L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L

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amidelamisericorde
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CHAPITRE V

LE MODE D'ACTION DU FEU DE L'ENFER


La peine du sens, du reste, comme l'afferme toute la tradition, n'est pas la principale ; ce qu'il y a d'essentiel dans la damnation, c'est la privation même de Dieu et le vide immense qu'elle cause dans l'âme, vide qui manifeste par contraste la plénitude de la vie éternelle, à laquelle nous sommes tous appelés.

De là dérivent pour nous les grandes leçons de l'autre vie, dont celle-ci doit être le prélude. D'où le prix immense du temps du mérite par rapport à l'éternité bienheureuse à conquérir.

Récemment dans La Vie spirituelle, Déc. 1942, p. 435 : Les deux flammes, le P. Thomas DEHAU, écrivait au sujet de ces paroles du mauvais riche, crucior in hac flamma, (Luc, XVI, 24) : « Le mauvais riche au fond de l'enfer est pour ainsi dire crucifié au monde du ciel ; ce monde de la béatitude et de la paix lui est inaccessible, il est fermé pour lui... Cette idée de crucifixion atroce de l'enfer, vous la trouvez exprimée dans la Divine Comédie.

Dante parcourant ces sombres demeures aperçoit Caïphe crucifié à terre par trois pieux et enveloppé de flammes : « un crocifisso in terra con tre pali ».

Voyez-vous cette crucifixion dans les flammes, crucior in hac flamma, et ce feu est en même temps de la glace parce que les damnés n'aiment pas : Satan au plus bas de l'enfer est entièrement enfoncé dans la glace... car il est celui qui n'aime pas.

« A l'autre pôle du monde, il y a le Coeur Sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Infiniment loin de ce que nous venons de dire, au sommet des régions de l'au-delà ce Coeur nous apparaît lui aussi enveloppé de flammes... et entouré d'une couronne d'épines. En bas, le sang, les larmes de sang qui coulent goutte à goutte, et en haut la flamme ; Oui ; encore la flamme, crucior in hac flamma... Dès le premier instant de son existence, ingrediens mundum, il y avait cette flamme au milieu de son Coeur, la flamme et la blessure de l'amour ». -

Ainsi ce mot mystérieux « crucior in hac flamma », qui est clamé au fond de l'enfer par les réprouvés, est murmuré en un sens diamétralement opposé par le Coeur adorable de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Évidemment il ne souffre plus au ciel, mais tout ce qu'il y avait de perfection en sa souffrance terrestre subsiste éminemment dans son amour immortel.

CHAPITRE VI - L'INÉGALITÉ DES PEINES DE L'ENFER

Les peines des damnés sont égales pour leur durée, puisqu'elles sont éternelles, mais elles diffèrent beaucoup comme rigueur.

CERTITUDE DE CETTE INÉGALITÉ

L'Écriture l'affirme d'abord en disant que Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres, MATTH., XVI, 27 ; ROM., II, 6. Il est dit aussi en SAINT MATTH., X, 15 « Il y aura moins de rigueur, au jour du jugement, pour la terre de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville (qui refuse de recevoir les Apôtres) » - De même MATTH., XI, 21-24 : « Malheur à toi, Corozaïn... »

En SAINT LUC, XII, 47-48, il est dit du mauvais serviteur qui aura connu la volonté de son maître et n'en aura rien fait, qu'il « recevra un grand nombre de coups », et de celui qui ne l'aura pas connue et qui aura fait des choses dignes de châtiment, « qu'il recevra peu de coups ».

Dans l'APOC., XIII, 7, on lit de Babylone : « Autant elle s'est glorifiée et plongée dans le luxe, autant donnez-lui de tourment et de deuil ». Déjà le livre de la SAGESSE, VI, 6, disait : « Les puissants seront puissamment châtiés ».

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE V

CERTITUDE DE CETTE INÉGALITÉ


Il est clair du reste que la peine doit être proportionnée à la gravité de la faute ; or les fautes sont inégales comme gravité et comme nombre ; les peines de l'enfer doivent donc être inégales en rigueur. Cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 69, a. 5. Les avares ne seront pas punis de la même manière que les voluptueux, et l'on dit que les plus grands coupables sont au plus profond de l'enfer, bien que nous ne puissions faire que des conjectures sur le lieu de celui-ci.

