le vrai est formellement dans l'esprit qui juge en conformité avec les choses, le bien, objet de la volonté, est dans les choses bonnes ; le désir naturel ou connaturel de la volonté se porte donc, non pas vers l'idée abstraite du bien, mais vers le bien réel, et il ne peut trouver la vraie béatitude en aucun bien fini et limité, mais seulement dans le Souverain Bien, qui est le bien universel par son être même ou sa Perfection, et la source de tous les autres. ( Solus Deus est bonum universale, non in praedicando, sed in essendo et in causando.).

Il est impossible que l'homme trouve le vrai bonheur qu'il désire naturellement, en aucun bien limité (plaisirs, richesses, honneur, gloire, pouvoir, connaissance de sciences, etc.), car notre intelligence, constatant aussitôt la limite, conçoit un bien supérieur et nous porte à le désirer. Il faut le redire : notre volonté, éclairée par l'intelligence, est d'une profondeur sans mesure, que Dieu seul peut combler.

C'est ce qui faisait dire à saint Augustin ( Conf., l. V, c. IV.) : « Malheureux celui qui connaît toutes ces choses et qui ne vous connaît pas, mon Dieu ; bienheureux celui qui vous connaît, quoiqu'il les ignore. Et quant à celui qui vous connaît et connaît aussi ces choses, il n'est pas plus heureux pour les connaître, mais c'est la seule connaissance qu'il a de vous qui le rend heureux, pourvu qu'en vous connaissant comme Dieu, il vous glorifie aussi comme Dieu, qu'il vous rende grâces de vos dons et ne se perde pas dans la vanité de ses pensées ».

On distingue la béatitude naturelle et la béatitude surnaturelle.

La béatitude naturelle consiste dans la connaissance et l'amour de Dieu, auxquels on parviendrait par les seules facultés naturelles.

Et si l'homme avait été créé dans un état purement naturel, il aurait, par sa fidélité au devoir, mérité cette béatitude : une connaissance naturelle de Dieu par le reflet de ses perfections dans les créatures, connaissance sans mélange d'erreur, et un amour raisonnable de Dieu, auteur de la nature, de Dieu créateur, amour fait de respect, de soumission, de fidélité, de la reconnaissance, non pas du fils, mais du bon serviteur à l'égard du meilleur des Maîtres.

La béatitude surnaturelle, celle dont nous parlons, dépasse sans mesure les forces naturelles et les exigences de toute nature créée, même des natures angéliques les plus hautes et de celles que Dieu pourrait encore créer.

Elle consiste dans une participation de la béatitude même de Dieu, de celle dont Il jouit en se voyant et en s'aimant lui-même de toute éternité. Ainsi est-il dit dans la parabole des talents, au bon serviteur : « intra in gaudium Domini tui, entre dans la béatitude même de ton maître ». MATTH., XXV, 21, prends part à ma béatitude même.

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CINQUIÈME PARTIE

CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?

LA BÉATITUDE DU CÔTÉ DE SON OBJET


Nous sommes appelés à voir Dieu comme il se voit, à l'aimer comme il s'aime. Vraiment la profondeur de notre volonté est telle que Dieu seul vu face à face peut la combler et irrésistiblement l'attirer.

Cette profondeur que notre volonté possède par sa nature même, est augmentée en quelque sorte par l'espérance infuse et la charité, qui dilatent pour ainsi dire notre coeur, creusent sa capacité d'amour et suscitent en nous des aspirations plus profondes et plus hautes que les aspirations naturelles les plus intimes et les plus élevées.

Saint Augustin l'exprime en disant : « Dieu est le but de nos désirs, lui que l'on verra sans fin, que l'on aimera sans se lasser, et que l'on glorifiera toujours sans fatigue ». ( « Ipse (Deus) finis erit desideriorum nostrorum, qui sine fine videbitur, sine fastidio amabitur, sine fatigatione glorificabitur » De Civ. Dei, l. XXII, c. 30, 1. C'est une des plus belles définitions de la béatitude céleste qui ait été donnée ; nous n'en connaissons pas de plus parfaite. Voir surtout Sermo 362,29 : « insatiabiliter satiaberis veritate ».)

LA BÉATITUDE FORMELLE

Si tel est l'objet de l'éternelle béatitude, qu'est-ce qui la constitue formellement du côté du sujet et de ses facultés ?

Tous les théologiens admettent que la béatitude essentielle des justes consiste dans une union vitale avec Dieu par les facultés supérieures, intelligence et volonté, c'est-à-dire dans la vision béatifique et l'amour qui en résulte.

