L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L

Postez ici vos intentions de prière.
amidelamisericorde
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DEUXIÈME PARTIE
LA MORT ET LE JUGEMENT

LES CONVERSIONS IN EXTREMIS


Rappelons cependant pour finir que, même pour les endurcis qui ne donnent aucun signe de contrition avant de mourir, nous ne pouvons affirmer qu'au tout dernier moment, juste avant la séparation de l'âme et du corps, ils se sont définitivement obstinés.

Ils ont pu se convertir à la dernière minute de telle façon que Dieu seul a pu le savoir. Le Saint Curé d'Ars, divinement éclairé, dit à une veuve venue pour la première fois dans son église et qui priait en pleurant : « Votre prière, Madame, est entendue ; votre mari est sauvé ; quand il venait de se jeter dans le Rhône, la Sainte Vierge lui a obtenu la grâce de la conversion juste avant de mourir.

Rappelez-vous qu'un mois auparavant, dans votre jardin, il a cueilli la plus belle rose et vous a dit : « porte-la à l'autel de la Vierge Sainte. Elle ne l'a pas oublié ». - D'autres se sont convertis in extremis qui ne se rappelaient avoir fait que quelques actes religieux au cours de leur vie, comme par exemple, un marin avait conservé l'habitude de se découvrir en passant devant une église ; il ne savait même plus le Pater ni l'Ave Maria, mais il restait encore ce lien qui l'empêchait de s'éloigner définitivement de Dieu.

On lit dans la vie du Saint Évêque de Tulle, Mgr Bertau, ami de Louis Veuillot, qu'une pauvre fille de cette ville, qui avait été chanteuse à la cathédrale, tomba dans la misère, puis dans l'inconduite, comme pécheresse publique et qu'elle fut assassinée une nuit dans une rue de Tulle ; la police la trouva expirante et la porta à l'hôpital ; en y arrivant elle mourut en disant : «Jésus, Jésus ! » On demanda à l'évêque : « faut-il lui donner la sépulture ecclésiastique ? » Il répondit : « Oui, puisqu'elle est morte en prononçant le nom de Jésus, mais enterrez-la le matin de très bonne heure, et sans faire l'encensement ».

On trouva dans la pauvre chambre de cette malheureuse le portrait du saint évêque de Tulle, au verso duquel elle avait écrit : « Le meilleur des pères ». Quoi­qu'elle fut bien tombée, elle avait reconnu la sainteté de son Évêque, et elle avait conservé en son cœur le souvenir des bontés de Notre Seigneur.

De même un écrivain licencieux, Armand Sylvestre, promit à sa mère, lorsqu'elle mourut, de dire chaque jour un Ave Maria, et chaque jour de ce bourbier qu'était la vie de ce malheureux écrivain s'élevait cette fleur de « l'Ave Maria ».

Il tomba gravement malade, d'une pneumonie, on le porta dans un hôpital de Paris desservi par des religieuses, qui lui dirent : « Voulez-vous un prêtre ». - « Certainement » répondit-il, et il reçut l'absolution, probablement avec une attrition suffisante, par une grâce spéciale que dut lui obtenir la Sainte Vierge. Mais il a dû subir ensuite un long et très dur purgatoire.Un autre écrivain français Adolphe Retté, peu après sa conversion, sincère et profonde, fut frappé de voir dans un Carmel cette pancarte « Priez pour ceux qui vont mourir pendant la messe à laquelle vous allez assister ». Il le fit.

Quelques jours après il tomba gravement malade et fut cloué sur un lit d'hôpital à Beaune plusieurs années jusqu'à sa mort. Chaque jour, le matin il offrait toutes ses souffrances pour ceux qui allaient mourir dans la journée ; il obtint beaucoup de conversions in extremis. Nous verrons au ciel combien dans le monde ont été nombreuses ces conversions et nous chanterons éternellement les Miséricordes de Dieu.

On cite aussi dans la vie de sainte Catherine de Sienne la conversion in extremis de deux grands criminels. La Sainte était allée voir une de ses amies, et l'on entendit dans la rue où habitait cette amie, un grand bruit ; l'amie de sainte Catherine regarda par la fenêtre et vit que c'étaient deux condamnés à mort qu'on conduisait sur une charrette au dernier supplice, en les tourmentant avec des tenailles rougies au feu, ils blasphémaient et hurlaient. Aussitôt sainte Catherine, à l'intérieur de la maison où elle était, se mit en prière, à genoux les bras en croix et demanda la conversion de ces deux criminels.

Source : Livres-mystiques.com

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DEUXIÈME PARTIE
LA MORT ET LE JUGEMENT

LES CONVERSIONS IN EXTREMIS


Alors dans la rue aussitôt ils cessèrent de blasphé­mer, et demandèrent à se confesser. Les gens qui étaient dans la rue ne pouvaient comprendre ce changement subit ; ils ne savaient pas qu'une Sainte avait prié pour obtenir cette double conversion.

Il y a une soixantaine d'années l'aumônier de la prison de Nancy qui avait pu jusque là convertir tous les criminels qu'il avait conduits à la guillotine, se trouvait dans une voiture cellulaire avec un assas­sin qui refusait de se confesser avant la mort. La voiture passa devant un sanctuaire de Notre-Dame du Bon Secours.

Alors le vieil aumônier dit : « Sou­venez-vous ô très pieuse et douce Vierge Marie qu'on n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à votre intercession aient été abandonnés. Convertissez mon criminel, autrement moi je dirai qu'on a entendu dire que vous ne nous avez pas exaucés ». Et aussitôt le criminel se convertit.

Le retour à Dieu est toujours possible jusqu'à la mort, mais il devient de plus en plus difficile avec l'endurcissement. Alors ne remettons jamais à plus tard notre conversion, et demandons tous les jours par l'Ave Maria la grâce de la bonne mort.

CHAPITRE II
LA GRACE DE LA BONNE MORT


Au sujet de la bonne mort, il convient de parler d'abord de la grâce de la persévérance finale et ensuite de la façon dont le juste se prépare à la recevoir.

LE DON INSIGNE DE LA PERSÉVÉRANCE FINALE

Ce don se définit : celui qui fait coïncider le moment de la mort avec l'état de grâce, continué ou restitué. Voyons ce qu'en disent l'Écriture et la Tradition, puis l'explication qu'en fournit la théologie selon saint Thomas.

Cf.SAINT AUGUSTIN, De dono perseverantiae, c.13,14,17.- SAINT THOMAS, Ia, IIae, q. 109, a. I, 2, 4, 9, 10 ; q. 114, a. 9 ; IIa, IIae, q. 137, a. 2..

Commentaires de Cajetan, de Jean de saint Thomas, des Salmanti­cennes, de Gonet, de Billuart, d'Ed. Hugon. - Dict. théol. cath. art. Persévérance finale (A. MICHEL) c. 1292-1304.

L'Écriture attribue à Dieu la coïncidence de la mort avec l'état de grâce. Dans le livre de la Sagesse, IV, II-14, au sujet de la mort du juste opposée à celle de l'impie, il est dit : « Son âme était agréable à Dieu, c'est pourquoi le Seigneur s'est hâté de le retirer du milieu de l'iniquité » où il aurait pu se perdre. Dans le Nouveau Testament saint Pierre écrit I PETR., V, 10 : « Le Dieu de toute grâce, qui nous a appelés par le Christ Jésus à son éternelle gloire, vous perfectionnera lui-même, vous fortifiera, vous affer­mira ».

Saint Paul dit aussi, PHIL., I, 6 : « Celui qui a commencé en vous la bonne oeuvre, la perfectionnera jusqu'au jour du Christ. » De même aux ROMAINS, VIII, 28-33 : « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son éternel dessein... Ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés, et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés et ceux qu'il a justifiés, il les a glorifiés » ; ce qui suppose qu'il leur a conservé la grâce qui justifie. Cf. ROM. IX, 14-24 : « Il a dit à Moise : « Je ferai Misé­ricorde à qui je veux faire Miséricorde, et j'aurai compassion de qui je veux avoir compassion ». De fait le don de la persévérance finale est accordé à tous les élus.

Saint Augustin dans son livre De dono perseveran­tiae, c. 13, 14, 17 montre tant pour les enfants que pour les adultes, que le fait de mourir en état de grâce est un insigne bienfait de Dieu. Pour les adultes ce don fixe leur choix volontaire et méritoire dans le bien et les empêche de se laisser abattre par l'adver­sité. Tout prédestiné aura ce don, mais nul ne peut savoir, sans une révélation spéciale, s'il persévérera ; aussi devons-nous « faire notre salut avec crainte et tremblement ».

Saint Augustin dit enfin, ibid., c. 13, que ce don ne nous est pas accordé selon nos mérites, mais selon la volonté très secrète, très sage et bien­faisante de Dieu, à qui seul il appartient d'imposer quand il lui plaît, un terme à notre vie. Mais, si ce don ne peut être mérité, il peut être obtenu par nos supplications, « suppliciter emereri potest » ibid., c. 6, no 10.

Source : Livres-mystiques.com

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LA MORT ET LE JUGEMENT

LE DON INSIGNE DE LA PERSÉVÉRANCE FINALE


Saint Thomas d'Aquin explique très bien ce der­nier point de doctrine, Ia, IIae, q. 114, a. 9. Son enseignement, généralement admis par les théolo­giens, se réduit à ceci : Le principe du mérite, qui est l'état de grâce, ne peut être mérité, car la cause ne peut être effet d'elle-même.

Or la persévérance finale n'est autre que l'état de grâce conservé par Dieu au moment de la mort. Donc elle ne peut être méritée. Elle dépend seulement de Dieu qui conserve en état de grâce ou qui y remet. Cependant elle peut être obtenue par la prière humble et confiante, qui s'adresse non pas à la justice divine, comme le mérite, mais à la Miséricorde.