Y a-t-il une mitigation de la peine accidentelle et temporaire due aux péchés véniels et de celle due aux péchés mortels remis, mais non expiés ? Plusieurs théologiens l'admettent comme plus probable, car cette peine accidentelle de soi est temporaire. Aussi saint Thomas dit-il : « Il n'y a pas d'inconvénient à ce que les peines de l'enfer, en ce qu'elles ont d'accidentel, diminuent jusqu'au jour du jugement dernier » in IV Sent., d. 23, q. 1, a. 1, ad 5m.

Nous avons dit un peu plus haut que le Saint Docteur admet que la Miséricorde Divine s'exerce encore à l'égard des damnés en ce sens qu'ils sont punis citra condignum, moins qu'ils ne le méritent, Ia, q. 21, a. 4, ad 1m.

Au sujet de l'inégalité des peines de l'enfer, il faut remarquer que la peine du dam, même la plus petite, dépasse immensément toutes les souffrances de ce monde. Les théologiens l'admettent communément aussi pour la peine du sens, au moins dans set circonstances d'éternité, de souffrance sans soulagement, et dans un sujet qui a déjà la peine du dam.

Mais il faut noter aussi qu'il est très probable, comme le pensent bien des théologiens que Dieu ne laisse pas mourir en état de péché les hommes qui n'auraient fait dans le cours de leur vie qu'un seul péché mortel, surtout s'il s'agit d'un péché de faiblesse, et qu'il ne permet l'impénitence finale que pour les pécheurs invétérés, « car, comme le dit saint Pierre (II Epist., III, 9), il use de patience envers nous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la pénitence » ; aussi donne-t-il à tous des secours qui les inclinent à se convertir et l'enfer n'est que la punition de l'opiniâtreté du mauvais vouloir de celui qui s'obstine ( Cf. P. LACORDAIRE, Conférences de Notre-Dame, 72e Conf., et Dict. de.théol. cath., art. Enfer, col. 116.).

Il faut rappeler aussi la Grande promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie. Comme le dit le P. J. Bainvel, S. J. ( Dici. de Théol. cath., article Coeur Sacré de Jésus, Col. 331.), qui a beaucoup étudié cette question, « On trouve cette promesse dans une lettre de la Sainte à la Mère de Saumaise que les éditrices mettent en mai 1688 : « Un jour de vendredi, pendant la sainte communion, Notre-Seigneur dit ces paroles à son indigne esclave, si elle ne se trompe : « Je te promets, dans l'excessive Miséricorde de mon Coeur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront les neuf premiers vendredis du mois tout de suite, la grâce finale de la pénitence ; ils ne mourront point en sa disgrâce, ni sans recevoir leurs sacrements, mon divin Coeur se rendant leur asile assuré en ce dernier moment ». Lettre 82° dans Vie et oeuvres, t. II, p. 159 ; 2e éd. lettre 83°, p. 176.

Le P. Bainvel ajoute justement : « La promesse est absolue, supposant seulement les communions faites, et bien faites évidemment. Ce qui est promis, ce n'est pas la persévérance dans le bien toute la vie ; ce n'est pas non plus la réception des derniers sacrements en toute hypothèse ; C'est la persévérance finale, emportant la pénitence et les derniers sacrements dans la mesure du nécessaire ».

Ce qui est promis, c'est la grâce de la bonne mort, et cette promesse absolue regarde les pécheurs plus directement que les âmes pieuses. Cette grande promesse du Sacré-Cœur suppose que la grâce de bien faire neuf mois de suite la communion le premier vendredi du mois est un don qui n'est accordé qu'à des élus ; ceux-ci se repentent toujours de leurs fautes avant de mourir.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII

L'ENFER ET LES BESOINS SPIRITUELS DE NOTRE ÉPOQUE


Pour répondre à ces besoins, ces dernière années quelques auteurs ont proposé une conception de l'enfer qui s'éloigne de la conception traditionnelle : il n'y aurait pas chez tous les damnés une perversion morale absolue, il n'y aurait pas chez tous la haine de Dieu ; pour beaucoup la peine du dam et celle du sens ne seraient pas si douloureuse que les théologiens l'affirment communément et ils auraient des consolations secondaires.

Ces auteurs n'ont pas assez réfléchi à ce qui distingue profondément l'état de voie et l'état de terme, ni à ce qu'est, en ce dernier état, la privation totale de Dieu, de tous les biens qui dérivent de la vision béatifique, et aussi des biens créés qui, étant des moyens d'aller à Dieu, ne peuvent plus apporter de joie aux damnés.

