L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L

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amidelamisericorde
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A LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MÈRE DE DIEU
patronne de la bonne mort en signe de profonde gratitude et d'humble obéissance.

PREMIÈRE PARTIE
LA PROFONDEUR DE L'AME ET LA VIE PRÉSENTE


Pour procéder avec ordre, considérons d'abord les profondeurs de la sensibilité éclairée par la connaissance sensible, puis celle de la volonté éclairée par l'intelligence. Le progrès des vertus acquises, plus encore celui des vertus infuses ou surnaturelles nous manifestent ces profondeurs, en particulier le progrès de la charité dans l'âme des Saints, soit aux heures d'épreuves, soit dans leurs joies et leur apostolat débordant.

CHAPITRE I - LA SENSIBILITÉ ET LA CONNAISSANCE SENSIBLE

La sensibilité, principe des émotions et des passions, est, comme les sens et l'imagination, commune à l'homme et à l'animal. On l'appelle aussi appétit sensitif, pour la distinguer de la volonté spirituelle, commune à l'homme, à l'ange et à Dieu, et qui en nous mérite le nom d'appétit rationnel.

Les mouvements de l'appétit sensitif, émotions et passions, se produisent du fait que les sens ou l'imagination nous proposent un objet sensible, soit attrayant, soit redoutable. Ainsi l'animal désire sa nourriture, et chez lui l'émotion et la passion ont tantôt une forme douce, comme chez la colombe ou chez l'agneau, tantôt une forme violente, comme chez le loup, le tigre ou le lion.

Parmi les passions, la première de toutes, supposée par les autres, est l'amour sensitif ; par exemple chez l'animal, celui de la nourriture dont il a besoin. De cet amour naît le désir, la joie, l'espoir, l'audace ou la haine de ce qui lui est contraire, l'aversion, la tristesse, le désespoir, la crainte, la colère.

La passion n'est pas toujours vive, véhémente, dominatrice, mais elle peut le devenir. Chez l'homme les passions doivent être réglées, disciplinées par la droite raison et la volonté ; elles sont alors des forces utiles, pour défendre une grande cause. Mais au contraire les passions déréglées ou indisciplinées deviennent des vices ; l'amour sensitif devient gourmandise et luxure ; l'aversion devient jalousie et envie ; l'audace devient témérité ; la crainte devient lâcheté ou pusillanimité.

On voit alors, soit dans l'ordre du bien, soit dans celui du mal, la profondeur de la sensibilité. Cette profondeur apparaît déjà dans l'animal, dans l'amour et la haine ; par exemple chez le lion qui désire sa proie, ou chez la lionne qui défend ses petits, par l'amour instinctif de la conservation de son espèce.

Mais cette profondeur de la sensibilité apparaît plus encore chez l'homme, car chez lui au-dessus de l'imagination, il y a l'intelligence qui conçoit le bien universel, et la volonté qui désire un bien sans limite lequel n'est réalisé qu'en Dieu. Si donc l'homme, par sa volonté, ne suit pas le droit chemin, s'il cherche le bonheur suprême, non pas en Dieu, mais dans les créatures, alors sa concupiscence devient insatiable, car elle poursuit un bien apparent, qu'elle désire sans bornes.

Si la volonté, faite pour aimer le bien suprême et son rayonnement universel, est dévoyée, alors sa tendance vers l'universel se retrouve dans sa déviation. Cette faculté supérieure devenue folle influe lamentablement sur les autres. C'est une triste preuve, mais encore une preuve, de la spiritualité de l'âme, comme un souvenir de sa grandeur en sa déchéance.

Saint Thomas dit à ce sujet : « La concupiscence naturelle, ou véritablement fondée sur notre nature, ne peut être infinie, car elle porte sur ce qu'exige notre nature et celle-ci ne demande qu'un bien sensible limité ; aussi jamais l'homme ne désire une nourriture infinie, ni un breuvage infini. Au contraire la concupiscence qui n'est pas naturelle, ou fondée sur notre nature, peut-être infinie ; elle procède en effet d'une raison dévoyée qui conçoit l'universel sans limites. Ainsi celui qui désire les richesses, peut les désirer sans fin, il peut désirer devenir toujours plus riche. C'est ce qui arrive chez celui qui met sa fin dernière dans les richesses (Cf. SAINT THOMAS Ia, IIae, q. 3o, a. 4.).

Source : Livres-mystiques.com

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PREMIÈRE PARTIE
LA PROFONDEUR DE L'AME ET LA VIE PRÉSENTE

CHAPITRE I - LA SENSIBILITÉ ET LA CONNAISSANCE SENSIBLE


Tandis que la concupiscence naturelle à l'animal et à l'homme est limitée, même celle du loup, du tigre ou du lion, qui, lorsqu'il est rassasié, ne cherche pas une proie nouvelle, la concupiscence qui n'est pas naturelle, chez l'homme dépravé, est sans limites, car par son intelligence il conçoit toujours de nouvelles richesses et de nouvelles jouissances à se procurer ; d'où parfois des querelles sans fin entre individus et des guerres interminables entre des peuples.

L'avare est insatiable, de même l'homme de plaisir ou celui qui aspire toujours à dominer. Et comme l'amour contrarié engendre la haine, il y a des haines qui paraissent être sans limites : « La haine est le tonneau des pâles Danaïdes », disait Baudelaire. Selon la mythologie, les Danaïdes, pour avoir poignardé leur époux la nuit de leurs noces, turent condamnées à remplir dans le Tartare un tonneau sans fond, peine interminable d'une dépravation sans mesure.

Cette profondeur de la sensibilité humaine se remarque moins dans l'ordre du bien, parce que, dans cet ordre, elle nous dispose à aimer un bien spirituel qui n'est accessible qu'à la volonté spirituelle ; c'est ce qui arrive dans l'amour de famille et de la patrie, lorsqu'il se porte vraiment sur le bien commun, qui est surtout d'ordre moral, comme la justice sociale et l'équité.

Au contraire, la sensibilité d'une personne dépravée cherche l'infini dans les biens sensibles, elle leur demande ce qu'ils ne peuvent lui donner, ce qui la conduit au désenchantement et au dégoût, rien ne peut plus la satisfaire.)

Si telle est la profondeur de la sensibilité, commune à l'homme et à l'animal, quelle sera celle de la volonté spirituelle, commune à l'homme et à l'ange ?


CHAPITRE II
LA VOLONTÉ ÉCLAIRÉE PAR L'INTELLIGENCE
SON AMPLITUDE ILLIMITÉE

Peu de personnes ont profondément réfléchi à la supériorité de l'intelligence sur l'imagination, et à celle de l'idée sur l'image qui l'accompagne.

L'intelligence diffère des sens externes et internes, même des plus élevés d'entre eux, en ce qu'elle a pour objet premier, non pas les phénomènes sensibles, non pas la couleur ou le son, ou l'étendue résistante, ou le fait interne de conscience, mais l'être ou le réel intelligible et l'être dans son universalité.

L'intelligence connaît par suite les raisons d'être des choses, les causes des événements, leur fin ou leur but ; elle s'élève même à la connaissance de la Cause suprême, de Dieu, être infini et bien infini.

Toute conception suppose en nous en effet la notion plus universelle d'être. Tout jugement suppose le verbe être : « Pierre court » veut dire. Pierre est courant ». Tout raisonnement démonstratif exprime la raison d'être de ce qui est démontré (si c'est une preuve a priori) ou la raison d'être de l'affirmation de l'existence d'une réalité (si c'est une preuve e posteriori).

Parce que l'intelligence a pour objet l'être, elle cherche les raisons d'être des faits et des choses. Aussi l'enfant ne cesse-t-il de multiplier ses pourquoi ? Pourquoi l'oiseau vole-t-il ? Parce qu'il va chercher sa nourriture, c'est son but ; - parce qu'il a des ailes, c'est la cause sans laquelle il ne pourrait voler ; - Pourquoi a-t-il des ailes ? Parce que telle est sa nature à lui. - Pourquoi meurt-il ? Parce qu'il est un être matériel et que tout être matériel est corruptible.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE II
LA VOLONTÉ ÉCLAIRÉE PAR L'INTELLIGENCE
SON AMPLITUDE ILLIMITÉE


Ces multiples raisons d'être (finale, efficiente, formelle, matérielle ne sont, comme telles, accessibles qu'à la raison, non aux sens, ni à l'imagination. Seule l'intelligence, qui a pour objet l'être intelligible, peut connaître la fin, qui est la raison d'être des moyens. Jamais l'imagination ne saisira la finalité comme telle ; elle atteint sensiblement la chose qui est fin, mais non point la finalité : les raisons d'être des choses lui sont inaccessibles.

C'est ce qui montre la distance sans mesure qui existe entre l'image et l'idée si confuse même que reste celle-ci. L'image ne contient que des phénomènes sensibles juxtaposés, par exemple l'image d'une horloge, n'en représente que ce qu'en peut voir l'animal : couleur, son, résistance. Au contraire l'idée d'une horloge contient la raison d'être qui rend intelligibles ces phénomènes ; une horloge est une machine qui se meut d'un mouvement uniforme pour indiquer l'heure solaire. Cette raison d'être, l'animal ne pourra jamais la saisir, l'enfant au contraire la saisit bien vite.

Tandis que les sens et l'imagination n'atteignent que des êtres sensibles, comme sensibles, et par suite, comme singuliers, en telle partie de l'espace et du temps, l'intelligence atteint ces êtres sensibles, comme êtres, elle atteint en eux ce qu'il y a d'intelligible, et par suite d'universel, réalisable en n'importe quelle partie de l'espace et du temps. Elle atteint en concevant l'horloge, ce qu'elle doit être nécessairement, partout et toujours, pour indiquer l'heure solaire. Elle atteint de même, non seulement tel être sensible, mais l'être intelligible dans son universalité. Et par suite l'intelligence connaît, non seulement tel bien sensible et délectable, accessible aux sens, mais le bien intelligible, ce qui constitue le bien.