D'où vient que nous pouvons mériter la vie éter­nelle, sans pouvoir mériter la persévérance finale ? C'est que la vie éternelle, loin d'être le principe du mérite, en est le terme et le but.

De fait on l'obtien­dra, à condition de ne pas perdre ses mérites. Saint Thomas ajoute au sujet des adultes, IIa, IIae, q. 137, a. 4 : « Comme le libre-arbitre est de soi changeant, même lorsqu'il est guéri par la grâce habituelle, il n'est pas en son pouvoir de se fixer immua­blement dans le bien ; cela, il peut le choisir, mais il ne peut pas le réaliser » sans une grâce actuelle spéciale.

Le Concile de Trente (Denz. 8o6, 826, 832) confirme cet enseignement traditionnel. Il enseigne la néces­sité d'un secours spécial pour que le juste persévère dans le bien : « Ce secours est un grand don, très gratuit, qu'on ne peut obtenir que de celui, qui, selon saint Paul, ROM., XIV, 4, peut soutenir celui qui est debout et relever celui qui tombe ».

Le Concile ajoute, que sans une révélation spéciale, on ne peut être certain d'avance qu'on recevra ce don ; mais on peut et on doit l'espérer fermement, en luttant contre les tentations et en travaillant à son salut par la prati­que des bonnes oeuvres.

Au sujet de l'efficacité de la grâce actuelle accor­dée aux justes pour un dernier acte méritoire, les thomistes admettent qu'elle est efficace intrinsèque­ment ou par elle-même sans violenter en rien la liberté qu'elle actualise.

Les Molinistes disent qu'elle est efficace extrinséquement, par notre consentement que Dieu avait prévu par la science moyenne.

- Selon les thomistes, cette prévision poserait une pas­sivité en Dieu, qui deviendrait dépendant dans sa prescience d'une détermination créée, qui ne vien­drait pas de lui.

Si l'on ne peut être certain d'avance d'obtenir la grâce de la bonne mort, il y a pourtant des signes de prédestination, surtout les suivants : le souci de se préserver du péché mortel, l'esprit de prière, l'humi­lité qui attire la grâce, la patience dans l'adversité, l'amour du prochain, l'assistance aux affligés, une dévotion sincère envers Notre Seigneur et sa Sainte Mère.

En ce sens, selon la promesse faite à sainte Marguerite-Marie, ceux qui ont communié en l'hon­neur du Sacré-Coeur neuf fois de suite le premier vendredi du mois, peuvent avoir la confiance d'obtenir de Dieu la grâce de la bonne mort, et cela sous-entend, bien sûr, que les neuf communions ont été bien faites ; la grâce de les bien faire est un don accordé aux élus par le Sacré-Coeur.

Cf. Dict. de Théol. cath. art. Coeur-Sacré de Jésus (dévotion au), par le Père J. Bainvel, S. J., col. 351: « La promesse est absolue, suppo­sant seulement les communions faites et bien faites évidemment. Ce qui est promis, ce n'est pas la persévérance dans le bien toute la vie ; c'est la persévérance finale, emportant la pénitence et les derniers sacrements dans la mesure nécessaire », voir ibidem le texte original de cette grande promesse du Sacré-Coeur.

Source : Livres-mystiques.com

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LA MORT ET LE JUGEMENT

LA MORT DU JUSTE


Dans l'Ancien Testament la mort du juste nous est dépeinte en celle de Tobie, cf. TOBIE, XIV, 10 : « A l'heure de sa mort, Tobie appela auprès de lui son fils, les sept jeunes fils de ce dernier, ses petits-fils et leur dit... « Écoutez maintenant, mes enfants, votre père : Servez le Seigneur dans la vérité, et efforcez-vous de faire ce qui lui est agréable.

Recommandez à vos enfants de pratiquer la justice et de faire des aumônes, de se souvenir de Dieu et de le bénir en tout temps dans la vérité et de toute leur force ».

Dans le livre de l'Ecclésiastique XXXIII, 7-15, il est dit que le juste ne se scandalise pas de l'inégalité des conditions et c'est surtout à sa mort qu'il en juge sagement. « Pourquoi y a-t-il des pauvres et des riches, des infortunés et des fortunés » ?

L'Ecclésiastique répond : «pourquoi un jour (de soleil) l'emporte-t-il sur un jour (pluvieux), alors que la lumière de tous les jours vient du soleil ? C'est la sagesse du Seigneur qui a établi entre eux ces distinctions, qui a institué des saisons diverses.

Parmi les jours, il y en a qu'il a élevés et sanctifiés, ce sont les jours de fête, il y en a qu'il a mis parmi les jours ordinaires. Ainsi tous les hommes viennent de la poussière de la terre, dont Adam a été formé.

Mais c'est avec une très grande sagesse que le Seigneur les a distingués, et les a fait marcher dans des voies différentes.

Il a béni les uns et les a élevés. D'autres il a permis, toléré leur péché et ensuite il les a abaissés ». Il donne à chacun selon ses oeuvres. Le juste voit cela surtout au moment de la mort.

Il est dit dans le même livre de l'Ecclésiastique XXXV, II-17, que Dieu exauce la prière du pauvre surtout lorsque celui-ci va mourir, et il punit les cœurs sans pitié. « Le Seigneur n'a point égard au rang des personnes au détriment du pauvre ; il écoute la prière de l'opprimé et de la veuve.

La prière de l'opprimé pénétrera les nues ; le Seigneur ne fera pas attendre son secours ». Cela se vérifie surtout à la mort du juste, fut-il très pauvre et abandonné de tous. Dieu sera avec lui à la dernière heure. Ces hautes pensées reviennent sans cesse dans l'Ancien Testament et plus encore dans le Nouveau qui voit clairement dans la mort du juste le prélude de la vie éternelle.

Il nous a été donné de voir la mort du juste en un pauvre homme, Joseph d'Estengo, qui habitait avec les siens à un huitième étage près du Campo santo de Rome. Il avait la gangrène aux quatre membres, souffrait beaucoup surtout par le froid, lorsque les nerfs se tordaient avant de mourir.

Pourtant il ne se plaignait jamais et offrait toutes ses souffrances au Seigneur pour le salut de son âme, pour les siens, pour la conversion des pécheurs. Il fut frappé de la phtisie fulminante, on dut le porter à l'autre extrémité de Rome à l'hôpital del Littorio, où après trois semaines environ il mourut dans un parfait abandon, seul, au milieu d'une nuit.

Or à l'instant précis où il mourait son vieux père, très bon chrétien, à l'autre extrémité de la ville enten­dait la voix de son fils qui lui disait : « Père, je vais au ciel ».

Et son excellente mère rêvait que son fils montait au ciel avec ses mains et ses pieds guéris, comme il sera de fait après la résurrection des morts.

C'est une des grandes grâces de ma vie d'avoir connu ce pauvre qui me fut indiqué par une dame de saint Vincent de Paul, laquelle ajouta : « vous serez heureux de le connaître », vraiment oui, c'était un ami de Dieu ; sa mort l'a confirmé, c'était bien celle du juste. Beati qui in Domino moriuntur.

« Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur » et comme le dit l'Écriture qui goûtent la mort » comme le prélude de l'éternelle vie.

Source : Livres-mystiques.com

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LA MORT ET LE JUGEMENT

COMMENT SE PRÉPARER A LA MORT


Le juste attend la mort et s'y prépare par la vigilance, d'abord dans une crainte respectueuse, en se rappelant les fautes commises et en considérant les expiations à venir. Il a une foi vive en la vie éternelle, qui est le but suprême de son voyage ; elle est surtout pour lui la possession inamissible de Dieu par la vision béatifique, l'union au Christ Rédempteur, à sa Sainte Mère, aux saints, à ceux qu'il a connus et qui sont morts ou mourront chrétiennement.

A cette foi, le juste joint une confiance toujours plus ferme dans le secours de Dieu pour arriver au but, et comme sa charité grandit de jour en jour, « le Saint-Esprit rend témoignage à son esprit qu'il est enfant de Dieu ». ROM., VIII, 16. Par là « la certitude de tendance » que comporte l'espérance s'affermit en lui de plus en plus.

Le juste aussi prend soin de se faire avertir très à l'avance de l'approche du dernier moment. C'est un manque de foi de ne pas oser avertir les malades qu'ils vont mourir, et c'est une faute, on les trompe et on les empêche ainsi de se préparer. Il est bon de s'entendre avec quelqu'un pour s'avertir mutuellement. Il convient enfin qu'en avançant vers le terme, le juste fasse souvent le sacrifice de sa vie en union avec le Sacrifice de la Messe qui perpétue sur l'autel, de façon sacramentelle, celui de la Croix.

Il convient même qu'il fasse ainsi son sacrifice personnel en pen­sant aux quatre fins du sacrifice : l'adoration pour reconnaître la souveraine excellence de Dieu, auteur de la vie et maître de l'heure de notre mort ; la répa­ration, pour expier toutes les fautes passées ; la supplication, pour obtenir la grâce de la persévérance finale ; l'action de grâces, pour remercier le Seigneur des bienfaits innombrables qu'il nous avait prépa­rés de toute éternité et que nous avons quotidienne­ment reçus depuis notre naissance.

Il est bon de faire à l'avance le sacrifice de sa vie en disant souvent comme le conseillait Sa Sainteté Pie X : « Seigneur, mon Dieu, quel que soit le genre de mort qu'il vous plaise de me réserver, dès mainte­nant de tout coeur et de plein gré, je l'accepte de votre main avec toutes ses angoisses, ses peines, et ses douleurs ».

On se prépare ainsi chaque jour à faire très bien le sacrifice de sa vie au dernier moment, en union avec les messes qui se célébreront alors près ou loin de nous, c'est-à-dire en union avec l'oblation toujours vivante au Coeur du Christ « qui ne cesse d'intercéder pour nous ». HEB., VII, 25.