Ils n'ont pas réfléchi davantage à ce qu'est l'obstination et son rapport avec l'infinie justice; ils perdent de vue enfin ce qu'ont dit les plus grands Docteurs sur la finalité de l'enfer : la manifestation des droits imprescriptibles du Souverain Bien à être aimé par-dessus tout.

Seule la conception traditionnelle de l'enfer correspond à ce point de vue supérieur qui est le vrai ( Cf. Dict. théol, cath, art. Enfer, col. 112 ss.). C'est confirmé en outre par les visions de plusieurs grands saints.

On s'est demandé s'il est utile de prêcher l'enfer à notre époque. - Il est certain qu'il vaut mieux aller â Dieu par l'amour que par la crainte, le mystère de l'Incarnation rédemptrice nous y invite constamment.

Mais la crainte est nécessaire aujourd'hui comme autrefois pour nous détourner du mal, la nature humaine reste la même qu'au temps de la prédication des Pères. Nous conclurons donc comme l'auteur de l'article Enfer du Dict. de théologie cath., col. 119 : « Les prédicateurs doivent omettre les descriptions de pure imagination ; les données de la Révélation suffisent à faire impression sur les âmes croyantes.

Mais écarter systématiquement de la chaire chrétienne la préoccupation, qui doit être constante, des fins dernières et de l'enfer, c'est ignorer radicalement l'esprit du Christianisme, ou même la notion de créature, de l'état de voie et de l'état de terme, puisque la vie chrétienne doit aboutir inévitablement au ciel ou à l'enfer ».

Bien plus le Seigneur a donné très souvent à des âmes privilégiées une connaissance supérieure de l'enfer, par voie de contemplation infuse, ou même de vision imaginaire ou intellectuelle, pour les porter à une plus grande sainteté, par une crainte filiale du péché qui grandit avec la charité, et à un zèle plus ardent pour le salut des âmes.

Il suffit de rappeler les visions de sainte Thérèse. Beaucoup de saints ont été ainsi éclairés par contraste sur l'infinie grandeur de Dieu et le prix de la vie éternelle.

Sainte Thérèse dit, Autobiographie, ch. XXXII : « Je me demande comment, ayant rencontré si souvent dans les livres la peinture des peines de l'enfer, j'étais si loin de les craindre comme elles le méritent, et de m'en faire une juste idée...

De là aussi, la mortelle douleur que me cause la perte de cette multitude qui se damne... Cette vision est une des plus grandes grâces que le Seigneur m'ait faite... De là encore, ces impétueux désirs d'être utile aux âmes.

Oui, je puis dire en toute vérité, pour en délivrer une seule de si terribles tourments, volontiers, ce me semble, j'endurerais mille fois la mort. »

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII

L'ENFER ET LES BESOINS SPIRITUELS DE NOTRE ÉPOQUE


Dans le Dialogue de sainte Catherine de Sienne, ch. 38-39-40, le Seigneur lui dit : « Le premier supplice, c'est que les damnés sont privés de ma vision. Ce leur est une si grande peine ( Il s'agit de la peine de ne pas posséder le Bien suprême source de toute joie, peine d'autant plus vive qu'ils ont perdu tous les autres biens..) que - s'il leur était possible - ils choisiraient d'endurer le feu, les tortures et les tourments, en jouissant de ma vue, plutôt que d'être délivrés de leurs souffrances sans me voir.

Cette peine est encore aggravée par la seconde, celle du ver de la conscience qui les ronge sans cesse... La vue du démon, qui est la troisième peine, redouble toutes leurs souffrances, car en le voyant en toute sa laideur, ils se connaissent mieux eux-mêmes et comprennent mieux que c'est par leur faute qu'ils ont mérité ces châtiments... Le quatrième tourment qu'endurent les damnés est le feu. Ce feu brûle et ne consume pas... - Si grande est la haine qui les possède, qu'ils ne peuvent vouloir ni désirer aucun bien. Sans cesse ils blasphèment contre moi... Ils ne peuvent plus mériter désormais.

Ceux qui sont morts dans la haine, coupables de péché mortel, c'est pour toujours ». Ces descriptions si vives confirment la doctrine traditionnelle, et montrent par contraste le prix de la vie éternelle, et le prix du temps du mérite, qui nous est donné pour la conquérir.