Nous concevons aussi ce qui est de nature à nous perfectionner, non seulement en nos facultés inférieures, mais en nos facultés les plus hautes. L'intelligence conçoit par conséquent ce que doit être le bien partout et toujours pour nous perfectionner ainsi ; et comme elle conçoit l'être universel qui n'est réalisé concrètement sans limites que dans l'Être suprême, elle conçoit aussi le bien universel qui n'est réalisé concrètement sans limites que dans le Souverain bien, qui est la bonté même.

Non seulement l'intelligence conçoit l'Être suprême, souverainement parfait, mais elle voit, au moins confusément, qu'il doit nécessairement exister. Il y a en effet, dans le monde, des êtres qui arrivent à l'existence et qui disparaissent ensuite : tous les corps corruptibles. Ils n'existent donc pas par eux-mêmes, pas plus ceux du passé que ceux d'aujourd'hui. Il faut donc qu'il existe de toute éternité un premier être, qui ne doive l'existence qu'à lui-même et qui puisse la donner aux autres. Autrement le plus parfait sortirait du moins parfait, sans aucune cause suffisante.

De même pas de mouvement corporel, ni de mouvement spirituel, sans un moteur suprême. Pas d'êtres vivants périssables sans un premier vivant, qui est la vie même. Pas d'ordre du monde sans un Ordonnateur suprême. Pas d'êtres intelligents dans le monde sans une cause première intelligente : quelle plus grande absurdité que de chercher à expliquer le génie d'un saint Augustin par une fatalité matérielle et aveugle. Pas de loi morale sans un suprême Législateur. Pas de moralité et de sainteté dans le monde sans un Dieu souverainement saint. L'intelligence saisit plus ou moins confusément ces vérités nécessaires et universelles.

Mais s'il en est ainsi, quelle n'est pas la profondeur de notre volonté spirituelle, qui est éclairée directement, non pas par les sens ou par l'imagination, mais par l'intelligence. Tandis que l'imagination de l'herbivore lui fait désirer l'herbe, nécessaire à sa subsistance, tandis que l'imagination du carnivore lui fait désirer la chair qui est son aliment, l'intelligence de l'homme lui fait désirer le bien dans son universalité, et par suite le bien sans limite, qui n'est concrètement réalisé qu'en Dieu, car Lui seul est le Bien même par essence.

Et si la sensibilité de l'herbivore et celle du carnivore le porte à désirer chaque jour son bien limité, la volonté de l'homme le porte à désirer un bien sans mesure ; quelle doit donc être sa profondeur ?

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III

LA PROFONDEUR DE NOTRE VOLONTÉ EST SANS MESURE, DIEU SEUL VU FACE A FACE PEUT LA COMBLER


Il faut même de toute nécessité qu'il existe ce Bien infini, seul capable de répondre à notre aspiration ; autrement l'amplitude universelle de notre volonté serait une absurdité psychologique, une chose radicalement inintelligible, sans raison d'être.

Si Dieu nous avait créés dans un état purement naturel, sans la grâce, notre fin dernière eut été de le connaître naturellement par le reflet de ses perfections dans les créatures et de l'aimer efficacement par dessus tout.

Mais gratuitement Il nous a appelés à le connaître d'une façon surnaturelle, par la vision immédiate de sa divine essence, à le connaître comme Il se connaît, et à L'aimer surnaturellement comme Il s'aime pour l'éternité.

Alors surtout nous expérimenterons que Dieu seul vu face à face peut remplir le vide profond de notre coeur, que Lui seul peut combler la profondeur de notre volonté.

En quel sens cette profondeur est-elle sans mesure ? On objectera : notre âme comme toute créature est finie, limitée ; et, donc ses facultés le sont aussi. Sans doute la créature la plus élevée est finie, non seulement notre corps est limité mais notre âme l'est aussi, et par suite les facultés de l'âme, comme propriétés de celles-ci sont finies.

Cependant notre intelligence, quoique finie, est faite pour connaître le vrai universel et même le vrai infini qui est Dieu.

De même notre volonté, quoique finie, est faite pour aimer un bien sans limite. Sans doute, même au ciel, notre acte de vision béatifique, du côté du sujet connaissant sera fini, mais il portera sur un objet infini, il l'atteindra d'une manière finie, finito modo, sans le comprendre pleinement autant qu'il est connaissable, autant que Dieu se connaît, mais il l'atteindra immédiatement.

Nous verrons sans aucun intermédiaire l'essence infiniment parfaite de Dieu. Dès ici-bas l'oeil vivant, si petit soit-il, voit l'immensité de l'océan et peut atteindre la nuit jusqu'aux étoiles, qui sont à des milliers de lieues.

Aussi au ciel notre acte de vision de l'essence divine, sans avoir la pénétration de la vision incréée, atteindra immédiatement l'essence divine ; notre amour de Dieu en restant fini du côté du sujet, portera immédiatement sur le Bien infini, nous l'aimerons à notre manière finie, mais nous ne pourrons nous reposer qu'en Lui seul.

Nul autre objet ne pourra satisfaire toutes nos aspirations. Alors seulement, dit le psalmiste, nos désirs seront assouvis, lorsque sa gloire apparaîtra. « Satiabor cum apparuerit gloria tua ». Ps. xvI, 15.

Dès maintenant notre coeur ne trouve un vrai repos durable que dans l'amour de Dieu.

En ce sens, du côté de l'objet capable de la combler, notre volonté est d'une profondeur infinie. Elle est finie comme être, ainsi que notre intelligence, mais elle s'ouvre sur l'infini ; les thomistes disent : « facultates istae entitative sunt finitae, sed intentionaliter sunt infinitae » - nos facultés supérieures sont finies dans leur entité, comme propriétés de l'âme, mais elles ont un objet sans limite.

Déjà dans l'ordre sensible, notre oeil, si petit qu'il soit, atteint les nébuleuses dans l'immensité du firmament.

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CHAPITRE IV
LE FONDEMENT DE LA LIBERTÉ :


Il résulte de ce qui précède que Dieu seul vu face à face peut attirer irrésistiblement notre volonté ; devant tout objet fini elle reste libre.

Saint Thomas a écrit Ia, IIae, q. 10, a. 2 : « Si l'on propose à la vue qui a pour objet la couleur, une chose actuellement colorée ou lumineuse sous tous ses aspects, elle ne peut pas ne pas la voir. Au contraire si on lui propose un objet qui n'est coloré ou lumineux que d'un côté et obscur de l'autre (comme pendant la nuit, une lanterne sourde), la vue ne verra pas cet objet s'il lui est présenté du côté où il n'est pas coloré ou lumineux. Or comme le coloré est l'objet de la vue, le bien est l'objet de la volonté.

Si donc est proposé à celle-ci un objet qui soit universellement bon, à tout point de vue, elle le voudra nécessairement, si elle veut quelque chose et elle ne pourra pas vouloir l'opposé. Si au contraire l'objet qui lui est présenté n'est pas bon à tout point de vue, elle pourra ne pas le vouloir.

Et comme l'absence de quelque bien que ce soit peut être appelé « non-bien », seul le Bien souverainement parfait, auquel rien ne manque, est tel que la volonté ne peut pas ne pas le vouloir. Ce bien c'est la « béatitude ».

Nous ne pouvons pas ne pas vouloir le bonheur, ne pas vouloir être heureux, mais nous oublions souvent que le vrai et parfait bonheur ne se trouve qu'en Dieu aimé par-dessus tout. Et ici-bas nous l'aimons librement parce que nous ne le voyons pas immédiatement tel qu'il est et nous pouvons nous détourner de Lui, en considérant qu'Il nous commande ce qui déplaît à notre orgueil et à notre sensualité.

Mais si Dieu lui-même, qui est le Bien infini, nous était immédiatement et clairement manifesté face à face, nous ne pourrions pas ne pas l'aimer. Il comblerait parfaitement notre capacité affective qui serait irrésistiblement attirée par lui. Elle ne conserverait aucune énergie pour se soustraire à son attrait ; elle ne pourrait trouver aucun motif de se détourner de lui, ou même de suspendre son acte d'amour.

C'est la raison pour laquelle celui qui voit Dieu face à face ne peut plus pécher. Comme le dit saint Thomas Ia, IIae, q. 4, a. 4 : « La volonté de celui qui voit immédiatement l'essence de Dieu, l'aime nécessairement, et n'aime rien que par rapport à Dieu, comme dès ici-bas nous voulons tout en vue d'être heureux ». Dieu seul vu face à face peut captiver invinciblement notre volonté. Cf. Ia, q. 105, a. 4.

Par opposition notre volonté reste libre d'aimer ou de ne pas aimer tout objet qui est bon sous un aspect et non bon ou insuffisant sous un autre. Et même la liberté se définit l'indifférence dominatrice de la volonté à l'égard de tout objet qui est bon sous un aspect, et non bon sous un autre.

Cette définition de la liberté s'applique même non seulement à la liberté humaine, mais à la liberté angélique et analogiquement à la liberté divine. On voit ainsi que Dieu était libre de créer ou de ne pas créer, de nous élever à la vie de la grâce ou de ne pas nous y élever.

On voit dès lors que notre volonté est d'une profondeur infinie, en ce sens que Dieu seul vu face à face peut la remplir et irrésistiblement l'attirer ; Les biens créés ne peuvent, à cause de cela, exercer sur elle un attrait invincible, ils ne l'attirent que superficiellement, elle est libre de les aimer ou de ne pas les aimer.

Il appartient à la volonté d'aller au devant de cet attrait qui est incapable de venir tout à fait jusqu'à elle. C'est par là qu'elle détermine le jugement qui doit la déterminer elle-même.

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CHAPITRE IV
LE FONDEMENT DE LA LIBERTÉ :


Il y a là une causalité réciproque de l'intelligence qui dirige et de la volonté qui consent : c'est comme un mariage qui n'est conclu que lorsque la volonté a dit : oui.