Et si le juste met en cet acte dernier un grand amour de Dieu, il pourra obte­nir la remise d'une grande partie de la peine tempo­relle due à ses péchés et abréger considérablement son purgatoire. Il convient aussi grandement de faire célébrer la messe pour obtenir la grâce des grâces qui est celle de la bonne mort. Ainsi le chrétien est fortifié par la grâce de l'extrê­me-onction contre l'horreur naturelle de la mort et contre les tentations de l'ennemi du salut. Dans le regret poignant de quitter ceux qu'il aime, il est consolé enfin par le saint viatique et les prières des agonisants.

Celles-ci sont extrêmement belles, surtout la prière : Proficiscere anima christiana. « Pars de ce monde, âme chrétienne : Au nom de Dieu le Père tout puissant, qui t'a créée. Au nom de Jésus-­Christ, Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour toi. Au nom du Saint Esprit, qui t'a été donné. Au nom de la glorieuse et Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie. Au nom du Bienheureux Joseph, son époux ; au nom des Anges et des Archanges, des Trônes et des Domi­nations, des Principautés et des Puissances, des Chérubins et des Séraphins. Au nom des Patriar­ches et des Prophètes. Au nom des Apôtres, des Évangélistes, des Martyrs, des Confesseurs, des Vierges et de tous les Saints et Saintes de Dieu. Aujourd'hui que ta demeure soit en paix dans la Jérusalem céleste, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen ».

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LA MORT ET LE JUGEMENT

COMMENT SE PRÉPARER A LA MORT


On dirait que toute l'Église du Ciel vient au devant de l'âme chrétienne qui s'élève en état de grâce de l'Église militante, pour recevoir bientôt son éternelle récompense.

Bossuet dans son Opuscule sur la préparation à la mort montre que les derniers actes doivent être les actes de foi, d'espérance et de charité, fondus pour ainsi dire dans un acte d'abandon parfait.

« O mon Dieu, je m'abandonne à vous ; je n'ai à craindre que de ne pas assez m'abandonner à vous par Jésus-­Christ. Je mets la croix de votre Fils entre mes péchés et votre justice. Mon âme pourquoi es-tu triste, et pourquoi te troubles-tu ? Espère en lui et dis-lui de toutes tes forces : O mon Dieu, vous êtes mon salut... Le temps approche où la foi se changera en claire vue. Mon Sauveur, je crois, aidez mon incrédulité et soutenez ma faiblesse... Je n'ai rien à espérer de moi-même, mais vous avez commandé d'espérer en vous... Je me réjouis d'entendre dire que j'irai dans la maison du Seigneur... Quand vous verrai-je, ô le bien unique... Mon Dieu, ma vie et ma force, je vous aime ; je me réjouis de votre puissance, de votre éternité, de votre bonheur.

Bientôt, dans un moment, je serai en état de vous embrasser. Recevez-moi dans votre unité ».

« Pour nous, dit saint Paul, notre patrie c'est le ciel, d'où nous attendons, comme Sauveur, Notre Seigneur Jésus-Christ, qui viendra transformer notre corps humilié pour le rendre semblable à son corps glorieux, par la puissance qui lui assujettit toutes choses... Et que la paix divine, qui surpasse toute intelligence, garde vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » PHILIPP., III, 20, IV, 7.

« Le chrétien, dit encore Bossuet, ibid., expire en paix en s'unissant à l'agonie du Sauveur. Mon Sei­gneur, je cours à vos pieds au jardin des oliviers : je me prosterne avec vous la face contre terre ; je m'ap­proche autant que je puis de votre saint corps pour recueillir sur le mien le précieux sang qui découle de vos veines. Je prends à deux mains le calice que votre Père m'envoie... Venez, ange consolateur de Jésus-Christ souffrant et agonisant dans mes mem­bres. Fuyez, troupes infernales... Ah ! mon Sauveur, je dirai avec vous : Tout est consommé.

Je remets mon âme entre vos mains. Amen. Mon âme, commen­çons l'Amen éternel, l'Alleluia éternel, qui sera la joie et le cantique des bienheureux dans l'éternité... Adieu, mes frères mortels ; adieu, sainte Église catholique.

Vous m'avez porté dans vos entrailles, vous m'avez nourri de votre lait ; achevez de me puri­fier par vos sacrifices, car je meurs dans votre unité et votre foi. Mais, ô Église, point d'adieu pour vous ; je vais vous trouver au ciel, voir votre source, les Apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges. Je chanterai éternellement avec eux les Miséricordes de Dieu. » -

Saint Jean de la Croix dit : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l'amour », sur la sincérité de notre amour de Dieu, de notre amour de notre âme à sauver et sur la sincérité de notre amour du prochain.

CHAPITRE III
LA CAUSE DE L'IMMUTABILITÉ DE L'AME SITOT APRÈS LA MORT


Quelle est la raison pour laquelle l'âme est immua­blement fixée dans le bien ou dans le mal, sitôt après la mort ? Cette mystérieuse question pourrait être examinée après celle du jugement particulier, car elle s'éclaire mieux par ce que la Révélation nous dit de ce jugement. Cependant en soi le jugement parti­culier suppose que le temps du mérite est fini, et donc en soi ce terme du mérite doit être considéré d'abord.

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CHAPITRE III

LA CAUSE DE L'IMMUTABILITÉ DE L'AME SITOT APRÈS LA MORT


Voyons ce que nous dit l'Écriture et la Tradition sur le fait et la nature de cette immuabilité de l'âme ; nous verrons ensuite comment les théologiens l'expliquent et nous distinguerons trois conceptions assez différentes de la cause de ce fait.

Cf. SAINT THOMAS, C. Gentes, 1. IV, C. 91, 92, 94, 95 (Commentaire de SILVESTRE DE FERRARE) ; De Veritate, q. 24, a. II. - Ia, q. 64, a. 2 (Comment. de Cajetan) - Salmanticenses, de Gratia, de Merito, disp. I, dub. IV, no 36. - BILLOT, De Novissimis, 1921, p. 33 ; Dict. Théol. cath., art. mort., col. 2492 ss. (A. MICHEL).

LE FAIT DE L'IMMUTABILITÉ, LE TERME DE L'ÉTAT DU MÉRITE

Nous ne parlons pas ici de la question étudiée aujourd'hui par les physiologistes et les médecins : quand y a-t-il mort non seulement apparente, mais réelle ?

Il paraît certain que dans plusieurs cas de mort accidentelle ou subite, la vie latente peut demeurer parfois plusieurs heures dans l'organisme qui était un moment auparavant parfaitement sain ; elle peut durer, semble-t-il, une demi-heure dans les cas de morts provoquées par une maladie qui mine depuis longtemps l'organisme. Nous ne considérons ici que la mort réelle, la séparation de l'âme et du corps.

Or le magistère ordinaire de l'Église enseigne que l'âme humaine sitôt après la mort est jugée sur toutes les actions bonnes ou mauvaises de son existence terrestre, et cela suppose que le temps du mérite est fini. Cet enseignement commun n'a pas été solennel­lement défini, mais il est fondé sur l'Écriture et la Tradition. Il n'y a plus de mérites après la mort contrairement à ce qu'ont dit beaucoup de protes­tants.

Déjà dans l'Ancien Testament, il est dit dans le livre de l'Ecclésiastique XI, 28 : « C'est chose facile devant le Seigneur, au jour de la mort, de rendre à l'homme selon ses oeuvres..., à la fin de sa vie ses oeuvres seront dévoilées » ; ce verset 28 de la Vulgate est dans l'original au v. 24. Voir aussi Ecclésiaste, IX, 10. Dans le Nouveau Testament (MATTH., XXV, 13, Luc, XIII, 22, JEAN , V, 29) le jugement dernier porte uniquement sur les actes de la vie présente.

Dans l'Évangile selon saint Luc, XVI, 19-31, il est question du jugement particulier : le mauvais riche et le pau­vre Lazare sont jugés uniquement sur les actes de la vie terrestre et irrévocablement : Abraham répond à l'âme du mauvais riche : « entre nous et vous il y a pour toujours un grand abîme ».

De même Jésus dit avant de mourir au bon larron : « Aujourd'hui tu seras avec moi en paradis ». Luc, XXIII, 43. - Notre Seigneur ne cesse de nous exhorter à la vigilance et à la pénitence pour que nous ne soyons pas surpris par la mort ; par exemple après la parabole des vierges sages et des vierges folles il dit : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour, ni l'heure » MATTH., XXV, 13 ; MARC, XIII, 33.Saint Paul dit encore plus explicitement II COR., V, 10 : « Nous tous il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu'il a mérité étant dans son corps, selon ses oeuvres, soit bien, soit mal ». - Ibid., VI, 2 : « Voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut ». - GAL., VI, 10 : « Ainsi donc pendant que nous avons le temps, faisons le bien envers tous ». - PHIL., I, 23 : « Je désire mourir et être avec le Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur ».

On lit aussi dans l'Épître aux Hébreux, III, 13 : « Exhortez-vous les uns les autres chaque jour, tant que dure ce temps appelé : aujourd'hui ! afin que personne ne s'endurcisse ». De même HÉBR., IX, 27, « Il est arrêté que les hommes meurent une seule lois, après quoi vient le jugement ». Le verset suivant fait allusion au jugement dernier, mais celui-ci aussi portera uniquement sur les actes de la vie présente.

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DEUXIÈME PARTIE

CHAPITRE III

LE FAIT DE L'IMMUTABILITÉ, LE TERME DE L'ÉTAT DU MÉRITE


Dans l'Évangile de saint Jean IX, 4, Jésus dit : « Il faut tant qu'il est jour que nous fassions les oeu­vres de Celui qui m'a envoyé ; la nuit vient où per­sonne ne peut travailler,venit nox, quando nemo potest operari », c'est-à-dire après la mort.