On peut lire à ce sujet un livre récent : Un appel à l'amour : Le message du Coeur de Jésus au monde et sa messagère, Soeur Josepha Menendes, religieuse coadjutrice de la Société du Sacré-Coeur de Jésus 1890-1923 (Toulouse, Apostolat de la prière, 1944).

Comme le montrent le P. H. Monier Vinard, S. J., dans l'introduction et le P. F. Charmot, S. J., dans la Conclusion, les visions de l'enfer et celles du purgatoire rapportées dans ce livre sont très conformes à ce qu'enseigne la théologie, et l'on est frappé de voir que tout ce surnaturel diabolique de nature à affoler l'imagination ne trouble ni le calme ni l'équilibre de la servante de Dieu, mais lui donne une nouvelle ardeur à souffrir pour le salut des âmes.


La crainte des châtiments de Dieu est salutaire, et si elle diminue avec le progrès de la charité, la crainte filiale, qui est celle du péché, augmente. Les saints ont une vue très pénétrante de ce qui nous éloigne de notre fin dernière, et plus ils aiment Dieu, plus ils craignent d'être séparés de lui. Cette crainte filiale est un don du Saint-Esprit, qui perfectionne l'espérance, elle est comme un aiguillon qui nous porte à désirer Dieu plus fortement et qui en même temps préserve de la présomption.

On la voit parfois très vive en de grands saints.

Un bon théologien, le P. Gardeil O. P., dans son livre sur les Dons du Saint-Esprit dans les Saints dominicains (Paris, 1903), p. 6o, dit à propos du don de crainte : « C'est l'honneur du christianisme de transfigurer les passions humaines. En est-il une dont la réhabilitation soit plus difficile que la peur ? Qui oserait prendre sa défense ? Qui, surtout entreprendrait de donner un rôle à ce sentiment infâme dans un code moral qui se respecte et respecte l'homme ?

» C'est là, semble-t-il, une initiative interdite à la philosophie humaine, elle craint toujours de ne point se hausser assez. Il faut à ces purs moralistes, une doctrine toute de désintéressement. Eh quoi ! avouez que l'homme a quelquefois peur ! se servir de la peur pour s'exciter au bien ! Quelle honte ! Cachons donc cette misère, et pour qu'elle ne dérange pas la belle ordonnance de nos purs préceptes, supprimons de la morale jusqu'à son nom.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII

L'ENFER ET LES BESOINS SPIRITUELS DE NOTRE ÉPOQUE


C'est à l'Esprit divin qu'il appartenait de réhabiliter la peur. Il est vrai que la « crainte » adoptée par l'Esprit saint n'a rien de commun avec la crainte mondaine. Ce n'est pas la peur des hommes, c'est la crainte de Dieu. « La crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse », dit l'Écriture. Et le saint Concile de Trente, confirmant la longue tradition des siècles chrétiens, déclare bonne et sainte jusqu'à la crainte des châtiments divins... »

Mais la crainte filiale, qui est celle du péché, et qui est celle d'être séparé de Dieu est évidemment supérieure, elle est un don du Saint Esprit, et elle grandit avec la charité. Les grands saints qui ne savent pas trembler devant les hommes, ont eu cette crainte de Dieu. Et comme le dit ibid. le P. Gardeil : le juste stoïcien, qui ne redoute rien, « n'est qu'un enfant à côté de ces saints qui arrivent à représenter les types plus sublimes de la moralité humaine divinisée par la révélation de Dieu ».

Saint Louis Bertrand, missionnaire, qui ne craignait pas les pierres et les flèches des sauvages, mais qui au contraire désirait le martyre, avait cette crainte de Dieu, et l'exprimait de la façon la plus poignante, lorsqu'il disait en son héroïque mortification : « Domine, hic ure, hic secca, hic non parcas, ut in aeternum parcas. O Seigneur, ici brûle, ici tranche, ici n'épargne pas, afin que dans l'éternité tu pardonnes ! »

Dieu nous dit par le prophète : « Convertissez-vous vers moi, et je me convertirai vers vous » ZACHAR., I, 3 ; ISAIE, XLV, 22. Et l'âme doit lui répondre avec Jérémie (Lament., V, 21) : « Seigneur convertissez-nous vers vous, et nous serons convertis. - Converte nos, Domine, ad te, et convertemur ».