Saint Thomas se demande si elle est formellement dans la vision ou dans l'amour ( Ia, IIae, q. 3, a. 4.). Selon lui et ses disciples, la béatitude essentielle consiste formellement dans la possession de Dieu ; or c'est par la vision béatifique que les saints au ciel possèdent Dieu, et l'amour béatifique suit cette possession, car il présuppose la présence de Dieu vu face à face. L'amour en effet se porte soit vers la fin encore absente, lorsqu'il la désire, soit vers la fin déjà présente, lorsqu'il en jouit et se repose en elle ; cette joie suppose déjà la possession de Dieu par la vision immédiate. L'amour vient ainsi soit avant, soit après la possession, il ne la constitue pas. ( Cf. ibid. : « Voluntas fertur in finem et absentera, cura ipsum desiderat et praesentem, cura in ipso requiescens delectatur. Manifestum est autem, quod ipsum desiderium finis non est consecutio finis. Delectatio autem advenit voluatati ex hoc quod finis fit praesens : non autem e convenu ex hoc aliquid fit praesens, quia voluntas delectatur in ipso... Unde Deus fit praesens nobis per actus intellectus (scil. per visionem), et tunc voluntas de)ectata conquiescit in fine jam adepto ».). Au contraire l'intelligence par l'intuition, reçoit l'objet en elle (intussusception) et d'une certaine manière devient l'objet connu, tandis que la volonté reste pour ainsi dire au dehors de cet objet reçu dans l'intelligence intuitive.

Ainsi nous ne pouvons jouir d'un paysage que si d'abord nous pouvons le contempler, et nous ne jouissons d'une symphonie de Beethoven que si nous l'entendons. La jouissance suit la connaissance qui nous fait prendre possession de la beauté en laquelle l'âme se complaît.

La béatitude essentielle consiste donc formellement dans la vision immédiate et elle a son complément ou sa consommation dans l'amour, qui dérive de la vision de l'infinie bonté. Il en dérive comme les propriétés de l'homme, sa liberté, sa moralité, sa sociabilité, dérivent de sa nature d'être raisonnable.

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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?

LA BÉATITUDE FORMELLE


Cette doctrine trouve un fondement en plusieurs textes de l'Écriture : MATTH., V, 5 : « Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu » - JEAN, XVII, 3. « La vie éternelle, c'est qu'ils vous connaissent vous, le seul vrai Dieu et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ ». - I, JEAN, III, 2 : « Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est ». - I. COR. XII, 12 : « Maintenant nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ».

Cet enseignement de saint Thomas est conforme enfin à ce qu'il établit sur les rapports de l'intelligence et de la volonté ( Ia, q. 82, a. 3.). Selon lui, l'intelligence est supérieure à la volonté qu'elle dirige, car elle a un objet plus absolu et plus universel, l'être comme vrai ; l'objet de la volonté est en effet le bien, qui suppose l'être et le vrai, sans quoi il ne serait pas un vrai bien, mais seulement un bien apparent et illusoire. ( Cf. JANVIER, Conférences de Notre-Dame, Carême de 1903, la béatitude, pp. 122-123. voir aussi Dict. Théol. Cath. art. Gloire de Dieu (A. MICHEL), col. 1396.).

Scot et les scotistes partent au contraire de cette position que la volonté est supérieure à l'intelligence, et ils soutiennent que la béatitude essentielle du juste consiste formellement dans l'amour béatifique auquel la vision serait ordonnée, même subordonnée, et ils parlent de l'amour de charité par lequel le bienheureux aime Dieu pour lui-même. Les thomistes répondent : Scot considère la béatitude comme état concret qui comporte plusieurs éléments et qui très certainement s'achève dans l'amour ; mais il s'agit maintenant de déterminer la nature de la béatitude, ce qui la constitue formellement, le principe d'où dérivent ses propriétés. Et de ce point de vue, les thomistes maintiennent à bon droit que l'intelligence est supérieure à la volonté qu'elle dirige, que la béatitude formelle est essentiellement la possession de Dieu, et que cette possession se fait par la vision immédiate comme le disent les textes scripturaires cités.

Ils ajoutent : ici-bas il est plus parfait d'aimer Dieu que de le connaître, parce que notre connaissance lui impose la limite de nos idées bornées, tandis que notre amour libre et méritoire s'élève vers lui ; mais au ciel, notre connaissance ne sera plus imparfaite, elle sera purement intuitive, supérieure à toute idée créée, et l'amour béatifique suivra nécessairement la vision (comme une propriété de la béatitude), car il ne sera pas libre, mais au-dessus de la liberté, comme nous le verrons. Benoît XII dans sa Constitution « Benedictus Deus » (Denz. 530), insiste aussi sur la vision dite communément béatifique, parce qu'elle béatifie, et que, sans elle, l'éternelle béatitude n'existe plus.