Les Pères ont souvent expliqué dans ce sens ce texte de saint Jean, surtout saint Cyprien, saint Hilaire, saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d'Alex., saint Augustin, saint Grégoire le Grand ; Cf. A. DE JOURNEL, Enchiridion patristicum, index théol., n° 584, ces Pères enseignent qu'après la mort on ne peut mériter ni démériter.

C'est manifestement l'enseignement du magistère Ordinaire et universel de 1 Église. Bien qu'il n'y ait pas de définition solennelle sur ce point, il y a des déclarations de l'Église qui sont nettement dans ce sens. Le IIe Concile de Lyon (Denz. 464) dit : « Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel ou avec le seul péché originel descendent ensuite en enfer (mox post mortem in infernum descendunt), pour y subir des peines inégales. »

On trouve la même expression dans le Concile de Florence (Denz. 693) et dans la Constitution « Benedictus Deus » de Benoît XII (Denz. 531), Léon X (Denz. 778) condamne cette proposition de Luther : « Les âmes du purgatoire ne sont pas certaines de leur salut, du moins pas toutes, et il n'est pas prouvé par l'Écriture, ni par des raisons théologiques qu'elles ne peuvent plus mériter ou gran­dir dans la charité ».

Enfin le Concile du Vatican se proposait de promulguer cette définition dogmatique « Post mortem, quae est vice nostrae terminus, illico omnes manifestari nos oportet ante tribunal Christi, ut referat unusquisque propria corporis prout gessit, sive bonum, sive malum (II COR., v, 10) ; neque ullus post hanc mortalem vitam relinquitur locus paeni­tentiae ad justifiE CETTE IMMUTABILITÉ ?cationem ». MANSI, Concil., t. LIII, col. 175.


QUELLE EST LA NATURE ET LA CAUSE PROCHAINE DE CETTE IMMUTABILITÉ


Des théologiens, comme Scot et Suarez [Cf. SCOT, in II Sent., dist. VII. - SUAREZ, de Angelis,1. III, c. x.­ 1. VIII, c. x.], ont pensé que l'immutabilité dans le mal ou l'obstination s'explique, pour l'homme et pour le démon, parce que Dieu n'offre plus la grâce de la conversion et que le désespoir, où ils tombent, les confirme dans leur état Quant aux âmes du purgatoire, disent ces auteurs, elles sont pré­servées du péché par une protection spéciale de la Providence.

Il y a dans cette explication une difficulté ; un grand théologien thomiste, le Cardinal Cajetan [In Iam, q. 64, a. 2, n° 18.], a cherché à expliquer l'obstination de l'homme comme saint Thomas explique celle du démon. Il a dit en substance : L âme humaine dans le premier instant de l'état de séparation de son corps, com­mence à juger à la manière des esprits purs. Or l'esprit pur a un jugement pratique immuable qui ressemble au jugement immuable de Dieu. Pourquoi ?

Pour Dieu, c'est clair ; parce que de toute éternité il voit tout ce qui arrivera et il n'apprend rien de nouveau qui puisse changer ses décrets éternels. I

l y a, toute proportion gardée, quelque chose de semblable pour l'esprit pur créé. Tandis que nous, dans le temps, nous voyons successivement les divers aspects d'un parti à prendre, tandis qu'après avoir choisi nous apprenons du nouveau et modifions notre choix, l'esprit pur, qui a une connaissance toute intuitive, voit simultanément les divers aspects du parti à pren­dre, il voit simultanément le pour et le contre, tout ce qui est à considérer, et après avoir librement choisi il n'apprend rien de nouveau qui puisse chan­ger son choix ; dès lors celui-ci reste immuable, et ressemble aux décrets très libres mais immuables de Dieu. Cela tient à la perfection de l'intelligence de l'esprit pur.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III

QUELLE EST LA NATURE ET LA CAUSE PROCHAINE DE CETTE IMMUTABILITÉ


Et alors, selon le Cardinal Cajetan, l'âme séparée de son corps, à l'instant même où elle commence sa vie d'âme séparée, choisit immuablement ce qu'elle veut par un tout dernier acte instantané, soit méri­toire, soit déméritoire. Alors elle se fixe elle-même dans son choix, et l'on comprend dès lors pourquoi Dieu infiniment bon n'offre plus la grâce de la con­version à l'âme qui s'est obstinée.

Cette opinion du Cardinal Cajetan, si ingénieuse qu'elle soit, n'a pas été acceptée du moins entière­ment par les thomistes postérieurs, ni par les autres théologiens. On a répondu : S'il en était ainsi, un pécheur mourant en état de péché mortel pourrait se réconcilier avec Dieu sitôt après la mort, et inver­sement un juste mort en état de grâce pourrait se perdre, par une faute commise aussitôt après, ce qui paraît contraire au témoignage de l'Écriture. Cette remarque a été faite par Suarez et plusieurs autres.

Les thomistes postérieurs à Cajetan lui ont répon­du. Ainsi parlent en particulier Sylvestre de Ferrare in C. Gentes, 1. IV, c. XCV et les Carmes de Salamanque, Cursus theol.: De gratia, de Mérito, disp. I, dub. IV, n° 36.] : « Selon l'Écriture, l'homme ne peut mériter qu'avant la mort, c'est ce qu'expriment surtout ces paroles du Sauveur (JOAN, IX, 4) : « Il faut faire les oeuvres de Celui qui m'a envoyé pendant qu'il est encore jour, car la nuit vient où nul ne peut plus travailler, « avent nox, in qua nemo potest operari ».

Aussi les théologiens admettent communément qu'une des conditions du mérite est d'être un homme encore viator, voyageur ; et c'est donc l'homme qui doit mériter et non pas l'âme séparée du corps.

Et alors quelle est la solution généralement admise par les disciples de saint Thomas ? C'est une solution qui paraît être entre les deux précédentes et au-dessus d'elles, le juste milieu et le sommet qui exprime le mieux la pensée de saint Thomas.

Elle est bien exposée par le grand théologien Sylvestre de Ferrare in C. Gentes, IV, c. 95. Il dit : « Quoique l'âme dans le premier instant de séparation de son corps ait une vue ou appréhension intellectuelle immobile et com­mence alors à être obstinée dans le mal (ou au con­traire fixée dans le bien), cependant à ce moment il n'a plus de démérite (ni de mérite) comme quelques-­uns le disent, car le mérite et le démérite n'appar­tiennent pas à l'âme seule, mais à l'homme viator ; or dans le premier instant de l'état de séparation l'homme n'existe plus, il n'est plus là pour mériter...

Et donc pour l'homme, l'obstination est causée initialement (inchoative) par la vue ou l'appréhen­sion mobile de telle fin (lorsque l'âme est encore unie au corps) et elle est causée d'une façon défi­nitive (completive) par l'immobile appréhension de l'âme dès qu'elle est séparée du corps ». De même pour la fixation immuable dans le bien. Telle paraît bien être la pensée de saint Thomas [Cf. C. Gentes, 1. IV, c. XCV, et De Veritate, q. 24, a. II.].

L'Écriture a dit en ce sens : « Si un arbre tombe au midi ou au nord, il reste à la place où il est tombé » (ECCLÉSIASTE, XI, 3).

Cette solution paraît contenir dans une synthèse supérieure ce qu'il y a de vrai dans les deux précé­dentes : 1° L'obstination dans le mal ou la fixation dans le bien sont causées initialement par le dernier démérite ou le dernier mérite de l'âme unie au corps ; 2° elles sont causées de façon définitive par l'immobile appréhension ou intuition de l'âme séparée, qui adhère alors immuablement à ce qu'elle a choisi. Bref : l'âme commence à se fixer par le dernier acte libre de la vie présente, et elle achève de se fixer par sa manière immuable de juger et de vouloir libre­ment au premier instant après la mort. Elle s'immo­bilise ainsi elle-même dans son propre choix. Dès lors ce n'est pas un manque de Miséricorde de la part de Dieu de ne plus offrir la grâce de la conversion à l'âme ainsi obstinée.

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CHAPITRE III
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On objecte : la liberté du deuxième acte à l'ins­tant précis qui suit la mort est diminuée puisque cet acte est toujours conforme au précédent.

A cela il faut répondre que la liberté de ce second acte est diminuée en effet pour le pécheur qui ne s'est pas repenti avant la mort, car comme il est dit en saint Jean, VIII, 34 : « celui qui pèche, est esclave du péché ».

Mais au contraire pour le juste mort en état de grâce, la liberté de l'acte qu'il fait sitôt après la mort est plus grande, car la liberté qui est une suite de l'intelligence, grandit avec la lucidité de celle-ci ; ainsi la liberté de l'ange et plus encore celle de Dieu est plus grande que la nôtre; et cependant l'élection souverainement libre de Dieu est posée de façon immuable et ne change plus. Il en sera de même de notre acte libre posé sitôt après la mort, il ne changera plus.

Quand plus tard au jugement dernier l'âme repren­dra son corps, elle ne changera plus, car elle se sera déjà immobilisée elle-même dans son choix, et elle; n'apprendra rien de nouveau sur la fin dernière, en reprenant son corps. Elle ne changera donc pas son choix.

C'est plus facile à comprendre pour l'immutabi­lité dans le bien, mais il en est de même pour l'obstination dans le mal. Seulement les mystères d'ini­quité sont plus obscurs que les mystères de grâce ; car ces derniers en eux-mêmes sont souverainement lumineux, tandis que les autres sont les ténèbres mêmes.

L'entrée dans l'état de séparation du corps fixe à jamais le choix librement déterminé avant la mort, comme l'hiver le grand froid fixe sur les vitres le brouillard en figures variées ; le givre est précisé­ment le brouillard qui se dépose sous forme de glace immobile. Mais la meilleure image ou métaphore est celle de l'Écriture : « Si un arbre tombe au midi ou au nord (c'est son dernier mouvement) il reste (immo­bile) à la place où il est tombé. »

On peut compléter cette doctrine par ce que dit saint Thomas au Contra Gentes, IV, c. 95. Le Saint Docteur y montre que chacun juge pratiquement selon son penchant, et surtout selon son inclination à ce qu'il a choisi comme fin ultime ; ainsi l'ambitieux, juge selon l'inclination de l'orgueil, et l'humble selon son penchant à l'humilité.