On ne saurait mieux exprimer la douceur de la conversion. Cette réponse de l'âme inspirée par Dieu est plus belle encore que l'exhortation divine à se convertir, car cette exhortation était faite pour obtenir cette réponse, comme la parole de Jésus à la chananéenne lui était adressée pour la porter à répondre comme elle le fit sous l'inspiration divine. La douceur de la conversion équilibre la juste rigueur du dogme de l'enfer, en faisant pressentir le prix de l'éternelle béatitude.

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE

Après avoir parlé de l'enfer, avant de traiter du purgatoire, il convient de dire plus précisément en quelques pages ce qu'il faut entendre par la crainte de Dieu. C'est un sujet assez difficile, car on confond souvent trois espèces de crainte très différentes les unes des autres. L'une est mauvaise, deux autres sont bonnes, mais si distinctes l'une de l'autre, que la première diminue avec le progrès de la charité, tandis que l'autre augmente avec lui. Il faut voir en particulier quels sont les rapports de ces différentes espèces de crainte avec l'amour de Dieu qui doit toujours prévaloir.

La crainte, en général, est l'abattement de l'âme vaincue par la gravité d'un péril qui la menace. Elle fait trembler. Elle regarde et le mal terrible qui menace et celui qui peut être cause de ce mal. Souvent elle n'est qu'une émotion de la sensibilité, qu'il faut dominer par la vertu de force ; mais elle peut exister aussi dans la volonté spirituelle, et elle peut être soit bonne, soit mauvaise.

Les théologiens et les auteurs spirituels distinguent trois espèces de crainte très différentes ; en partant de la plus inférieure : 1° il y a la crainte mondaine ou crainte de l'opposition du monde, elle détourne de Dieu ; 2° il y a la crainte servile, qui est celle des châtiments de Dieu, elle est utile pour le salut ; 3° il y a la crainte filiale ou crainte du péché, qui grandit avec l'amour de Dieu et qui subsiste au ciel sous la forme de la crainte révérentielle. Voyons ce qu'enseigne la théologie, et spécialement saint Thomas, sur ces trois espèces de crainte, spécifiquement différentes ( Cf. SAINT THOMAS, IIa, IIae, q. 19.).

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VII

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


La crainte mondaine est celle par laquelle on redoute tellement le mal temporel que le monde peut nous faire, qu'on est prêt à offenser Dieu pour échapper à ce mal. Cette crainte mondaine est donc toujours mauvaise. Elle se présente sous bien des formes ; d'abord c'est le respect humain, ou timidité coupable, qui s'effraie des jugements du monde, et empêche d'accomplir les devoirs envers Dieu, par exemple d'aller à la Messe le Dimanche, de communier à Pâques, d'aller se confesser; on a peur des jugements de tel ou tel, ou peur de perdre sa situation, si l'on se montre fidèle à ses devoirs de chrétiens.

Cela peut aller jusqu'à la lâcheté. En temps de persécution, la crainte mondaine pourrait porter à renier la foi chrétienne, pour éviter la perte des biens extérieurs, de la liberté personnelle, ou la perte de la vie par le martyre. Jésus a dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l'âme.

Craignez plutôt Celui qui peut perdre l'âme et le corps dans la géhenne ». (MATTH., X, 28). Il a dit aussi (LUC IX, 26) : « Que sert de gagner l'univers, si l'on vient à perdre son âme. Si quelqu'un rougit de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme rougira de lui, lorsqu'il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des saints anges ».

La crainte mondaine est donc toujours mauvaise. Il faut demander à Dieu de nous en délivrer. Ceux qui ne veulent pas entendre parler de la crainte de Dieu, comme si ce n'était pas un sentiment assez noble, souffrent souvent de ce respect humain, avilissant, indigne d'une conscience droite.

Avoir honte d'aller à la messe, c'est le renversement complet de l'ordre des valeurs, car la messe qui perpétue sacramentellement le sacrifice de la Croix, est ce qu'il y a de plus grand ; la messe est d'une valeur infinie et loin d'avoir honte d'y aller, il faut considérer que c'est un très grand honneur et un grand profit, pour le temps et l'éternité.

La crainte servile est très différente, c'est celle, non pas de la persécution du monde, mais celle des châtiments de Dieu. Elle est utile en tant qu'elle porte à accomplir les commandements divins. Elle apparaît davantage dans l'Ancien Testament appelé loi de crainte, tandis que le Nouveau est appelé loi d'amour.