Suarez après avoir examiné la position de saint Thomas et celle de Scot, propose de dire que la béatitude essentielle consiste formellement à la fois dans la vision et dans l'amour.

Les thomistes répondent : s'il en était ainsi l'intelligence et la volonté ne seraient pas subordonnées, mais coordonnées, ex aequo, sur le pied d'égalité, comme deux individus très semblables d'une même espèce. Or il n'en est pas ainsi : l'intelligence et la volonté sont deux facultés spécifiquement distinctes et donc inégales ; la volonté est subordonnée à l'intelligence qui la dirige, elle ne se porte sur un vrai bien, qu'à la condition de suivre le jugement droit de l'intelligence conforme au réel. On ne désire que ce que l'on connaît, et l'on ne jouit que de ce que l'on possède ; la jouissance ne constitue pas la possession, mais la suppose. L'intelligence et la volonté ne sont pas également premières (ex aequo) à posséder Dieu ; il y a un ordre établi entre elles. Par la vision l'âme possède Dieu, et par l'amour elle jouit de lui, se repose en lui, et le préfère à elle, comme on préfère l'infini à un pauvre bien fini.

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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?

LA BÉATITUDE FORMELLE


Saint Augustin dans ses Confessions, l. IX, c. X, rapportant son entretien avec sa mère à Ostie, sur le royaume des cieux, a écrit : « Si toutes les choses se taisaient après nous avoir parlé du Créateur, et que Lui seul nous parlât, non plus par elles, mais par lui-même, comme à présent notre âme s'élève par le vol de sa pensée jusqu'à la sagesse éternelle ; si cette sublime contemplation pouvait continuer, et que toutes les autres vues de l'esprit ayant cessé, celle-là seule absorbât l'âme et la comblât d'une joie tout intérieure et toute divine, et que la vie éternelle fut semblable à ce ravissement en Dieu, que nous venons d'éprouver pour un moment, et après lequel notre âme soupire encore, ne serait-ce pas là l'accomplissement de cette parole : Entrez dans la joie de votre Seigneur ?

De fait la béatitude céleste sera la consommation de l'union transformante dont parlent sainte Thérèse et saint Jean de la Croix, la consommation de cette union par laquelle l'âme juste déifiée se fond en quelque sorte en Dieu. Au ciel cette fusion se fera par la vision immédiate et l'amour ; l'âme restera pourtant inférieure à Dieu par sa nature créée, car Dieu seul est l'Être même, « Celui qui est », et en comparaison de lui nous sommes toujours comme n'étant pas. Il conservera éternellement aux âmes justes, par son amour, leur être naturel et leur être de grâce, en les attirant incessamment à Lui. Il sera éternellement en elles, et il est encore plus vrai de dire, qu'elles seront éternellement en Lui.

CHAPITRE III - L'EXCELLENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE

Pour se faire une juste idée de cette vision, il faut voir en quel sens elle est immédiate, quel est son principe, et puis quel est son objet premier et son objet secondaire. (Cf. SAINT THOMAS, Ia, q. 12, toute cette question et Commentaires. de CAJETAN, de JEAN DE SAINT-THOMAS, etc. Voir aussi Dict. Théol. Cath. art Intuitive (vision) par A. MICHEL.)

ELLE EST INTUITIVE ET IMMÉDIATE

Comme l'enseigne l'Église par Benoît XII (Denz. 530), cet acte d'intelligence est une vision claire, intuitive, immédiate de l'essence divine ; sans être compréhensive, elle nous fait connaître Dieu « sicuti est » tel qu'il est en lui-même.

Par sa clarté, cette vision se distingue de la connaissance obscure que nous avons de Dieu soit par la raison, soit par la foi.

Par son caractère intuitif et immédiat, cette vision est immensément supérieure à toute connaissance abstraite, discursive, analogique, qui n'atteint Dieu qu'en partant de ses effets. Elle est très au-dessus de toute abstraction, de tout raisonnement, de toute analogie, c'est l'intuition immédiate de la Réalité suprême du Dieu vivant. Elle dépasse aussi de beaucoup toutes les visions même intellectuelles que reçoivent ici-bas quelques grands mystiques et qui restent dans l'ordre de la foi, car elles ne donnent pas encore l'évidence intrinsèque de la Trinité. La vision béatifique donne au contraire cette évidence et montre que si Dieu n'était pas trine, il ne serait pas Dieu.