Or notre inclination vers la fin ultime choisie par nous peut changer tant que l'âme est unie au corps (qui lui a été donné pour qu'elle tende à sa fin), mais cette inclination ne change plus après la séparation du corps, car l'âme juge alors d'une façon immuable selon cette inclina­tion même et elle est dès lors fixée dans son choix. L'humble continue à juger définitivement selon le penchant de la vertu ; l'orgueilleux continue de. juger toujours selon son orgueil, avec une amertume qui ne finira pas ; son jugement est à jamais perverti et par là même son choix volontaire dans lequel il s'obstine.

Et même si Dieu lui offrait l'unique voie de retour qui est celle de l'humilité et de l'obéissance, l'obstiné refuserait cette unique voie.

Il y a quelque chose d'un peu semblable dans la vie présente, une maladie congénitale reste toute la vie ; de même assez souvent quand on entre bien ou mal dans un état de vie permanent. Par exemple, si l'on entre très chrétiennement dans l'état de mariage, la bonne disposition qu'on avait en y entrant est confirmée ; et aussi souvent hélas, si on y entre mal, la mauvaise disposition persiste et devient habituelle. De même si l'on entre pour un excellent motif en religion, et malheureusement aussi si on y entre pour un motif humain. Voir plus loin, chap. VI : la connaissance de l'âme séparée, chapitre où se confirme ce que nous venons de dire.

On a objecté encore : mais les damnés, du fait qu'ils sont instruits par leur malheur, pourraient revenir sur leur jugement pratique et sur leur choix, qui reste libre.

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La théologie répond avec saint Thomas [Supplementum, q. 98, a. 2.] : les damnés ne sont pas instruits pratiquement et effec­tivement par leur malheur.

Sans doute ils voudraient ne pas souffrir, mais ils ne veulent pas non plus reve­nir vers Dieu, car il n'y aurait qu'une route possible, celle de l'humilité et de l'obéissance, et ils ne veulent pas de cette route ; si le Seigneur la leur ouvrait, ils ne la prendraient pas. Ils ne regrettent pas leurs péchés comme faute, dit saint Thomas [Ibid.], mais seulement comme cause de leurs souffrances. Ils n'ont pas le repentir qui porte à demander pardon, ils n'ont que le remords qui les laisse dans la révolte. Et il y a un abîme entre les deux.

On objecte encore : mais il est incroyable que le démon lui-même ait préféré son isolement orgueilleux à la béatitude surnaturelle, à la vision de Dieu, qui est un bien infiniment supérieur aux joies amères de l'orgueil.

La théologie répond encore en s'appuyant sur la Révélation (Cf. SAINT THOMAS, Ia, q. 63, a. 3.), le démon, si étonnant que cela puisse paraître, a préféré sa vie intellectuelle naturelle dont il s'est grisé, sa béatitude naturelle et son isolement orgueilleux, plutôt que de tendre par la voie de l'humilité et de l'obéissance à la béatitude surna­turelle, qu'il ne pouvait recevoir que de la grâce de Dieu et qu'il aurait reçue en commun avec des hom­mes inférieurs à lui.

C'est le propre de l'orgueilleux de se complaire en sa propre excellence, au point de rejeter tout ce qui paraît la restreindre.

De fait on trouve même des hommes qui préfèrent l'étude des mathématiques ou de la philosophie rationaliste à l'Évangile qui est pourtant incompara­blement supérieur.

Ils la préfèrent au point de nier tous les miracles qui confirment l'Évangile et la vie de l'Église, et parfois ils persévèrent toute leur vie dans leur négation On leur cite les miracles du Christ, ceux des saints modernes, ceux de Lourdes.

Ils répondent : mais tout le monde fait des miracles. Ils ne veulent pas voir avec quel sérieux sont examinés par les médecins et les théologiens les miracles requis par la Sacrée Congrégation des rites pour la béatification et canonisation des serviteurs de Dieu.

Il serait pourtant facile de s'instruire sur le sérieux d'un tel examen, qui rejette beaucoup de miracles probables, pour ne retenir que les certains..

D'autres comme Lamennais se séparent de l'Église parce qu'ils veulent la défen­dre à leur manière, et non pas comme elle doit être défendue ; ils se croient plus sages qu'elle, et après s'être exaltés, les malheureux tombent par orgueil.

Cela permet d'entrevoir ce qu'a été le péché de l'ange qui inspire celui du naturalisme.

Que conclure pratiquement ? Qu'il importe sou­verainement de ne pas toujours remettre à plus tard sa conversion ; on pourrait être surpris par la mort. Et notre dernier acte libre avant de mourir doit décider de notre éternité heureuse ou malheureuse.

C'est pourquoi il importe beaucoup de prier pour ceux qui paraissent s'éloigner de Dieu et même il convient de faire célébrer des Messes pour qu'ils obtiennent la grâce de la bonne mort, comme l'a recommandé Benoît XV.

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J'ai connu un homme qui avait été élevé très chré­tiennement, mais qui ensuite s'était éloigné de Dieu et qui, après avoir perdu sa femme et sa fille unique, qui était un ange de piété, fut assailli d'une terrible tentation de désespoir pendant plusieurs mois.

Il voulait se tuer, et le jour où il allait le faire, à l'ins­tant où, à Tulle, il allait se précipiter dans un ravin, sa soeur et les Carmélites priaient ardemment pour lui. Au moment où il allait se donner la mort, Notre­Seigneur lui apparut avec un regard triste et doux et l'appela par son nom de baptême : «Joseph ».

A la vue de cette Miséricorde de Dieu, Joseph Maison­neuve (c'était son nom) comprit que la rédemption était aussi pour lui. Il se convertit tout à fait, devint un homme doux et humble de cœur, il expia ses fautes par la plus grande pénitence jusqu'à la dernière heure, et mourut en odeur de sainteté.

On l'appelle le saint homme de Tulle, et depuis sa mort on a obtenu par son intercession des guérisons qui parais­sent vraiment miraculeuses (On a écrit sa vie : Joseph Maisonneuve par un ancien Supérieur des Missionnaires diocésains de Tulle. Tulle, 1935.).

Or ce saint converti avait, dans la même ville de Tulle, un ami qui vivait mal ; il priait toutes les nuits les bras en croix pour sa conversion et faisait de rudes pénitences pour l'obtenir. Un jour il apprit que cet ami s'était donné un coup de revolver, mais n'était pas encore mort ; il se porte vers lui aussitôt, le moribond eut encore 24 heures à vivre, et joseph Maisonneuve l'exhorta si bien qu'il se repentit et fit une mort très chrétienne.

L'important est de bien mourir. Pour cela il faut se rappeler la parole de Notre-Seigneur : « Qui n'est pas avec moi, est contre moi » (Dans l'économie actuelle du salut, tout homme est, soit en état de grâce, soit en état de péché, en d'autres termes : soit converti vers Dieu, soit détourné de lui) ; mais il est vrai de dire aussi et Jésus l'a dit aux Apôtres : « Qui n'est pas contre vous est pour vous » MARC, IX, 39.

Ceux qui cherchent sincèrement la vérité religieuse répondent déjà à la grâce actuelle qui les porte au bien. En eux commencent à se vérifier cette parole intérieure entendue par saint Bernard, redite par Pascal : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé ». Nous voyons ainsi de mieux en mieux combien est vraie la parole de saint Jean de la Croix : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l'amour » sur la sincérité de notre amour de Dieu.

NOTE Est-ce que tous les hommes reçoivent avant de mourir une vue globale de leur vie passée, qui soit comme une grâce suffisante pour se convertir ? Des personnes qui ont été sur le point de se noyer affir­ment avoir reçu cette intuition.

A cette question il faut répondre qu'il y a les morts les plus différentes, depuis les plus saintes, dont une révélation annonce quelquefois le jour et l'heure, jusqu'à celle des Pharisiens auxquels Notre-Seigneur a dit « vous mourrez dans votre péché ».

L'immobilité de l'âme soit dans le bien soit dans le mal, commence librement pendant la vie présente, nous l'avons vu, et s'achève par un acte libre (con­forme au précédent) au premier instant de l'état de séparation du corps.

Cela éclaire ce qui nous occupe ici. En effet l'obstination a pu commencer longtemps avant la mort, comme il arrive chez les pêcheurs endurcis, et ces malheureux peuvent être surpris par une mort subite, même dans le sommeil, sans avoir la vue globale de leur vie passée, ni le temps de se convertir avant la mort ; c'est là la peine de cette faute spéciale qui consiste à remettre toujours sa conversion à plus tard ou qui consiste même à ne pas vouloir se convertir du tout.

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D'autres pécheurs, qui ne sont pas endurcis, reçoivent des grâces actuelles plus fréquentes pour revenir à Dieu, et parmi ces grâces il y a peut-être assez souvent une vue globale de leur vie passée. C'est un effet spécial de la Miséricorde Divine pour les porter à se convertir et les empêcher de s'obstiner, surtout s'ils vont mourir d'une mort imprévue, presque subite.

D'autres hommes sont en état de grâce, mais fai­bles, et vont se trouver dans des circonstances diffi­ciles avant la mort. Alors il se peut que Dieu en sa Miséricorde, leur accorde assez souvent une vue globale de leur vie passée pour les encourager à per­sévérer malgré les difficultés de la route.

Cela paraît conforme à la Miséricorde de Dieu a qui ne veut pas la mort éternelle du pécheur, mais qu'il se convertisse ». (EZÉCH., XXXIII, II). On peut citer ici les textes de l'Écriture où est exprimée la volonté salvifique universelle, par laquelle Dieu veut le salut de tous, et par laquelle il a inspiré à son Fils de s'offrir pour tous sur la Croix.