Cette crainte utile au salut, peut cependant devenir mauvaise, si l'on redoute plus les châtiments de Dieu que d'être séparé de lui, et si l'on n'évite le péché que pour éviter ces châtiments, de telle manière qu'on pécherait, si l'on ne devait pas en être puni dans l'éternité. Alors cette crainte est appelée servilement servile, elle montre qu'on s'aime soi-même plus que Dieu ; elle est donc mauvaise dans ce cas, et ne peut sous cette forme exister avec la charité, ou avec l'amour de Dieu par dessus tout ( La crainte servile est donc bonne en substance, mais son mode (le mode de servilité) est mauvais lorsqu'on craint les châtiments de Dieu plus que le péché et la séparation de Dieu ; car alors on s'aime plus que Dieu, et l'on garde l'affection au péché mortel, qu'on commettrait s'il n'était pas puni par des peines éternelles.).

Mais quand elle n'est pas servilement servile, la crainte servile des châtiments divins est utile, elle aide le pécheur à se rapprocher de Dieu. Cependant ce n'est pas une vertu, ni un don du Saint-Esprit. « C'est, dit sainte Catherine de Sienne (Dialogue, c. 94) comme un vent de tempête qui secoue les pécheurs ».

Elle est insuffisante pour le salut, mais elle peut conduire à la vertu. Ainsi, pendant la tempête le marin se rappelle qu'il faut prier, et, même s'il est en état de péché mortel, il prie de son mieux par une grâce actuelle qui lui est alors accordée et qui est offerte à tous en des cas semblables.

Source : Livres-mystiques.com

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NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


Dans le juste, la crainte servile demeure, et même elle demeure toujours sur la terre, mais elle diminue avec le progrès de la charité. Plus en effet on aime Dieu, plus l'égoïsme diminue, moins on est attentif à son bien propre ; et aussi plus on aime Dieu, plus on espère être récompensé par lui.

La crainte servile ou des châtiments divins n'existe plus au ciel évidemment.

La crainte filiale est très différente des deux précédentes, c'est celle d'un fils, non pas d'un mercenaire ou d'un simple serviteur ; c'est la crainte non pas des châtiments de Dieu, mais du péché qui nous éloigne de Dieu. Elle diffère donc substantiellement ou spécifiquement de la crainte servile, et à plus forte raison de la crainte mondaine ( On appelle « crainte initiale », le commencement de la crainte filiale, qui s'accompagne de la crainte servile encore vive dans l'âme, tant que la charité n'a pas encore grandi.).

Cette crainte filiale non seulement est utile au salut, comme la crainte servile, mais c'est un don du Saint Esprit, qui aide beaucoup à résister à de fortes tentations. C'est ainsi que le psalmiste dit (Ps. CXVIII, 120) : « Contige timore tuo, Domine, carnes meas » « Seigneur, frappe de crainte ma chair » pour que j'évite le péché.

Cette crainte filiale est le moins élevé des sept dons du Saint-Esprit, mais elle est le commencement de la sagesse, car elle est comme l'effet initial de ce don supérieur ; c'est une vraie sagesse de redouter le péché qui nous éloigne de Dieu. Elle correspond à la béatitude des pauvres ou des humbles qui craignent le Seigneur et le possèdent déjà.

Bien plus, tandis que la crainte servile ou des châtiments divins diminue avec le progrès de la charité, la crainte filiale augmente, car plus on aime Dieu, plus on redoute le péché qui nous sépare de lui. Les sept dons sont connexes avec la charité, comme les vertus infuses ; ce sont les diverses fonctions de notre organisme spirituel, elles se développent ensemble comme les cinq doigts de la main, dit SAINT THOMAS. (Ia, IIae, q. 61, a. 2).

Sainte Catherine de Sienne dit de même (Dialogue, ch. 74) que, avec le progrès de la charité, tandis que la crainte servile diminue, la crainte filiale augmente, et la crainte mondaine disparaît complètement. « C'est ainsi, dit-elle, que les Apôtres, après la Pentecôte, loin de redouter les souffrances, se faisaient gloire de leurs tribulations et étaient heureux d'avoir été jugés dignes de souffrir pour Notre-Seigneur ».