Pour la même raison, elle maintient l'intelligence dans la considération qui lui plaît, suspend l'enquête intellectuelle ou la laisse se poursuivre ; et c'est d'elle qu'il dépend en dernière analyse que tel jugement pratique soit le dernier, au terme de la délibération, suivant qu'elle l'accepte ou non. L'acte libre est ainsi une réponse gratuite, partie des profondeurs de la volonté, à la sollicitation impuissante d'un bien fini.

Dieu seul vu face à face attire infailliblement notre volonté et la captive jusqu'en la source de ses énergies. Même un ange vu immédiatement tel qu'il est, si beau qu'il puisse être, ne saurait l'attirer irrésistiblement. Ce n'est là encore qu'un bien fini. Deux biens finis, si inégaux soient-ils, sont également distants de l'infini : en ce sens l'ange et le grain de sable, en comparaison de Dieu, Bonté suprême, sont également infimes.

La profondeur de notre volonté, considérée du côté de l'objet qui peut la remplir, est donc sans limite.

D'où vient qu'une vérité particulière (par exemple l'existence de Marseille ou de Messine) nécessite notre intelligence, tandis que Dieu seul, bien universel, vu face à face, nécessite notre volonté ? - Saint Thomas répond Ia, IIae, q, 10, a. 2, ad 2m : notre intelligence est nécessitée par l'objet qui est vrai à tout point de vue, mais elle n'est pas nécessitée par l'objet qui peut être vrai ou faux, et qui est seulement probable, comme par exemple l'existence d'une ville lointaine, qui a pu être détruite il y a quelques heures par un tremblement de terre.

De même notre volonté n'est nécessitée que par l'objet qui est bon sous tous ses aspects et qui ne peut apparaître insuffisant, tel le bonheur pour lequel nous voulons tout le reste, mais surtout Dieu vu face à face, car nous pouvons cesser de penser au bonheur, tandis que ceux qui voient Dieu immédiatement ne peuvent cesser de le voir et ne peuvent trouver le moindre prétexte de suspendre leur acte d'amour.

Cette doctrine est de nature à éclairer plusieurs problèmes des plus difficiles, en particulier celui de la liberté du Christ.

Dès ici-bas il était absolument impeccable (pour trois raisons : à cause de sa personnalité divine, parce qu'il avait la vision béatifique et la plénitude de grâce inamissible), il ne pouvait donc pas désobéir. Comment alors obéissait-il librement, ce qui est une condition du mérite, en particulier comment a-t-il pu librement obéir au précepte de mourir pour nous sur la croix, précepte dont il a parlé lui-même quand il a dit : « je donne ma vie de moi-même, tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père » JOAN, X, 18, cf. JEAN, XV, 10, XIV, 31, PHILIPP., II, 8.

La réponse des thomistes que nous avons exposée ailleurs, est qu'il ne pouvait pas désobéir d'une façon privative par un acte de désobéissance, il était absolument impeccable. Mais il pouvait cependant ne pas obéir au sens simplement négatif.

Ainsi un très bon religieux recevant un ordre fort dur, n'a même pas la pensée de désobéir (d'une façon privative) ; mais il a conscience qu'il accomplit librement cet acte pénible et qu'il garde, en le posant, la puissance de ne pas le poser (de façon négative).

Et pourquoi la liberté du Christ restait-elle en son obéissance devant la mort de la croix ? Parce que cette mort était un objet bon sous un aspect, pour notre salut, et terriblement redoutable sous un autre. Cet objet n'attirait donc pas irrésistiblement la volonté humaine du Christ, comme l'attirait l'essence divine vue immédiatement ; et d'autre part le précepte, demandant une obéissance libre et méritoire, ne pouvait détruire la liberté de celle-ci, il se serait détruit lui-même.

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CHAPITRE V

LES RACINES DES VICES ET CELLES DES VERTUS DANS LA PROFONDEUR DE L'AME


Pour mieux voir ce qu'est la profondeur de l'âme, en particulier de la volonté, il convient de parler des racines des vices et de celles des vertus qui y pénètrent soit pour notre perte, soit pour notre salut.

La vertu perfectionne l'homme, l'incline vers une fin bonne, et fait de lui non seulement un bon peintre, un bon sculpteur, un bon mathématicien, mais un homme de bien. Le vice est une mauvaise habitude, celle d'agir contrairement à la droite raison ; il déforme l'homme tout entier dans la conduite de la vie, parce qu'il atteint la volonté et l'incline vers une fin mauvaise.

Le vice fait de l'homme non pas seulement un mauvais peintre, un mauvais sculpteur, mais un mauvais sujet, parfois un criminel, un scélérat, un homme de mauvaise volonté ; la chose commence parfois chez des enfants de 14 à 15 ans. Tous les vices ont une racine commune qui est l'amour déréglé de soi-même opposé à l'amour du bien et du Souverain Bien qui est Dieu.

Cette mauvaise racine tend à s'enfoncer de plus en plus dans la volonté, et d'elle naît un mauvais arbre, dont le tronc est l'égoïs­me ; la branche centrale et principale, en continua­tion du tronc est l'orgueil ; et les branches latérales sont la concupiscence de la chair et celle des yeux. Ainsi parle l'Apôtre saint Jean (1 JOAN., II, 16).

Ce mauvais arbre a des branches nombreuses qui naissent des précédentes et qui s'appellent les péchés capitaux. De la concupiscence de la chair naissent la gour­mandise et la luxure .

De la concupiscence des yeux ou désir immodéré des biens extérieurs, naît l'avarice et aussi la perfidie, la fraude, la fourberie, l'endurcissement du coeur.De l'orgueil de la vie naissent la vaine gloire et l'ambition, le dégoût des choses spirituelles, l'oubli de Dieu, l'envie, la colère, les emportements, les injures.

Les péchés capitaux conduisent eux-mêmes à d'autres plus graves, qui sont contre les vertus théo­logales : au blasphème, opposé à la confession de la foi, au désespoir, opposé à l'espérance, à la haine de Dieu et du prochain, opposée à la charité. Certains de ces vices, dans les hommes les plus pervers, ont des racines très profondes, qui mani­festent à leur manière et très tristement la profon­deur de l'âme.

On connaît ces paroles de saint Augus­tin dans la Cité de Dieu, 1. XIV, ch. 28 : « Deux amours ont constitué deux cités : l'amour de soi jus­qu'au mépris de Dieu a fait la cité de Babylone, c'est à-dire celle du monde, de l'immoralité, tandis que l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité de Dieu ».

Comme l'homme n'arrive pas du premier coup à la sainteté, il n'arrive pas non plus tout de suite à la complète perversité. L'amour déréglé de soi-même, lorsqu'il devient dominateur, pousse des racines de plus en plus profondes en certaines âmes qui sont sur le chemin de la perdition. Leur voix rend souvent un son aigre et perçant ; elles ferment volontaire­ment les yeux à la lumière divine, qui seule pourrait les éclairer et les délivrer.

Quelquefois elles combat­tent la vérité bien que celle-ci soit évidente pour elles ; c'est une des formes du péché contre le Saint-Esprit, impugnatio veritatis agnitae. C'est ainsi, selon les Actes des Apôtres, IV, 16, que, après une guérison miraculeuse obtenue par saint Pierre au nom de Jésus, les Pharisiens, membres du Sanhédrin, dirent : « Que ferons-nous à ces hommes (à Pierre et à jean) ? Qu'ils aient fait un miracle insigne, c'est ce qui est manifeste pour tous les habitants de Jérusalem, et nous ne pou­vons pas le nier, mais afin que la chose ne se répande pas davantage parmi le peuple, défendons-leur avec menaces de parler désormais en ce nom-là à qui que ce soit ». Et ils leur interdirent de parler au nom de Jésus. A quoi Pierre et Jean répondirent : « Jugez s'il est juste devant Dieu de vous obéir plutôt qu'à Dieu. Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendu ».

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CHAPITRE V

LES RACINES DES VICES ET CELLES DES VERTUS DANS LA PROFONDEUR DE L'AME


Les profondeurs sans mesure de l'âme humaine se révèlent ainsi tristement par l'amour déréglé de soi-même, qui va parfois jusqu'au mépris et à la haine de Dieu. Cette malice s'accompagne d'une haine invétérée et incompréhensible contre le prochain, contre celui-là même à qui on devrait une grande reconnaissance. Certaines perversités effroyables, comme celle de Néron et d'autres persécuteurs, n'ont pas cédé même devant la constance et la bonté rayonnantes des martyrs.

Ce degré incroyable de malice manifeste par contraste la grandeur de Dieu et des Saints. Et le Seigneur permet cette malice et la persécution pour faire resplendir la sainteté des martyrs. En Espagne en 1936 pendant la persécution communiste, les fidèles venaient dire aux prêtres : comment Dieu permet-il de telles atrocités ? Les bons prêtres répondaient : « sans la persécution il n'y a pas de martyrs, et ils sont une gloire de l'Église ». Les fidèles compre­naient et partaient réconfortés.


La profondeur de l'âme humaine apparaît plus encore par les grandes vertus qui s'enracinent en elle, et qui pourraient toujours grandir si le temps de l'épreuve et du mérite n'était limité, comme pré­lude de l'éternelle vie.

On distingue les vertus acquises par la répétition des actes naturels vertueux et les vertus infuses ou surnaturelles reçues au baptême et qui grandissent en nous par les sacrements, par la Sainte Communion et par nos mérites.

Déjà les vertus acquises manifestent la profondeur de l'âme. La tempérance, particulièrement la chas­teté et la force ou le courage font descendre dans notre sensibilité la lumière de la droite raison, pour résister à des tentations parfois très vives d'impureté et de lâcheté. De même la vertu acquise de justice révèle la grandeur de l'âme humaine, surtout lorsque, pour le bien commun de la société, elle fait établir et observer de justes lois qui peuvent demander de grands sacrifices, celui même de la vie. Rappelons-­nous la mort de Socrate injustement accusé, et refu­sant de s'échapper de sa prison par respect pour les lois de son pays.