Cette réponse est aussi conforme à bien des révélations privées et à l'expérience de plusieurs de ceux qui ont failli mourir subitement.

Cependant il ne faut pas abuser par présomption de ce qui vient d'être dit pour remettre toujours à plus tard de se convertir. On peut abuser aussi de ce point de vue des meilleurs signes de la Divine Miséricorde, lorsqu'on oublie de considérer que Dieu est en même temps souverainement juste et qu'il rendra à chacun selon ses oeuvres.

Certainement, la Providence du Seigneur est irréprochable, et jamais aucun pécheur ne s'est perdu par manque de secours divin, nunquam homo peccavit ex insufficientia auxilii divini ( Cela proviendrait d'une négligence divine ; or une négligence divine est une contradiction dans les termes. Si elle s'était produite une seule fois, Dieu ne serait plus Dieu, car il ne serait plus sage ; sa prudence et sa Providence seraient un vain mot : ces négations sont un blasphème très évident, qui manifeste à sa manière par contraste le clair-obscur du mystère divin dont nous parlons..

Les jugements de Dieu sont toujours droits, parfaitement justes, et la justice ne manifeste sa sévérité que lorsqu'on a abusé de sa Miséricorde.

CHAPITRE IV - LE JUGEMENT PARTICULIER

Nous avons vu au début du chapitre précédent que l'existence du jugement particulier, affirmée comme de foi par le Magistère ordinaire de l'Église, est fondé sur l'Écriture et la Tradition.

Des raisons théologiques confirment cette exis­tence du jugement particulier, car il convient qu'il y ait une sanction définitive dès que l'âme est capable d'être jugée sur tous ses mérites et ses démérites, c'est-à-­dire dès que le temps du mérite est fini, or cela arrive sitôt après la mort. Si du reste il en était autrement, elle resterait dans l'incertitude jusqu'au jugement général, ce qui paraît contraire à la sagesse de Dieu, autant qu'à sa Miséricorde et à sa justice (Cf. SAINT THOMAS, IIIa, q. 59, a. 4, ad Im, a. 5. Suppl. q. 69, a. 2; q. 88, a, I, ad. Ia; C. Gentes,1. IV, c. 91, 95..

DE QUELLE NATURE EST CE JUGEMENT PARTICULIER

Ce jugement divin nous est révélé comme analogue à celui de la justice humaine. Mais l'analogie comporte des ressemblances et des différences.

Le jugement d'un tribunal humain exige trois choses : l'examen de la cause, le prononcé de la sentence et l'exécution de celle-ci.

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DE QUELLE NATURE EST CE JUGEMENT PARTICULIER


Dans le jugement divin l'examen de la cause se fait instantanément, car il ne requiert ni la déposition de témoins pour et contre, ni la moindre discussion. Dieu connaît l'âme par une intuition immédiate, et l'âme, à l'instant où elle est séparée de son corps, se voit immédiatement et est éclairée d'une façon décisive et inévitable sur tous ses mérites et ses démé­rites.

Elle voit donc sans possibilité d'erreur son état, tout ce qu'elle a pensé, désiré, dit et fait de bien et de mal, tout le bien qu'elle a omis ; sa mémoire et sa conscience lui rappellent toute sa vie morale et spi­rituelle jusque dans les moindres détails.

C'est alors seulement que nous verrons clairement tout ce que comportait notre vocation particulière ou individuelle, celle d'une mère, d'un père, d'un apôtre.

La sentence est prononcée aussi instantanément, non pas par une voix sensible, mais d'une façon toute spirituelle, par une illumination intellectuelle, qui réveille les idées acquises et donne les idées infu­ses nécessaires pour voir tout le passé d'un seul regard, et qui surélève le jugement pour le préserver de toute erreur.

L'âme voit spirituellement alors qu'elle est jugée par Dieu, et sous la lumière divine sa conscience porte ce même jugement définitif. Cela se fait au premier instant où elle est séparée du corps, de sorte que, dès qu'il est vrai de dire d'une personne qu'elle est morte, il est vrai de dire aussi qu'elle est jugée.

L'exécution de la sentence est immédiate elle aussi ; rien en effet ne peut la retarder. Du côté de Dieu la toute puissance accomplit aussitôt l'ordre de la justice divine ; et, du côté de l'âme, le mérite et le démé­rite sont, dit saint Thomas, comme la légèreté et la gravité des corps.

Dès qu'il n'y a pas d'obstacles, les corps pesants descendent, et les corps plus légers que leur milieu s'élèvent aussitôt. Comme les corps tendent à leur lieu naturel, les âmes séparées vont, sans retard aucun, à la récompense due à leur mérite (à moins qu'elles ne doivent encore subir une peine temporaire au purgatoire), ou elles vont à la peine éternelle due à leurs démérites ;
bref, elles vont les unes et les autres vers la fin de leurs propres actes.

Les Pères de l'Église ont souvent comparé de même la charité à une vive flamme qui ne cesse de monter tandis que la haine descend toujours.

Le jugement particulier a donc lieu à l'instant de la séparation de l'âme et du corps, au premier instant où il est vrai de dire : l'âme est séparée.

Ainsi est terminé le temps du mérite et du démé­rite ; autrement une âme du purgatoire pourrait encore se perdre, et une âme réprouvée pourrait encore être sauvée.

Les âmes du purgatoire sont donc arrivées au terme du mérite, sans être encore parve­nues à la béatitude éternelle. Ces âmes en état de grâce restent libres, mais cela ne suffit pas au mérite, car une de ses conditions, selon tous les théologiens, est d'être encore viator ou dans l'état de voie.

Au moment du jugement particulier l'âme ne voit pas Dieu intuitivement ; autrement elle serait déjà béatifiée. Elle ne voit pas non plus l'humanité du Christ, sauf faveur exceptionnelle ; mais par une lumière infuse, elle connaît Dieu comme souverain juge et aussi le Rédempteur comme juge des vivants et des morts. Les prédicateurs dans l'exposé de cette doctrine se servent souvent, à l'exemple des Pères de symboles pour la rendre plus accessible à tous et plus saisissante ; mais comme doctrine elle se réduit à ce que nous venons de dire.

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DE QUELLE NATURE EST CE JUGEMENT PARTICULIER


Bienheureuses les âmes qui auront fait une grande partie de leur purgatoire sur la terre, par l'acceptation généreuse des contrariétés quotidiennes. Par ces multiples sacrifices de tous les jours elles seront arrivées à un amour pur et parfait, et c'est sur lui qu'elles seront jugées.

Il y a bien des degrés dans la pureté de l'amour. Saint Pierre avant la Passion a semblé faire un acte d'amour pur quand il protesta à Jésus qu'il était prêt à mourir avec Lui.

Mais il se mêlait à cet acte de la présomption ; pour l'en purifier la Providence permit le triple reniement de Pierre d'où il sortit plus humble, plus défiant de lui-même, plus confiant en Dieu. Et il fit plus tard un acte de très pur amour quand il se laissa conduire au martyre et désira par humilité être crucifié la tête en bas.

Comment arriver avant la mort à un acte de pur amour ? « Ce n'est pas en faisant des efforts de tête, ni en raidissant sa volonté, que l'on parvient à donner plus de force à son amour, c'est en faisant généreusement beaucoup de sacrifices, en acceptant de grand coeur les épreuves ». ( Mgr Auguste SAUDREAU, L'Idéal de l'âme fervente, 1920. Ch. III : Le jugement particulier de l'âme parfaite, pp. 49-52. )

Alors le Seigneur augmente beaucoup en nous la charité infuse, et l'on se prépare ainsi au jugement particulier où l'on trouvera alors en Jésus bien plus un ami qu'un juge. Ainsi Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres, et le jugement particulier nous fixera sur notre salut éternel.

Mais le jugement général n'en reste pas moins nécessaire pour se prononcer sur les actes de l'homme en tant qu'il est, non pas une personne individuelle, mais un membre de la société humaine dans laquelle il a eu une influence bonne ou mauvaise plus ou moins durable. Voyons ce que nous en dit la Révélation.

CHAPITRE V - LE JUGEMENT DERNIER ET UNIVERSEL

La foi chrétienne s'exprime ainsi en divers Symboles : « Je crois en Jésus-Christ qui viendra juger les vivants et les morts ». Le Symbole dit de saint Athanase, enseigne plus précisément qu'au dernier avènement du Sauveur, « tous les hommes ressusciteront dans leur corps et devront rendre compte de leurs propres actes ».

l est de roi qu'après la résurrection générale, le Christ jugera tous les hommes sur ce qu'ils auront pensé, désiré, dit, fait et omis pendant leur vie terrestre, c'est-à-dire sur leurs oeuvres bonnes et mauvaises, et qu'il rendra à chacun selon ses oeuvres. (Denzinger, 54, 86, 287, 429, 693). Voyons à ce sujet ce que nous dit l'Écriture, et comment l'explique la Théologie.

LE JUGEMENT DERNIER DANS L'ÉCRITURE

Les traditions religieuses de bien des peuples ont transmis la croyance à une suprême justice, qui se manifestera par les sanctions d'outre-tombe. On la retrouve sous une forme ou sous une autre dans les croyances des peuples civilisés.

Elle montre la nécessité d'une rétribution individuelle et décrit le jugement qui doit la fixer. Au-dessus de ce jugement des individus, parmi les religions païennes, celle des anciens Perses admet un jugement dernier et universel. (Dict. de Théol. cath., art. Jugement (croyances du paganisme, c. 1727-1734) par J. RIVIERE.)