Nous sommes donc appelés à voir Dieu non pas seulement dans le miroir des créatures si parfaites soient-elles, non pas seulement par son rayonnement dans le monde des anges, mais à le voir immédiatement sans l'intermédiaire d'aucune créature dont la vue s'interposerait, mieux même que nous ne voyons les personnes avec lesquelles nous parlons, car Dieu étant tout spirituel sera intimement présent dans notre intelligence qu'il éclairera et fortifiera pour lui donner la force de le voir.

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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?

ELLE EST INTUITIVE ET IMMÉDIATE


Comme le montre saint Thomas (Ia, q. 12, a. 2), entre Dieu et nous, il n'y aura même pas l'intermédiaire d'une idée, car toute idée créée, même infuse, si élevée qu'on la suppose, serait toujours une participation limitée de la vérité et ne pourrait donc représenter tel qu'il est en soi Celui qui est l'Être même, la vérité infinie, la sagesse sans borne, la source infiniment lumineuse de tout savoir. Jamais une idée créée ne pourrait représenter tel qu'il est en soi celui qui est la Pensée même, l'« Ipsum intelligere subsistens », un pur éclair intellectuel éternellement subsistant.

Ainsi le verre d'un enfant, dit saint Augustin, ne peut contenir l'océan. Parfois dans un orage, la nuit, nous voyons un éclair d'une extrémité du ciel à l'autre, pensons à un éclair non pas sensible, mais intellectuel, à un éclair de génie, mais éternellement subsistant, qui serait la Vérité même, la Sagesse même, et qui serait en même temps une vive flamme d'amour, l'Amour même ; nous aurons quelque idée de Dieu.

Nous ne pourrons pas non plus, disent les thomistes, exprimer notre contemplation en une parole, même en une parole intérieure, en un verbe mental, car ce verbe créé et fini ne pourrait exprimer l'Infini tel qu'il est en soi. Cette contemplation immédiate nous absorbera en quelque sorte en Dieu, en nous laissant sans parole pour la traduire, car un seul verbe peut exprimer parfaitement l'essence divine le Verbe engendré de toute éternité par le Père. L'essence divine étant souverainement intelligible par elle-même et plus intime à nous que nous-mêmes, jouera en notre intelligence fortifiée et éclairée le rôle d'idée imprimée et exprimée (Cf. SAINT-THOMAS, Ia, q. 12, a. 2, et ses commentateurs CAJETAN, JEAN DE SAINT THOMAS, GONET, SALMANTICENSES, BILLUART : l'essence divine elle-même joue ici le rôle d'espèce impresse et d'espèce expresse ou verbe mental. Cf. Dict. Théol. Cath., art. Intuitive (vision) c. 2375-2380.

Les théologiens ont souvent comparé cette union si intime dans l'ordre de la connaissance à ce qu'est, dans l'ordre de l'être, l'union hypostatique de l'humanité de Jésus et de la personne du Verbe, qui la termine et la possède. Si la seconde de ces deux unions n'est pas impossible, la première, à plus forte raison, doit être possible elle aussi. ). On ne peut concevoir dans l'ordre de la connaissance une union plus intime quoiqu'elle comporte des degrés divers.

Dès ici-bas, lorsque nous sommes devant un spectacle sublime, nous ne trouvons pas de paroles pour l'exprimer, nous disons qu'il est ineffable ou indicible ; à plus forte raison lorsque nous verrons Dieu face à face.

Intuitive et absolument immédiate, cette vision ne sera pourtant pas compréhensive, comme celle que Dieu a de lui-même. Lui seul, peut se connaître autant qu'il est connaissable. Il n'y a point là de contradiction : ici-bas plusieurs personnes voient le même paysage plus ou moins bien, selon qu'elles ont une vue plus ou moins bonne, chacune pourtant voit tout le paysage. De même plusieurs intelligences saisissent plus ou moins profondément la même vérité énoncée, selon qu'elles sont plus ou moins pénétrantes.

Chacune saisit toute la proposition énoncée (sujet, verbe et attribut), mais plus ou moins parfaitement. De même au ciel tous les bienheureux voient Dieu immédiatement, mais avec une pénétration différente proportionnée à leurs mérites, et jamais aussi profondément que Dieu même qui se connaît, autant qu'il est connaissable, en tout ce qu'il est, en tout ce qu'il peut, en tout ce qu'il veut. ( Cf. SAINT THOMAS Ia, q. 12, a. 6 et 7. Dieu, disent les théologiens, est vu totus, sed nom totaliter par les bienheureux.)

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