Mais ce sont surtout les vertus infuses, théologales et morales, qui manifestent la grandeur de l'âme dont elles surélèvent les énergies. Elles procèdent de la grâce sanctifiante, qui est reçue dans l'essence même de l'âme, comme une greffe divine ; celle-ci nous communique une participation de la vie intime de Dieu, de la vitalité de Dieu.

La grâce sanctifiante est en effet le germe de la vie éternelle, semen gloriae, et lorsqu'elle sera pleinement épanouie, elle nous permettra de voir immédiatement Dieu comme il se voit et de l'aimer comme il s'aime. Il se fait ainsi en nous une germination de vie éternelle. Si la germi­nation du blé donne 30,6O et même 100 pour 1, que sera dans l'ordre surnaturel la germination de la vie éternelle !

De cette greffe divine, qu'est la grâce sanctifiante, dérivent dans notre intelligence la foi infuse, et dans notre volonté l'espérance infuse et la charité infuse; d'elle dérivent aussi les vertus infuses de prudence chrétienne, de justice, de religion, de force, de chas­teté, d'humilité, de douceur, de patience et les sept dons du Saint-Esprit.

Les vertus infuses, qui dérivent de la grâce sanctifiante, donnent à nos facultés le pouvoir d'agir surnaturellement pour mériter la vie éternelle ; et les sept dons du Saint-Esprit, qui les accompagnent, nous rendent dociles aux inspirations du Maître intérieur.

Lui-même tire alors de nos facultés, même de nos facultés sensibles, des accords, non seulement rationnels, mais surnaturels, qui se font entendre surtout dans la vie des Saints. C'est tout un organisme nouveau qui nous est donné.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE V
LES RACINES DES VICES ET CELLES DES VERTUS DANS LA PROFONDEUR DE L'AME


La foi infuse qui s'appuie sur la Révélation divine, étend considérablement les frontières de notre intelligence, puisqu'elle nous permet de connaître Dieu, non plus seulement comme auteur de la nature, mais comme auteur de la grâce et dans sa vie intime.

Elle nous fait adhérer infailliblement et surnaturellement aux vérités qui dépassent les forces naturelles de toute intelligence créée, même angélique, aux mys­tères de la Sainte Trinité, de l'élévation du genre humain à l'ordre surnaturel, à ceux de la chute, de l'Incarnation rédemptrice et des moyens de salut. Le don d'intelligence rend cette foi de plus en plus pénétrante.

L'espérance infuse nous fait tendre vers Dieu, vers la vie de l'éternité, et bien qu'elle ne nous donne pas la certitude du salut, qui exigerait une révélation spéciale, elle a une « certitude de tendance » vers le but suprême. Par elle nous tendons sûrement vers la fin ultime, comme l'hirondelle vers la région où elle retourne.

Cette certitude augmente par les inspira­tions du Saint-Esprit, qui, au milieu des plus grandes difficultés, console le juste et lui faut pressentir qu'il approche du ciel. Le don de crainte filiale nous pré­serve de la présomption, celui de science nous mon­tre la vanité des choses terrestres et celui de piété augmente notre confiance en Dieu, notre Père. On voit par là la hauteur et la profondeur de l'âme ; on les voit plus encore par la charité.

La charité est une véritable amitié surnaturelle, qui nous unit à Dieu. Déjà dans l'Ancien Testament Abraham est appelé l'ami de Dieu (JUDITH, VIII, 22) de même les prophètes (SAG., VII, 27). Dans le Nouveau Testament Jésus nous dit (JEAN, XV, 15) « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.

Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaî­tre ». Ces paroles sont dites aux Apôtres, mais ensuite à nous. Et cela va très loin si l'on est fidèle.

Cette vertu nous fait aussi aimer surnaturellement le prochain, en tant qu'il est aimé de Dieu, notre Père commun, en tant que le prochain est enfant de Dieu ou appelé à le devenir.

Cette charité infuse doit s'enraciner de plus en plus dans le fond de la volonté, et en chasser l'amour déré­glé de nous-mêmes. Elle dilate notre coeur pour lui donner quelque chose de la grandeur de la bonté divine et nous faire aimer comme lui tous les hom­mes sans exception. Bien plus, si un juste vivait sur terre un temps indéfini, des milliers d'années, pour mériter, la charité ne cesserait pas de grandir dans les profondeurs de sa volonté.

Saint Thomas a exprimé admirablement cette vérité en disant IIa IIae, q. 24, a. 7 : « La charité infuse peut toujours augmenter en elle-même, car elle est une participation de l'amour incréé et sans limi­tes ; elle peut aussi toujours augmenter du côté de Dieu son auteur, qui peut toujours la faire grandir en nous ; enfin elle peut toujours augmenter du côté de notre âme, qui la reçoit, car plus la charité grandit,. plus notre âme devient capable d'en recevoir l'augmentation ».

La charité, en progressant, dilate notre coeur, qui est en quelque sorte envahi par l'amour de Dieu ( Le Psalmiste dit: « J'ai couru dans la voie de vos commandements, lorsque vous avez dilaté mon coeur » Ps. 118, 32.). Celui-ci la creuse toujours davantage pour la remplir davantage. Il est donné parfois de l'expérimenter dans l'oraison.

Cette page de saint Thomas est une de celles qui montrent le mieux la profondeur sans mesure de notre volonté, où la charité infuse doit s'enraciner de plus en plus en excluant de mieux en mieux l'amour déréglé de nous mêmes, et en nous portant à nous aimer saintement nous-mêmes et le prochain, pour glorifier Dieu dans le temps et dans l'éternité. La charité en grandissant nous fait aimer de plus en plus toutes les âmes de la terre, du purgatoire et du ciel, elle nous fait participer à l'immensité du Coeur de Dieu

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CHAPITRE V

LES RACINES DES VICES ET CELLES DES VERTUS DANS LA PROFONDEUR DE L'AME


Enfin la charité doit durer éternellement, c'est sa longueur correspondante à sa profondeur et à sa hauteur. Comme le dit saint Paul I. COR., XIII, 8 « La charité ne passera pas »; lorsque la foi fera place à la vision, et l'espérance à la possession de Dieu, la charité comme la grâce sanctifiante, durera éternelle­ment.

C'est pourquoi, dans le juste, la vie de la grâce et de la charité est déjà la vie éternelle commencée. Aussi Jésus dit-il à plusieurs reprises : « Celui qui croit en moi a la vie éternelle ». JOAN., III, 36 ; V, 24; VI, 40, 47. C'est-à-dire: celui qui croit en moi d'une foi vive, unie à la charité, non seulement aura la vie éternelle, mais il l'a en germe.


Les vertus cardinales infuses de prudence, justice, force, tempérance, sont très supérieures aux vertus acquises de même nom. Ce ne sont pas seulement les vertus du parfait honnête homme, mais celles de l'enfant de Dieu.

Entre la prudence acquise et la prudence infuse il y a beaucoup plus de distance qu'entre deux notes musicales de même nom séparées par une gamme complète. La prudence infuse est d'un autre ordre que la prudence acquise, à tel point que cette dernière pourrait toujours grandir sans jamais atteindre le moindre degré de l'autre.

Il en est de même pour les autres vertus morales acquises par rapport à la vertu infuse de même nom. Si la prudence acquise est d'argent, la prudence infuse est d'or, et le don de conseil, supérieur encore, est de diamant.

La vertu acquise facilite l'exercice de la vertu infuse de même nom et du don qui accompagne celle-­ci, comme chez le pianiste, l'agilité des doigts facilite l'exercice de l'art qui est dans l'intellect pratique et celui de l'inspiration musicale.

Certaines vertus chrétiennes ont une particulière profondeur ou élévation à cause de leur affinité avec les vertus théologales. L'humilité, comparable à l'exca­vation qu'il faut creuser pour construire un édifice, nous rappelle cette parole du Sauveur : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » dans l'ordre de la grâce ou du salut.

Elle nous redit ces mots de saint Paul I. COR., IV, 7 : « Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu » ? - « Nous ne sommes pas capables de tirer de nous-­mêmes comme venant de nous-mêmes la moindre pensée profitable pour le salut. » Il y faut une grâce, comme pour tout acte surnaturel.

L'humilité chrétienne nous rappelle aussi ces paro­les de saint Augustin : « Il n'est pas de faute commis par un autre homme que nous ne soyons capables de commettre nous-mêmes » par notre fragilité, si nous étions placés dans les mêmes circonstances et entou­rés des mêmes mauvais exemples depuis notre enfance.

C'est pourquoi saint François d'Assise, voyant un criminel conduit au dernier supplice, se dit : si cet homme avait reçu les mêmes grâces que moi, il aurait été peut-être moins infidèle que moi, et si le Seigneur avait permis dans ma vie les fautes qu'il a permises dans la sienne, c'est moi qui serais à sa place aujourd'hui. Il faut remercier Dieu de tout le bien qu'il nous a fait accomplir et de nous avoir fait éviter toutes les fautes que nous aurions pu commettre. Ce sont là les profondeurs de la vie chré­tienne

.La magnanimité infuse perfectionne l'acquise et complète l'humilité, en nous gardant dans l'équilibre spirituel. Elle nous fait tendre vers les grandes choses que Dieu demande de chacun de nous, même dans les plus modestes conditions, celle par exemple d'un bon serviteur fidèle à ses maîtres toute sa vie. Elle nous fait éviter l'ambition comme la pusillanimité, en nous rappelant que ces grandes choses ne se feront pas sans humilité et sans le secours de Dieu à demander chaque jour : « Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent ». Ps. CXXVI, I.