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CHAPITRE V - LE JUGEMENT DERNIER ET UNIVERSEL

LE JUGEMENT DERNIER DANS L'ÉCRITURE


Dans la Bible, les premiers livres de l'Ancien Testament, quoiqu'ils manifestent une foi profonde en la justice de Dieu, parlent de façon encore bien obscure des sanctions de l'au-delà.

La raison en est que l'Ancien Testament est ordonné au Nouveau, c'est-à-dire à la venue du Sauveur promis, tandis que le Nouveau Testament est immédiatement ordonné à la vie éternelle. Aussi il en parle souvent et de façon beaucoup plus explicite que l'Ancien Testament.

Cependant on y trouve des affirmations comme celle qui se lit dans l'ECCLESIASTE, XII, 4 : « Dieu citera en jugement sur tout ce qui est caché et toute oeuvre soit bonne, soit mauvaise ».

Mais c'est surtout avec les Prophètes que se précise l'annonce du jugement dernier et universel. ISAIE, LXVI, 15-24, parlant de la restauration d'Israël pour l'éternité « avec de nouveau cieux et une nouvelle terre », dit au nom du Seigneur : « Toute chair viendra se prosterner devant moi », puis il annonce aux impies des châtiments éternels. DANIEL, XII I-2, dit plus clairement : « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour une vie éternelle, les autres pour un opprobre, pour une infamie éternelle ». JOËL, III, 2, écrit : « J'assemblerai toutes les nations, et je les ferai descendre dans la vallée de Josaphat

Cette dénomination est symbolique, le mot Josaphat veut dire Jahvé juge, et peut s'appliquer à tout lieu où Dieu rendra son jugement général.) et là j'entrerai en jugement avec elles ».

Le livre de la Sagesse, V, 15 (II° siècle, avant Jésus-Christ) parle de même ; après avoir décrit les peines réservées aux méchants après la mort, il dit : « mais les justes vivront éternellement, leur récompense est auprès du Seigneur ». (Cf. ibid., VI, 6, XV, 8). Au livre II° des Macchabées, VII, 9, 36, les sept frères martyrs disent à leur juge : « Le Roi de l'univers nous ressuscitera pour une vie éternelle... mais toi, par le jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil ».

Dans le Nouveau Testament, le jugement universel est annoncé par Jésus lui-même à plusieurs reprises. MATTH., XI, 22-23 : « Malheur à toi Corozaïn, malheur à toi Betzaïda... oui, je vous le dis, au jour du jugement il y aura moins de rigueur pour Tyr et Sidon, que pour vous », XII, 41 : « Les hommes de Ninive se dresseront au jour du jugement avec cette génération et la condamneront, parce qu'ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et il y a ici plus que Jonas ». De même Luc, X, 12-14 ; XI, 31-32. MATTH., XVI, 27 : « Le Fils de l'homme rendra à chacun selon ses oeuvres ».

Ce jugement universel est presque toujours donné dans l'Évangile comme l'œuvre du Christ, surtout dans le grand discours sur la fin du monde, conservé par les trois premiers Évangiles (SAINT MATH., XXIV, 31-46) : « Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire et tous les anges avec lui, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Et toutes les nations étant rassemblées devant lui, il séparera les uns d'avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d'avec les boucs... » (SAINT MATTH., XXIV, 31 ; MARC, XIII, 27 ; LUC, XXI, 27). Enfin Jésus, pendant sa Passion dit au grand Prêtre : « Vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout Puissant et venir sur les nuées du ciel... » (MATTH., XXVI, 64).

Dans l'Évangile de saint Jean, XII, 48, il est dit « Celui qui me méprise et ne reçoit pas ma parole a son juge : c'est la parole même que j'ai annoncée ; elle le jugera au dernier jour ». - JOAN., VI, 40, 44, 55 : « Quiconque croit en moi, a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour » ; XI, 25 ; JOAN., V, 29: « L'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront ma voix ; et ils en sortiront, ceux qui ont fait le bien, pour une résurrection de vie ; ceux qui ont fait le mal, pour une résurrection de condamnation ».

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CHAPITRE V - LE JUGEMENT DERNIER ET UNIVERSEL

LE JUGEMENT DERNIER DANS L'ÉCRITURE


Dans les ACTES, X, 42, Pierre dit : « Jésus nous a commandé de prêcher que c'est lui que Dieu a établi juge des vivants et des morts ». Et saint Paul écrit II COR., V , 10 : « Nous tous, il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu'il a mérité étant dans son corps, selon ses oeuvres; bien ou mal ».

Le même saint Paul parle très clairement ailleurs de la résurrection générale et du jugement dernier ; (I COR., XV 26) : « Le dernier ennemi qui sera détruit, c'est la mort... Alors le Fils lui-même fera hommage à celui qui lui aura soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous ». - ROM., II, 11-16 : « Dieu ne fait pas acception de personnes... C'est ce qui apparaîtra au jour où il jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes ». Cf. ROM., XIV, 12 ; II COR., XI, 15 ; II TIM., IV, 14.

Dans l'APOCALYPSE, XX, 12, saint Jean dit enfin : « Je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône. Des livres furent ouverts... et les morts furent jugés d'après ce qui était dans ces livres, selon leurs oeuvres ». Les Pères grecs et latins non seulement enseignent explicitement ce dogme, mais ils décrivent vivement le jugement dernier. Il suffit de citer saint Augustin, Cité de Dieu, L.XX, c. 30, n. 3 : « Nul ne nie ou met en doute que Jésus-Christ, comme l'annoncent les Saintes Écritures, prononcera le dernier jugement ».

Les circonstances de ce jugement universel, selon l'Écriture, sont les suivantes : le juge sera Jésus en son humanité, car ce sont ses mérites qui nous ont ouvert les portes du ciel. La matière de ce jugement sera la vie intégrale de chacun, ses pensées, paroles, ses oeuvres, ses omissions, le bien et le mal qu'il a faits. Le temps de ce jugement est certain, Dieu seul le sait (MARC, XIII, 32), quoiqu'il ait donné dans l'Écriture certains signes de son approche (MARC, XIII, 7-33) : « On verra se soulever peuple contre peuple... il y aura des tremblements de terre, des famines ... Il faut qu'auparavant l'Évangile soit prêché à toutes les nations... Vous serez en haine à tous, dit Jésus à ses disciples, à cause de mon nom... Il y aura en ces jours des tribulations telles qu'il n'y en a point eu depuis le commencement du monde... Il s'élèvera de faux Christ et de faux prophètes, qui feront des signes et des prodiges, jusqu à séduire, s'il se pouvait, les élus eux-mêmes.

Pour vous, prenez garde ! Voyez, je vous ai tout annoncé d'avance... Alors on verra le Fils de l'homme venir dans les nuées avec une grande puissance et une grande gloire... Veillez et priez ; car vous ne savez pas quand ce sera le moment ». Saint Paul ajoute (II THESS., II, 3) : « Ne vous laissez pas séduire... Tant que l'apostasie ne sera point arrivée et que l'homme de péché (l'Antechrist) n'aura point paru, le Jugement n'aura pas lieu ».

L'apostasie dont parle ici saint Paul est celle dont parle SAINT MATTH., XXIV, 11, 13,22-25; LUC, XVIII, 8 ; XXI, 28; l'apostasie des peuples quand la charité de beaucoup sera refroidie.

Saint Pierre annonce (II PETR., III, 12) : « Les cieux enflammés se dissoudront, et les éléments embrasés se fondront. Nous attendons, selon la promesse du Seigneur « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » (IS., LXV, 17), où la justice habite ». Saint Paul dit (ROM., VIII, 19) : « La création attend... avec l'espérance qu'elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu ». Enfin l'Apocalypse, XXI, 1, annonce un renouvellement de ce monde où a vécu l'humanité déchue ; débarrassé de toute souillure, ce monde sera rétabli par Dieu dans un état égal, et même supérieur à celui dans lequel il avait été créé. La Jérusalem céleste dont il est parlé ici, c'est l'Église triomphante, société des saints, à jamais établie dans la vie éternelle, après l'avènement glorieux de son Époux : « Et (pour les justes) Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; il y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu ».

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CHAPITRE V - LE JUGEMENT DERNIER ET UNIVERSEL

LES RAISONS DE CONVENANCE DU JUGEMENT DERNIER


Saint Thomas ( IIIa, q. 59, a. 5 ; Suppl, q. 88, a. I, ad I ; a. 3 ; q. 9I, a. 2. ) explique ces raisons.

1. Les hommes après leur mort vivent dans la mémoire de ceux qui restent sur la terre, et souvent sont jugés contrairement à la vérité. De puissants esprits faux, tels un Spinoza, un Kant, un Hégel sont jugés comme de grands philosophes ; des faux prophètes et des hérésiarques comme Luther et Calvin sont considérés par beaucoup comme des maîtres de la pensée religieuse, tandis que de grands saints et de grands docteurs sont profondément méconnus.

On verra alors ce que valaient beaucoup d'histoires de la philosophie, beaucoup d'études sur les origines du Christianisme écrites à grand renfort de critique dans un esprit absolument rationaliste ; on verra que leurs perpétuelles variations et contradictions provenaient de leur erreur fondamentale la négation du surnaturel. On verra aussi tous les mensonges des États, des prétendus grands politiques, tous les mensonges des hypocrites qui se sont servi de la religion, au lieu de la servir ; tous les masques tomberont.

On pourra juger de l'histoire universelle de l'humanité et de l'Église, en voyant les événements non plus seulement sur la ligne horizontale du temps qui s'écoule entre le passé et le futur, mais sur la ligne verticale qui rattache ces événements à l'unique instant de l'immobile éternité.

Les secrets des cœurs seront découverts, comme l'annonçait le vieillard Siméon (Luc, I, 35) à propos du premier avènement du Sauveur, figure du dernier. Les pharisiens, Caïphe et Pilate seront définitivement jugés et la Vérité nous délivrera de tous les mensonges, qui auront fait tant de mal.

Il faut évidemment, si Dieu existe, que la vérité soit rétablie et qu'elle ait le dernier mot.

2. De plus beaucoup de défunts ont des imitateurs soit en bien, soit en mal ; le mal est plus facile à imiter et cherche à se faire passer pour le bien. Il faut ici encore que la vérité et la justice soient reconnues. « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés ».

3. Enfin les effets des actions des hommes durent parfois très longtemps après leur mort. L'enseignement d'Arius et d'autres hérésiarques trouble les intelligences et les âmes pendant des siècles, tandis que l'influence de la prédication des Apôtres s'exercera jusqu'à la fin du monde. Il faut que tout cela soit reconnu sous la lumière infaillible du jugement de Dieu, et cela ne peut l'être qu'à la fin des temps.

Le Catéchisme du Concile de Trente, I° P. ch. 8, dit en substance : « La justice divine veut que les bons recouvrent leur réputation souvent attaquée par les méchants qui triomphaient. De plus le corps, aussi bien que l'âme, doit recevoir le châtiment ou la récompense qu'il mérite, aussi convient-il que le jugement universel suive la résurrection générale.

Ce jugement obligera aussi tous les hommes à rendre à la justice de Dieu et à sa Providence les louanges qui leur sont dues. - Il convient enfin que ce jugement soit porté par Jésus-Christ, parce qu'il est le Fils de l'homme, parce qu'il s'agit de juger les hommes, et parce qu'il a été lui-même jugé injustement par des juges pervers ».

Mais il convient que le jour du jugement dernier soit connu de Dieu seul, car la fin du monde ne dépend que de la volonté libre de Dieu ; elle n'arrivera en effet que lorsque le nombre des élus sera complet, et ce nombre ne peut être fixé que par Celui qui seul prédestine. (SAINT THOMAS, Suppl., q. 91, a. 2).

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CHAPITRE V - LE JUGEMENT DERNIER ET UNIVERSEL

LES RAISONS DE CONVENANCE DU JUGEMENT DERNIER


Les Apôtres jugeront avec le Christ comme jésus l'a annoncé ; et aussi les pauvres volontaires qui ont tout quitté par amour de la vérité et de la justice pour suivre Jésus-Christ. « Celui qui se sera humilié sera exalté » et alors se réalisera parfaitement la parole du Magnificat : « Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles ».

DU JUGEMENT RÉSERVÉ AUX ORGUEILLEUX ET CELUI DES HUMBLES

L'auteur de l'Imitation (L.I, c. 24) dit à ce sujet : « Par quel étrange oubli de vous-même, vous en allez-vous, sans rien prévoir, vers ce jour de jugement...

Il y a sur terre un grand et salutaire purgatoire l'homme patient qui, en butte aux outrages, s'afflige plus de la malice d'autrui que de sa propre injure ; qui prie sincèrement pour ceux qui le contristent, et leur pardonne du fond du coeur... Il vaut mieux se purifier maintenant de ses péchés et retrancher ses vices, que d'attendre de les expier en l'autre vie... ; chaque vice aura son tourment propre...

Alors l'humble et le pauvre auront une grande confiance, et de tous côtés l'épouvante environnera le superbe. Alors on verra qu'il fut sage en ce monde celui qui apprit à être insensé et méprisable pour Jésus-Christ.

Alors on s'applaudira des tribulations souffertes avec patience. Alors le mépris des richesses aura plus de poids dans la balance que tous les trésors de la terre. Alors les oeuvres saintes l'emporteront sur les beaux discours... Donc tout est vanité, hormis aimer Dieu et le servir. Car celui qui aime Dieu de tout son coeur ne craint ni la mort, ni le jugement, ni l'enfer, parce que l'amour parfait nous donne un sûr accès près de Dieu ».

(Cf. Ibid., L.III, c. 14) : Qu'il faut considérer les secrets jugements de Dieu, pour ne pas s'enorgueillir du bien qu'on fait. - ch. 28 : Que votre paix ne dépende point des jugements des hommes. - ch. 36 Contre les vains jugements des hommes, qu'il faut humblement tout remettre à Dieu, qui seul connaît tout. - ch. 58 : Qu'il ne faut pas chercher à sonder les secrets jugements de Dieu: « Humbles réjouissez-vous ; pauvres, tressaillez d'allégresse, parce que le royaume de Dieu est à vous, si vous marchez dans la vérité ».

Bienheureux ceux qui ont entendu comme Bernadette de Lourdes cette parole : « Je ne te promets pas le bonheur en cette vie, mais dans l'autre ». Ce fut pour Bernadette une révélation spéciale qu'elle était prédestinée, mais qu'elle aurait bien des croix sur la terre.

Il y a de même des vies chrétiennes remplies de croix ; lorsqu'elles sont bien supportées, c'est un signe de prédestination, dit saint Thomas ; ces croix qui pleuvent sont plus et mieux qu'une pluie de diamants ; on le verra clairement après la mort ( De même il y a des peuples chrétiens et catholiques, souvent sacrifiés comme la Pologne; il semble que pour beaucoup de leurs enfants prédestinés, le Seigneur ait dit aussi : « Je ne te promets pas le bonheur en cette vie, mais dans l'autre » ). La Providence apparaîtra alors absolument irréprochable en toutes ses voies.

CHAPITRE VI - LA CONNAISSANCE DE L'AME SÉPARÉE

Nous avons parlé jusqu'ici de la profondeur de l'âme dans la vie présente, puis de la mort et du jugement particulier, il faut maintenant considérer ce qu'est la vie future, d'abord en général, puis en particulier en enfer, au purgatoire et au ciel.

Pour se faire une juste idée de la vie future en général, il faut voir ce que la Théologie enseigne sur la connaissance que possède l'âme séparée de son corps, l'âme qui n'a plus l'usage de ses sens, ni de l'imagination ; ainsi s'explique l'état de sa volonté éclairée par cette connaissance nouvelle d'outre-tombe.

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CHAPITRE VI - LA CONNAISSANCE DE L'AME SÉPARÉE


Nous avons dit plus haut (Ch. III de la 2e partie) que selon les meilleurs théologiens, l'âme commence à se fixer, soit dans le bien, soit dans le mal, par le dernier acte de volonté soit méritoire, soit déméritoire, qu'elle fait au moment où elle va se séparer de son corps, et elle achève de se fixer par l'acte de volonté qu'elle produit à l'instant précis où commence l'état de séparation du corps.

Cela s'explique, avons-nous dit, parce que chacun juge selon son inclination, et alors il n'est pas étonnant que l'humble, qui est mort en état de grâce, continue de juger et de vouloir conformément à l'humilité, dans l'état de séparation; tandis que l'orgueilleux, qui est mort dans l'impénitence finale, continue de juger et de vouloir selon son orgueil.

Il y a là certes en cette fixité soit dans le bien, soit dans le mal, quelque chose de mystérieux. Mais cela n'est pas sans analogie avec des faits que nous constatons dans la vie présente. Nous constatons ici-bas que la disposition que nous avons en entrant dans un état permanent dure souvent ensuite tant que dure cet état.

C'est ainsi au point de vue physique que l'enfant qui vient au monde en de bonnes conditions jouit ensuite d'une bonne santé, tandis que celui qui est né en de mauvaises conditions n'a qu'une santé débile. De même, au point de vue moral, celui qui entre chrétiennement dans l'état de mariage, y persévère souvent de façon chrétienne ; tandis que celui qui y entre avec une intention défectueuse ou mauvaise, ne sera pas béni de Dieu en cet état, sauf conversion.

De même encore celui qui entre en religion pour un bon motif y persévère d'habitude, tandis que celui qui y entre pour un mauvais motif, n'y persévère pas ou ne profite pas de la vie religieuse. Ainsi s'explique d'une certaine manière la fixité de l'âme après la mort, fixité qui est affirmée par la Révélation ( Même dans le cours de la vie présente, beaucoup de ceux qui seront sauvés ont fait quelque grand acte qui n'a pas été rétracté dans la suite, et beaucoup de ceux qui se perdent ont fait quelque acte particulièrement mauvais.).Ce que nous allons dire maintenant de la connaissance de l'âme séparée confirme cet enseignement ; cette connaissance comporte en effet une immutabilité qui est propre à l'état de séparation.

Saint Thomas traite de cette question. (I, q. 89, q. 10, a. 4-6). Le principe qui éclaire ces problèmes est que l'intelligence humaine est la dernière des intelligences, mais pourtant une véritable intelligence, immatérielle ou spirituelle.

LA CONNAISSANCE PRÉTERNATURELLE


Tout d'abord il est certain que l'âme séparée, n'ayant plus son corps, n'a plus les opérations sensitives des sens externes et internes, en particulier de l'imagination, car celles-ci sont les opérations d'un organe animé.

Et même elle n'a plus que radicalement les facultés sensitives, car celles-ci n'existent actuellement que dans le composé humain ; l'imagination humaine, comme l'imagination animale, n'existe plus actuellement après la corruption de son organe, de même les habitudes des facultés sensitives, par exemple les souvenirs de la mémoire sensitive, n'existent plus actuellement dans l'âme séparée, mais seulement de façon radicale. Donc une âme séparée ne voit pas sensiblement, n'entend pas, n'imagine plus.

Par contre, elle conserve actuellement ses facultés supérieures, purement spirituelles : l'intelligence et la volonté, et les habitudes de celles-ci. Mais il faut faire ici une différence entre les âmes réprouvées et les autres. Les âmes réprouvées peuvent conserver certaines sciences acquises, mais non pas les vertus, soit acquises, soit infuses : elles ont perdu la foi infuse et l'espérance infuse.

Au contraire les âmes du purgatoire conservent la science acquise qu'elles avaient et les vertus soit acquises, soit infuses des facultés supérieures, notamment la foi, l'espérance, la charité, la prudence, la religion, la pénitence, la patience, la justice, l'humilité. C'est très important.

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