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CHAPITRE V

LES RACINES DES VICES ET CELLES DES VERTUS DANS LA PROFONDEUR DE L'AME


La patience et la douceur chrétiennes, qui resplen­dissent dans les vrais martyrs, font supporter les maux de la vie présente avec égalité d'âme sans se laisser troubler. La patience supporte un mal inévi­table pour rester dans le droit chemin, pour conti­nuer son ascension vers Dieu.

Les martyrs sont au plus haut degré maîtres d'eux-mêmes et libres ; en eux apparaît l'acte principal de la vertu de forces qui ne consiste pas à attaquer mais à supporter les choses les plus pénibles sans défaillir, et en priant pour les persécuteurs.

La religion, aidée par le don de piété, nous porte à rendre à Dieu le culte qui lui est dû, avec l'affection filiale que le Saint-Esprit nous inspire et une confiance sans borne dans l'efficacité de la prière et en la bonté de Dieu, alors même que tout paraît désespéré.

La pénitence porte à réparer l'offense faite à Dieu en union avec le sacrifice de la Croix perpétué sur l'autel. Dans une âme qui a le zèle de la gloire de Dieu et du salut du prochain, elle porte à réparer pour les pécheurs.

Telle cette enfant, morte à Rome en odeur de sainteté le 3 juillet 1937, Antoinette Meo, qui dût subir, à moins de six ans, l'amputation d'une jambe, à cause d'un cancer ; lorsque sa mère lui dit : « Si le Seigneur te demandait ta jambe, la lui donnerais-tu ? », elle répondit : « Oui, Maman » et après une minute de réflexion, elle ajouta : « il y a tant de pécheurs dans le monde, il faut bien que quelqu'un répare pour eux. » - A la suite d'une seconde opé­ration, non moins pénible, son père lui demanda « Tes douleurs sont-elles bien fortes ? » « Oui, papa, dit-elle; mais la souffrance est comme l'étoffe, plus elle est forte, plus elle a de valeur ».

Cet esprit de réparation, qui anime la vie des grands saints fait entrer les âmes dans les hauteurs de Dieu. Les vertus infuses grandissent ensemble en ces saints jusqu'à ce qu'ils soient arrivés « à l'état de l'homme parfait, à la mesure de la stature parfaite du Christ » EPHES., IV, 13.

De plus les sept dons du Saint Esprit qui nous ren­dent dociles aux inspirations du Saint-Esprit, sont, en notre âme comme sept voiles sur une barque, ou mieux comme sept antennes spirituelles pour recevoir les inspirations d'une harmonie dont Dieu est l'au­teur.

Si la grande perversité manifeste tristement la profondeur de l'âme, les vertus la révèlent plus encore, surtout les vertus infuses. Parmi elles, la charité doit toujours grandir en nous jusqu'à la mort ; ses racines s'enfoncent toujours plus profondément dans notre volonté pour en chasser tout égoïsme, tout amour déréglé de nous-mêmes.

Cette charité devrait grandir en nous chaque jour par la sainte communion, et même chaque communion devrait être substantielle­ment plus fervente d'une ferveur de volonté, si non de sensibilité, que la précédente, et par là plus fruc­tueuse, car chacune doit non seulement conserver, mais accroître en nous la charité et ainsi nous dispo­ser à une meilleure communion pour le jour suivant.

Il en est ainsi dans la vie des Saints, car ils ne mettent plus d'obstacles à ce progrès. En eux se réalise ce qui est dit dans la parabole du semeur : « D'autres grains de froment tombèrent dans la bonne terre, et ils produisirent des fruits, l'un cent, un autre soixante, et un autre trente.

Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». MATTHIEU, XIII, 8. Il suit de ce que nous venons de dire que chez le juste, fidèle à Dieu, le plus bel âge de la vie au point de vue spirituel, c'est la vieillesse, l'âge où le mérite arrive à son plein développement, l'âge qui nous rapproche le plus de l'éternelle jeunesse du ciel.

La profondeur de l'âme se manifeste ainsi à nous de plus en plus. Nous la verrons mieux encore en disant quelques mots des purifications de l'esprit qui existent déjà chez les meilleurs, dans la vie présente, et en parlant ensuite de la vie de l'âme après la mort.

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CHAPITRE VI
LE PURGATOIRE AVANT LA MORT ET LE FOND DE L'AME :LA NUIT DE L'ESPRIT


La purification du fond de l'âme a été souvent traitée par Tauler, par Louis de Blois, par saint Jean de la Croix. Louis de Blois (Intstitutio spriritualis, ch. XII. Voir aussi les Sermons de Tauler. trad. Hugueny. Paris, 1927, ch. I, pp. 74-82, 105-120), en expliquant ce que Tauler appelle le fond de l'âme, nous dit : c'est l'origine ou la racine des facultés supérieures « virium illarum est origo ». La substance même de l'âme ne peut opérer, sentir, concevoir, juger, aimer, vouloir, que par ses facultés.

C'est pour cela qu'elle les a reçues. Elle diffère ainsi de la substance divine, qui, seule, en tant qu'Acte pur, est immédiatement opérative par elle-même sans avoir besoin de facultés ( SAINT THOMAS Ia, q. 54, a. I; q. 77, a. I, 2.). Dieu n'a pas une faculté intellectuelle qui passerait de la puissance à l'acte, il est la Pensée même ; il n'a pas une volonté qui serait progressivement actua­lisée, il est l'Amour même. Dieu est comme un éclair de génie et d'amour éternellement subsistant. Au contraire l'âme humaine et l'ange sont doués de facultés et ils ne peuvent connaître intellectuellement que par l'intelligence, vouloir que par la volonté. On ne saurait donc admettre, comme le montre saint Thomas ( Ibid ), que l'essence même de l'âme ait des actes latents de connaissance et d'amour, qui ne procéderaient pas de nos facultés supérieures.

Mais nos actes les plus profonds, suscités par Dieu, sont tellement différents des jugements superficiels souvent faux, de ceux par exemple qui sont répandus dans un milieu peu éclairé et matérialisé, qu'ils paraissent être dans la substance même de l'âme. En réalité ils sont dans le fond de nos facultés supérieures, là où elles s'enracinent dans la substance même de l'âme. En ce sens, d'excellents auteurs comme saint Jean de la Croix ont parlé de « touches substan­tielles du Saint-Esprit dans le fond de l'âme », touches qui suscitent une connaissance mystique fort élevée et des actes d'amour infus ( Montée du Carmel, I. II, c. 30. Saint jean de la Croix comme Tauler, parle le langage descriptif et concret de la psychologie expérimentale, et non pas le langage ontologique et abstrait de la psychologie rationnelle.).

Dieu plus intime à l'âme qu'elle-même, en tant qu'il lui conserve l'existence, peut toucher et mou­voir ab intus, du dedans, le fond même de nos facultés par un contact non pas spatial, mais spirituel et dynamique (contactas virtutis, non quantativus), qui se manifeste à la conscience comme divin. Ainsi Dieu meut intimement l'âme aux actes les plus profonds, auxquels elle ne pourrait se porter elle-­même.

On a justement comparé notre conscience super­ficielle à la coquille ou enveloppe calcaire d'un grand nombre de mollusques. L'homme a sa coquille lui aussi, celle de ses habitudes routinières de penser, de vouloir, d'agir, qui sont le résultat de son égoïsme, de ses illusions, de ses erreurs. Rien de tout cela n'est en harmonie avec Dieu caché au fond de notre âme et des autres âmes, qui le cherchent sincèrement. Et alors il faut que cette coquille ou conscience superfi­cielle se brise pour qu'on connaisse ce qui est au fond de l'âme et des autres âmes de bonne volonté. Ce qui brise cette coquille ce sont les épreuves, surtout le purgatoire avant la mort. Par exemple lorsqu'une pauvre femme, mère de plusieurs enfants, perd subitement son mari qui faisait vivre toute la famille.

Alors le fond de l'âme de cette pauvre femme se révèle et parfois on constate que c'est une grande chrétienne. - D'autrefois c'est un père de famille fait prisonnier de guerre pendant plusieurs années ; s'il est fidèle, Dieu se penche vers lui et lui révèle la gran­deur de la famille chrétienne pour laquelle il souffre. C'est parfois un roi découronné, comme Louis XVI, roi de France, condamné à mort et exécuté pendant la Terreur ; ayant perdu son propre royaume, il dut voir, plus que jamais avant de mourir, la grandeur du royaume de Dieu. L'Europe entière passe en ce moment par l'épreuve purificatrice, plaise à Dieu que beaucoup le com­prennent : la douleur qui est la chose la plus inutili­sable en apparence, peut devenir féconde par la grâce du Christ. Lui-même a rendu par son amour les souffrances du Calvaire infiniment fructueuses. Le Saint Père le rappelait ces derniers jours aux médecins catholiques et leur citait ces vers d'un poète français : L'homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît, tant qu'il n'a pas souffert.

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CHAPITRE VI
LE PURGATOIRE AVANT LA MORT ET LE FOND DE L'AME : LA NUIT DE L'ESPRIT


La douleur chrétiennement supportée est grandement utile. Déjà dans l'ordre physique, il est utile d'être averti par elle qu'un cancer commence à se former en nous ; c'est fort utile d'en souffrir pour pouvoir être opéré assez tôt.

De même la douleur morale est utile, elle nous fait désirer une vie supé­rieure à celle des jouissances sensibles, supérieure aux biens sensibles dont nous sommes privés, elle nous fait désirer la vie de l'esprit et celle de l'âme. La douleur nous fait désirer Dieu, qui seul peut guérir certaines blessures du coeur, et qui seul peut fortifier et refaire les âmes. La douleur nous invite à recourir à Dieu, qui seul peut nous rendre la paix en se donnant à nous.

Comme le dit saint Jean Chrysostome [Consolationes ad Stagir. 1. III.] : « la souf­france dans la vie présente est un remède contre l'orgueil qui nous égarerait, contre la vaine gloire et l'ambition. Par elle, la force de Dieu resplendit en des hommes infirmes, qui sans la grâce ne pourraient supporter leurs afflictions. Par elle se manifeste la patience des justes persécutés.

Par elle le juste est porté à désirer la vie éternelle. Le souvenir des gran­des souffrances des Saints nous aide à supporter les nôtres et nous invite à les imiter dans une mesure. Enfin la douleur nous apprend à distinguer les faux biens qui passent et les vrais qui durent éternelle­ment ».

C'est pourquoi il est dit dans l'Écriture : « Mon fils ne méprise pas la correction du Seigneur, et ne te laisse pas abattre par sa réprimande. Car le Sei­gneur corrige celui qu'il aime et il châtie celui qu'il reçoit pour son enfant ». PROV. III, II, HÉBR., XII, 6.

D'où la nécessité de l'épreuve pour purifier le fond de l'âme. Notre Seigneur l'a dit souvent : « Que celui qui veut me suivre, se renonce et porte sa croix tous les jours ». Il a dit aussi : « Je suis la vigne véritable, vous êtes les sarments et mon Père est le vigneron. Tout sarment en moi... qui porte du fruit, il l'émonde, pour qu'il en porte davantage ». JEAN, XV, 2.

Cela est particulièrement nécessaire pour ceux qui, par vocation doivent travailler non seulement à leur sanctification personnelle, mais à celle des autres. C'est pourquoi saint Paul a dit : « On nous méprise et nous bénissons ; on nous persécute et nous suppor­tons ; on nous accable d'injures, et nous répondons par des prières ». I COR., IV, 12.


L'action purificatrice de Dieu sur le fond de l'âme apparaît surtout dans le purgatoire avant la mort, que traversent les âmes les plus généreuses pour arriver à l'union divine dès ici-bas. Dans ce purga­toire leur charité s'enracine de plus en plus dans le fond de l'âme, et finit par y détruire tout amour déréglé de soi-même.

Celui-ci est comme une mau­vaise racine de chiendent qui tend toujours à repous­ser. Il faut que cette mauvaise racine reçoive le coup de mort pour que la charité règne tout à fait dans le fond de l'âme.

Ce purgatoire avant la mort est celui des purifica­tions passives des sens et de l'esprit. Celles-ci ont en effet pour but de purifier précisément le fond de nos facultés, d'y porter le fer et le feu pour en extirper les germes de mort ; elles sont ainsi un purgatoire anticipé pendant lequel on mérite, tandis qu'on ne mérite pas dans l'autre après la mort.

Un simple coup d'oeil sur ces purifications passives permet d'entrevoir les profondeurs de nos facultés supérieures que Dieu peut remplir ou véritablement combler.

Comme le dit saint Jean de la Croix (Nuit obscure, 1. I, c. 3) : « Malgré toute sa générosité, l'âme ne peut arriver à se purifier complètement elle-même, elle ne peut se rendre apte le moins du monde à l'union divine dans la perfection de l'amour. Il faut que Dieu y mette la main et la purifie dans un feu obscur pour elle ».

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Tout d'abord on est sevré des consolations sensi­bles utiles un moment, mais qui deviennent un obstacle lorsqu'on les recherche pour elles-mêmes avec une sorte de gourmandise spirituelle.

D'où la nécessité de la purification passive des sens, qui met l'âme dans l'aridité sensible et la porte à une vie spirituelle beaucoup plus dégagée des sens, de l'ima­gination, du raisonnement.

Par les dons du Saint-­Esprit, en particulier par le don de science, on reçoit une connaissance intuitive et expérimentale de la vanité des choses terrestres, et par contraste de la grandeur de Dieu.

Pour résister aux tentations, qui se présen­tent alors assez souvent, il faut aussi des actes très méritoires sinon héroïques de chasteté et de patience.

Il arrive qu'on est purifié par la perte de certaines amitiés, par la perte de la fortune, ou par la maladie, par des épreuves familiales, par exemple pour une personne mal mariée, obligée constamment à des actes très méritoires.

Cette purification passive des sens a pour but de les soumettre pleinement à nos facultés supérieures.

Mais celles-ci ont aussi besoin d'une purification pas­sive profonde : « Les taches du vieil homme, dit saint Jean de la Croix, persistent en effet dans l'esprit, bien qu'il ne s'en doute pas.

Il faut qu'elles disparaissent et cèdent au savon et à la forte lessive de la purification passive de l'esprit, sans quoi la pureté requise pour l'union fera toujours défaut ». (Nuit obscure, 1. II, c. 2).

Les avancés se recherchent encore inconsciem­ment eux-mêmes et parfois beaucoup ; ils sont très attachés à leur jugement propre, à leur manière par­ticulière de faire le bien ; ils sont trop sûrs d'eux-­mêmes; « le démon se plaît à les duper, à les porter à la présomption, et ces défauts sont parfois d'autant plus incurables, qu'ils les prennent pour des perfec­tions spirituelles ». (Ibid).

Ce sont les défauts que les autres voient en nous et que nous ne voyons pas, car nous sommes trompés par notre amour-propre.

La purification de l'esprit est donc indispensable ; c'est un purgatoire avant la mort, pour purifier de tout alliage l'humilité et les trois vertus théologales.

Elle procède d'une lumière infuse, qui est surtout une illumination du don d'intelligence et qui nous paraît obscure, parce qu'elle est trop forte pour les faibles yeux de notre esprit, comme la lumière du soleil pour l'oiseau de nuit.

Elle nous manifeste de plus en plus l'infinie grandeur de Dieu, supérieure à toutes les idées que nous pouvons nous faire de lui ; et d'autre part elle nous montre notre défectibilité et nos déficiences, qui vont beaucoup plus loin que nous ne pensons.

Alors l'humilité devient vraiment l'humilité du coeur; vouloir être rien, s'y complaire pour que Dieu soit tout, « amare nesciri et pro nihilo reputari ».

Il y a ici généralement de fortes tentations contre les vertus théologales pour mettre l'âme dans la nécessité de faire des actes héroïques de ces vertus les plus hautes.

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Aussi cette purification de l'esprit met en un puis­sant relief le motif formel des trois vertus théologales très au-dessus de tout motif secondaire qui semble disparaître.

Elle nous oblige à faire des actes très purs et très méritoires de ces vertus qui par là même se développent grandement en nous. Elle nous oblige à croire, en l'absence de toute autre raison, pour ce seul et unique motif : Dieu l'a dit. Elle nous fait adhérer de plus en plus fermement à la Vérité pre­mière révélatrice dans un ordre immensément supé­rieurs aux miracles sensibles et aux raisonnements humains qui les discernent.

De même, elle nous oblige à espérer, contre toute espérance humaine, pour ce très pur motif que Dieu tout-puissant et bon est infiniment secourable (Deus auxilians) et n'aban­donne pas le premier. Enfin cette purification nous porte à l'aimer, non pas pour les consolations sensi­bles ou spirituelles qu'il nous accorde, mais pour Lui-même à cause de son infinie bonté, par dessus tout et plus que nous, puisqu'il est infiniment meil­leur que nous. On est aussi conduit à aimer le pro­chain malgré ses ingratitudes pour l'aider à se sauver.

Alors les trois motifs formels des vertus théologa­les : Vérité première révélatrice, toute puissance auxi­liatrice, infinie Bonté souverainement aimable en soi, apparaissent comme trois étoiles de première gran­deur dans la nuit de l'esprit pour nous guider vers la vie éternelle. Cf. Vie de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, fin c. 9.

Elle est passée par cette nuit les der­nières années de son existence . On cite comme exemple de purification passive de l'esprit ce fait que saint Vincent de Paul, ayant accepté de souffrir pour un autre prêtre tourmenté dans sa foi, fut lui-même pendant 4 ans assailli de tentations contre la foi si fortes, qu'il écrivit le Credo sur un parchemin qu'il mit sur son coeur et chaque fois que la tentation était véhémente, il pressait le Credo sur son coeur pour s'assurer qu'il ne consentait pas.

Au bout de ces 4 ans, la foi de saint Vincent de Paul, à la suite de tous ces actes héroïques, devait être centuplée et devint de plus en plus rayonnante.

On lit dans la vie de saint Paul de la Croix, fondateur des Passionnistes, qu'il passa par une épreuve semblable durant 45 ans, mais cette épreuve fut surtout réparatrice pour les pécheurs, car il était déjà lui-même très purifié, arrivé à l'union transformante, mais il fondait un Ordre voué à la réparation.

Cette purification passive de l'esprit conduit à la mort mystique, à la mort du moi fait d'amour-propre, d'orgueil spirituel ou intellectuel, subtil, peu cons­cient, à la mort de l'égoïsme, principe de tout péché.

Finalement dans le fond de la volonté la mauvaise racine est extirpée et c'est l'amour de Dieu et du pro­chain qui y règne incontestablement, selon le précepte suprême : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit ». DEUTER., VI, 5 ; Luc, X, 27.

L'âme est passée par le purgatoire avant la mort physique, elle y est passée en méritant, tandis que dans l'autre purgatoire, après la mort, on ne mérite plus.

Alors vraiment l'âme est spiritualisée, surnaturalisée, en son fond, d'où toute sa vie spirituelle procède et auquel tout aboutit.

Elle aspire de plus en plus à revenir à son Principe, à rentrer dans « le sein du Père », c'est-à-dire dans les profondeurs de Dieu ; elle aspire de plus en plus à le voir sans aucun intermédiaire. Elle expérimente de mieux en mieux que Lui seul peut la combler.

Source : Livres-mystiques.com

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A LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MÈRE DE DIEU
patronne de la bonne mort en signe de profonde gratitude et d'humble obéissance.

CHAPITRE VI
LE PURGATOIRE AVANT LA MORT ET LE FOND DE L'AME : LA NUIT DE L'ESPRIT


Alors chez les grands Saints se réalise ce que dit saint Augustin : « L'amour de Dieu est poussé jus­qu'au mépris de soi ». Cette héroïcité se manifeste surtout par l'amour de la croix. On lit dans les Actes des Apôtres, V, 41 : qu'après la Pentecôte ils furent jetés en prison et « qu'ils sortirent du Sanhédrin joyeux d'avoir été jugés dignes de souffrir des oppro­bres pour le nom de Jésus, et chaque jour dans le temple et dans les maisons, ils ne cessaient d'annoncer Jésus comme le Christ ».

Ils l'annoncèrent jus­qu'au martyre, et leur sang répandu avec celui de milliers d'autres martyrs fut « une semence de chré­tiens ». - « L'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi » avait finalement triomphé de « l'amour de soi poussé jusqu'au mépris de Dieu ».

Telle fut la cause de la diffusion de l'Évangile, de la conversion du monde païen, et ensuite de la conversion des barbares.

De même aujourd'hui, seule la sainteté, seule une pléiade de saints peut ramener les masses vers le Christ et l'Église. Les aspirations démocratiques telles que les a conçues Lamennais et bien d'autres n'y suffiraient certes pas.

Il faut la charité surnatu­relle d'un saint Vincent de Paul, qui se propose pour fin dernière, non pas la félicité terrestre du peuple et des peuples, mais la vie éternelle véritable, de façon à ce que celle-ci ne soit pas seulement un mot vénéré, mais la réalité suprême, ou Dieu éternelle­ment possédé.


DEUXIÈME PARTIE
LA MORT ET LE JUGEMENT


Dans cette deuxième partie nous considérerons :

1° l'impénitence finale
2° la bonne mort
3° l'immutabilité de l'âme soit dans le bien, soit dans le mal, après la mort
4° la connais­sance de l'âme séparé
5° le juge­ment particulier


CHAPITRE I
L'IMPÉNITENCE FINALE ET LES CONVERSIONS IN EXTREMIS


Comme toute notre vie de l'éternité dépend de l'état de notre âme au moment de la mort, il faut parler ici de l'impénitence finale, qui s'oppose à la bonne mort et par contraste, des conversions in extremis.

L'impénitence est, chez un pécheur, l'absence ou la privation de la pénitence qui devrait détruire en lui les conséquences morales du péché ou de la révolte contre Dieu.

Ces conséquences du péché sont l'offense faite à Dieu, la corruption de l'âme révoltée et désaxée, les justes châtiments qu'elle a mérités.

La destruction des suites du péché se fait par la réparation satisfactoire, c'est-à-dire par la douleur d'avoir offensé Dieu, et par une compensation expia­trice. Comme l'explique saint Thomas IIIa. q. 84, a. 5, et 85, ces actes de la vertu de pénitence sont pour le pécheur de nécessité de salut, ils sont exigés par la justice et la charité envers Dieu, et aussi par la charité envers nous-mêmes.

L'impénitence est l'absence de contrition et de satisfaction ; elle peut être temporelle, au cours de la vie présente, ou finale, au moment de la mort.

Il faut lire le sermon de Bossuet sur l'endurcissement, qui est la peine des péchés précédents. (Avent de saint Germain et Défense de la Tradition, I. XI, c. IV, V, VI, VII, VIII).

Source : Livres-mystiques.com

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LA MORT ET LE JUGEMENT

CHAPITRE I
L'IMPÉNITENCE FINALE ET LES CONVERSIONS IN EXTREMIS


Comme toute notre vie de l'éternité dépend de l'état de notre âme au moment de la mort, il faut parler ici de l'impénitence finale, qui s'oppose à la bonne mort et par contraste, des conversions in extremis.

L'impénitence est, chez un pécheur, l'absence ou la privation de la pénitence qui devrait détruire en lui les conséquences morales du péché ou de la révolte contre Dieu. Ces conséquences du péché sont l'offense faite à Dieu, la corruption de l'âme révoltée et désaxée, les justes châtiments qu'elle a mérités.

La destruction des suites du péché se fait par la réparation satisfactoire, c'est-à-dire par la douleur d'avoir offensé Dieu, et par une compensation expia­trice. Comme l'explique saint Thomas IIIa. q. 84, a. 5, et 85, ces actes de la vertu de pénitence sont pour le pécheur de nécessité de salut, ils sont exigés par la justice et la charité envers Dieu, et aussi par la charité envers nous-mêmes.

L'impénitence est l'absence de contrition et de satisfaction ; elle peut être temporelle, au cours de la vie présente, ou finale, au moment de la mort. Il faut lire le sermon de Bossuet sur l'endurcissement, qui est la peine des péchés précédents. (Avent de saint Germain et Défense de la Tradition, I. XI, c. IV, V, VI, VII, VIII).

QU'EST-CE QUI DISPOSE A L'IMPÉNITENCE FINALE ?

C'est l'impénitence temporelle. Celle-ci se présente sous deux formes très différentes : l'impénitence de fait est simplement l'absence de repentir ; l'impé­nitence de volonté est la résolution positive de ne pas se repentir des péchés commis. En ce dernier cas, il y a le péché spécial d'impénitence, qui, à son degré le plus grave, est un péché de malice, celui qu'on commet par exemple en signant un engagement d'enterrement civil.

La différence certes est grande entre ces deux formes, cependant si l'âme est saisie par la mort dans le simple état d'impénitence de fait, il y a pour elle impénitence finale, sans qu'elle s'y soit préparée directement par un péché spécial d'endur­cissement.

L'impénitence temporelle de volonté conduit direc­tement à l'impénitence finale, bien que parfois le Seigneur par une Miséricorde spéciale préserve de celle-ci. Dans cette voie de perdition on peut arriver à vouloir délibérément et froidement persévérer dans le péché et repousser la pénitence qui délivrerait.

C'est alors, comme le dit saint Augustin et saint Thomas, IIa, IIae, q. 14, non seulement un péché de malice, mais un péché contre le Saint-Esprit, c'est-à-dire un péché qui va directement contre ce qui relè­verait le pécheur.

Celui-ci doit donc faire pénitence au temps voulu, par exemple au temps de la Communion pascale, autrement il tombe de l'impénitence de fait dans celle de la volonté, au moins par omission délibérée. Il est d'autant plus nécessaire de revenir à Dieu qu'on ne peut pas, dit saint Thomas, rester long­temps dans le péché mortel, sans en commettre de nouveaux, qui accélèrent la chute, Ia, IIae, q. 109, a. 8.

Aussi ne faut-il pas attendre pour se repentir. L'Écriture nous presse de le faire sans tarder : « N'attends pas jusqu'à la mort, pour t'acquitter ». Eccli., XVIII, 21 ; saint Jean-Baptiste par sa prédication ne cessait de dire la nécessité urgente du repentir, LUC, III, 3.

- De même jésus dès le début de son ministère : « Repentez-vous et croyez à l'Evangile » MARC, I, 15. Plus tard il dit encore : « Si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous ». Luc, XIII, 5. Saint Paul écrit aux ROM. II, 5 : « Par ton endurcissement et l'impénitence de ton coeur, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la manifestation du juste juge­ment de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres ».

Dans l'Apocalypse, ii, 16, il est dit à l'ange de l'Église de Pergame : « Repens-toi ! si non, je viendrai à toi promptement », c'est la visite de la justice divine qui est ainsi annoncée, si l'on n'a pas tenu compte de la visite de la Miséricorde.

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LA MORT ET LE JUGEMENT

QU'EST-CE QUI DISPOSE A L'IMPÉNITENCE FINALE ?


Les degrés de l'impénitence temporelle volontaire sont nombreux, on l'a souvent remarqué Cf. SAINT THOMAS Ia, IIa, q. 76-78 ; IIa, IIae, q. 15, a. I. Dict. théol. cath. art. Impénitence, c. 1283.. En partant des moins graves, qui sont pourtant déjà très dangereux, il y a celui des endurcis par ignorance coupable, qui sont fixés dans le péché mortel et l'aveuglement qui leur fait constamment préférer les biens d'un jour à ceux de l'éternité ; ils boivent l'iniquité comme de l'eau, avec une conscience endormie ou somnolente, car ils ont toujours gravement négligé de s'instruire de leurs devoirs, de ce qui est néces­saire au salut; ils sont fort nombreux.

Il y a ensuite les endurcis par lâcheté, qui plus éclairés que les pré­cédents et plus coupables, n'ont pas l'énergie de briser les liens qu'ils ont formés en eux-mêmes : liens de la luxure, de l'avarice, de l'orgueil, de l'ambition, et qui ne prient pas pour obtenir cette énergie qui leur manque.

Enfin il y a les endurcis par malice, ceux par exemple, qui, ne priant jamais, se sont révoltés contre la Providence à la suite de quelque malheur, ou encore les viveurs enfoncés dans leurs désordres, qui blasphèment mécontents de tout, et qui devenus matérialistes, parlent encore de Dieu pour l'injurier, finalement les sectaires qui ont la haine satanique de la religion chrétienne et ne cessent d'écrire contre elle.

Il y a beaucoup de différence certes entre les uns et les autres ; mais on ne peut affirmer que pour arriver à l'impénitence finale, il faut avoir été un endurci par malice, ou du moins un endurci par lâcheté ou par ignorance volontaire.

Nous ne pouvons affirmer que Dieu fait Miséricorde à tous les autres pécheurs moins gravement coupables.

Il ne faut pas dire non plus que tous les endurcis par malice seront damnés, car la Miséri­corde Divine a converti parfois de grands sectaires qui paraissaient obstinés dans la voie de la perdition.

On lit dans la vie de saint Jean Bosco qu'il vint au lit d'un mourant qui était un franc-maçon, très sectaire. Celui-ci lui dit : surtout ne me parlez pas de religion, autrement voici un revolver dont la balle est pour vous, un autre dont la balle est pour moi.

Mais alors, dit Dom Bosco, parlons d'autre chose, et il lui parla de Voltaire en lui racontant sa vie. Puis vers la fin il dit : « certains disent que Voltaire ne s'est pas repenti et qu'il a fait une mauvaise mort. Je ne le dirai pas, parce que je ne le sais pas. » - « Alors, dit le franc-maçon, même Voltaire a pu se repentir ? » - « Eh oui ». - « Et alors moi aussi je pourrais encore me repentir ? » Et cet homme qui était désespéré parait avoir fait une bonne mort.

- On cite le cas d'un aumônier de prison, qui était saint prêtre, mais qui en assistant un criminel qui ne voulait pas se confesser avant de mourir, finit par lui dire : « Eh bien ! puisque tu veux te perdre, perds-toi». Il fut question de la cause de béatification de cet aumônier, mais elle n'a jamais pu être introduite à cause de cette parole, parce qu'il aurait dû jusqu'au dernier moment parler de la Miséricorde et de la possibilité du retour à Dieu.

Mais les Pères de l'Église et après eux les meilleurs prédicateurs, ont souvent menacé de l'impénitence finale ceux qui refusent de se convertir ou qui remet­tent toujours leur conversion à plus tard Cf. SAINT AMBROISE, De paenitentia, c. X-XII ; SAINTJÉROME, Epist. 147 ad Sabinianum ; SAINT-AUGUSTIN, Sermons 351, 352, de utilitat­e agendas paenitestiae ; SAINT JEAN CHRYSOST., 9 homélies sur la péni­tence, P. G. t. XLIX, col. 277 SS. ; SAINT BERNARD, De conversione ad clericos ; BOSSUET, Sermon pour le 1er dim. de l'Avent..

Après avoir tant abusé des grâces de Dieu, auront-ils plus tard le secours efficace nécessaire à la conversion ? C'est fort douteux.

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LA MORT ET LE JUGEMENT

LE RETOUR EST DIFFICILE, MAIS RÉELLEMENT POSSIBLE


Il est difficile à cause de l'endurcissement qui suppose l'aveuglement, un jugement perverti et la volonté portée au mal de telle façon qu'elle n'a plus que de faibles mouvements vers le bien. On ne tire plus aucun profit des bons avis, des sermons, on ne lit plus jamais l'Évangile, on ne fréquente plus l'église ; on résiste même aux avertissements salutaires des plus bienveillants ; le coeur devient dur comme une pierre.

C'est l'état de ceux dont parle Isaïe, V, 20-21 : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière, et de la lumière les ténèbres, qui font ce qui est doux amer, et ce qui est amer doux ! Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux et intelligents à leur propre sens ».

C'est la suite de péchés souvent réitérés, d'habi­tudes vicieuses, de liaisons criminelles, de lectures par lesquelles on a bu avidement l'erreur en fermant les yeux à la vérité.

Après tant d'abus de grâces, il arrive que le Seigneur refuse au pécheur, non seule­ment le secours efficace dont est privé tout pécheur ordinaire au moment où il tombe, mais la grâce pro­chainement suffisante qui rendrait possible l'accom­plissement des préceptes.

Cependant le retour à Dieu est encore possible. Le pécheur endurci reçoit encore des grâces suffisantes éloignées, par exemple pendant une mission, ou à l'occasion d'une épreuve; par cette grâce suffisante éloignée il ne peut encore accomplir les préceptes, mais il peut commencer à prier, et s'il n'y résiste pas, il reçoit la grâce efficace pour commencer effective­ment à prier.

Cela est certain parce que le salut lui est encore possible, et, contre l'hérésie pélagienne, il ne l'est que par la grâce ; si le pécheur ne résiste pas à cet appel, il sera conduit de grâce en grâce jusqu'à celle de la conversion.

Le Seigneur a dit en effet: « Je ne veux pas la mort de l'impie, mais qu'il se détourne de sa voie et qu'il vive ». EZÉCH., XXXIII, II, 14, 16. Comme le dit saint Paul, I, TIM, II, 4 : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ».

C'est une autre hérésie, contraire à la précédente, de dire avec Calvin que Dieu par un décret positif prédestine certains à la damnation éternelle, et par suite leur refuse toute grâce.

Il faut dire au contraire avec saint Augustin comme le rappelle le Concile de Trente (Denz. 804) : « Dieu ne commande jamais l'impossible, mais, en nous donnant ses préceptes, il nous avertit de faire ce que nous pouvons, et de lui demander la grâce pour accom­plir ce que nous ne pouvons pas ».

Or pour le pécheur endurci il y a encore sur terre, une obligation grave de faire pénitence, ce qui est impossible sans la grâce. Il faut donc conclure qu'il reçoit de temps en temps des grâces suffisantes pour commencer à prier. Le salut est encore possible pour lui.

Mais si le pécheur résiste à ces grâces, il s'enlise, comme celui qui s'aventure sur des sables mouvants, où ses pieds s'enfoncent quand il cherche à se dégager.

La grâce suffisante passe encore de temps à autre comme une brise pour renouveler ses forces, mais s'il continue à y résister, il se prive de la grâce efficace offerte dans la suffisante comme le fruit dans la fleur.

Et alors, aura-t-il plus tard ce secours efficace qui touche le coeur et le convertit véritablement ? Les difficultés augmentent, les forces de la volonté décli­nent, et les grâces diminuent.

L'impénitence temporelle volontaire dispose mani­festement à l'impénitence finale, quoique la Misé­ricorde Divine préserve parfois de celle-ci in extremis plusieurs pécheurs endurcis.

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LA MORT ET LE JUGEMENT

LA MORT DANS L'IMPÉNITENCE


On peut mourir en état de péché mortel, sans que la pensée d'une telle mort se soit présentée à l'esprit. Ainsi bien des hommes meurent subitement, qui ne se sont jamais repenti des péchés graves qu'ils avaient commis ; on dit qu'après avoir abusé de bien des grâces, ils ont été surpris par la mort ; ils n'avaient pas tenu compte des avertissements reçus. Ils n'ont jamais eu la contrition ni même l'attrition qui avec le sacrement de pénitence les aurait justifiés. Ces âmes sont perdues pour l'éternité. Il y a eu impénitence finale sans le refus spécial et préalable de se convertir au dernier moment.

Si au contraire il y a eu ce refus spécial, c'est l'im­pénitence finale, acceptée, voulue par le rejet dernier de la grâce offerte, avant la mort, par l'infinie misé­ricorde. C'est un péché contre le Saint-Esprit qui prend différentes formes : le pécheur recule devant l'humiliation de l'aveu de ses fautes et préfère par suite son malheur personnel, ou il va parfois jusqu'à mépriser explicitement son devoir de justice ou de réparation envers Dieu, en lui refusant l'amour qui lui est dû par le précepte suprême : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit». Luc, X, 27. Ces terribles leçons nous montrent la nécessité du repentir, si différent du remords qui subsiste en enfer sans la moindre attrition.

Les damnés ne se repen­tent pas de leurs péchés comme faute et offense à Dieu, mais ils voient que c'est à cause d'eux qu'ils sont punis, ils voudraient ne pas souffrir de la peine qui leur est justement infligée, et un ver les ronge, le remords qui naît de la pourriture du péché qu'ils ne peuvent pas ne pas voir et qui les rend mécontents de tout et d'eux-mêmes. Judas a eu le remords, qui laisse dans l'angoisse, mais il n'a pas eu le repentir, qui donne la paix ; il est tombé dans le désespoir au lieu de se confier à l'infinie Miséricorde en deman­dant pardon Cf. SAINT THOMAS, IIa, IIae, q. 13, a. 4, IIIa, q. 86, a. I. - C. GENTES, 1. IV, c. 89..

Il est donc terriblement dangereux de remettre sa conversion toujours à plus tard . Le Père Monsa­bré Retraites pascales à Notre-Dame, 1888, 3e instruction à ce sujet dit en substance : « Suprême leçon de prévoyance : 1° Pour profiter de la dernière heure, il faut savoir la reconnaître ; or tout conspire souvent à la dissimuler au pécheur quand il y arrive : ses propres illusions, la lâcheté, la négligence, le manque de sincérité de ceux qui l'entourent. 2° Pour profiter de la dernière heure, si on la sent venir, il faut vouloir se convertir ; or il est grandement à craindre que le pécheur ne le veuille pas.

La tyrannie de l'habitude donne aux derniers vouloirs le cachet de l'irrésolution. Les délais calculés du pécheur ont altéré sa foi et l'ont aveuglé sur son état. D'où il suit que sa dernière heure approche sans qu'il s'en émeuve, et que, dans le fait, il meurt impénitent. 3° Pour profiter de la dernière heure, si l'on veut se convertir, il faut que la conversion soit vraie, et pour cela il faut la grâce efficace.

Or le pécheur retardataire ne tient pas compte de la grâce dans ses calculs, mais seulement de sa volonté. S'il compte sur la grâce, il fait tout ce qu'il peut pour l'écarter de son dernier moment, en spéculant lâchement sur la Miséricorde de Dieu. Et alors arrivera- t-il au véritable regret de l'offense faite à Dieu, à un vrai et généreux repentir. Le pécheur attardé ne sait plus ce que c'est que la pénitence, il court grand risque de mourir dans son péché.

D'où la conclusion : s'assurer dès maintenant le bénéfice d'une vraie pénitence, pour n'avoir pas à craindre de la manquer quand elle devra décider de notre éternité ». N'oublions pas que l'attrition, qui dispose à bien recevoir le sacre­ment de pénitence et qui justifie avec lui, doit être surnaturelle.

Selon le Concile de Trente, elle suppose la grâce de la foi, celle de l'espérance, et elle doit détester le Péché comme offense à Dieu, (Dens. 798). Or cela suppose probablement comme le baptême des adultes un amour initial de Dieu, comme source de toute justice (Dens. 798). On ne peut en effet détester le mensonge sans aimer la vérité, ni détester l'injustice sans commencer à aimer la justice et Celui qui est source de toute justice.

Source : Livres-mystiques.com

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