Auparavant, le soir de l'Ascension, se sentant seuls, ils éprouvèrent vivement leur impuissance devant l'immensité de l'oeuvre à accomplir, ils craignaient encore les persécutions annoncées, mais à la Pentecôte ils furent grandement éclairés, fortifiés et confirmés en grâce.

Au Ciel subsiste la crainte filiale sous la forme de la crainte révérentielle. Il est dit en effet dans le PSAUME XVIII, 10, : « Timor Domini sanctus, permanens in soeculum soeculi ». La sainte crainte du Seigneur restera dans les siècles des siècles.

Ce ne sera plus la crainte du péché, la crainte d'être séparé de Dieu, mais devant l'infinie grandeur du Très-Haut, l'âme verra son propre rien et tremblera en quelque sorte de voir sa propre fragilité en comparaison de l'absolue stabilité et nécessité de Dieu, qui seul est l'Être même. Ego sum, qui sum. - En ce sens il est dit dans la Préface de la Messe : « tremunt potestates » ; parmi les anges supérieurs même ceux qui sont appelés « les puissances » tremblent devant l'infinie majesté de Dieu.

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Ce don de crainte révérentielle existe même en la sainte âme du Sauveur comme les autres dons du Saint-Esprit.

La crainte révérentielle apparaît dans les saints en cette vie présente, par exemple lorsque saint Pierre (LUC, V, 8) après la première pêche miraculeuse dit à Jésus : a Éloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur ».

C'est alors que Jésus lui dit « Ne crains point, car désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Pierre, Jacques et Jean à ce moment quittèrent tout pour le suivre.

On voit que ces trois espèces de crainte sont très différentes. La crainte mondaine qui éloigne de Dieu est toujours mauvaise. La crainte servile ou des châtiments est utile au salut, à moins qu'elle ne soit servilement servile, et qu'on reste disposé à pécher, en s'en abstenant uniquement par crainte des peines éternelles.

La crainte filiale est toujours bonne, elle grandit avec la charité, comme les autres dons du Saint-Esprit et elle subsiste même au ciel à titre de crainte révérentielle. - Seigneur, délivrez-nous de la crainte mondaine ; diminuez-en nous la crainte servile ; augmentez-en nous la crainte filiale.

Jamais la psychologie humaine laissée à ses seules forces ne pourrait distinguer ainsi ces sentiments ; il y faut la Révélation, expression de la Sagesse divine

Certains moralistes non chrétiens enseignent une morale toute de désintéressement, disent-ils, où il n'est question ni de crainte des châtiments divins, ni du désir de la récompense éternelle. Ils rougiraient d'avouer que quelquefois ils ont peur, cela dérangerait la belle ordonnance de leurs leçons.

C'est la position de Kant, à qui les rationalistes ont donné tant d'importance parce que sa doctrine est la négation des vérités surnaturelles révélées.

Quand on se place au contraire au point de vue de la Révélation, plusieurs de ceux qu'on appelle de grands philosophes apparaissent comme de puissants esprits faux, qui n'ont eu qu'une ingéniosité spéciale pour la présentation de l'erreur.

Ils ne furent que de grands sophistes, et plusieurs sont comme des monstres intellectuels qui ont complètement faussé la notion de Dieu, celle de l'homme et de nos destinées. Ce fut particulièrement le cas de Spinoza, de Hume et de Hégel.

C'est ce que pense au fond tout vrai théologien catholique, et c'est ce que pensait saint Augustin de l'oeuvre des grands sophistes, dont il disait : « magni passus, sed extra viam ».

Nous le verrons clairement dans l'éternité, lorsque la vue horizontale du temps, où l'erreur apparaît souvent sur le même plan que la vérité, aura fait place à la vue verticale qui d'en haut juge de tout, à la manière de Dieu, cause suprême et fin ultime.

De ce point de vue les perspectives de bien des histoires de la philosophie seront singulièrement changées, et la superficialité de beaucoup de jugements servira à mieux mettre en valeur le sens et la portée des jugements définitifs.

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CHAPITRE VII

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


« Il appartenait au Saint-Esprit de réhabiliter la crainte », comme l'a dit le P. Gardeil ( Les dons du Saint Esprit dans les Saints Dominicains, 1903, p. 6o.). Et cela de trois manières en réprouvant la crainte mondaine ou respect humain, en montrant que la crainte des châtiments éternels de Dieu est utile au pécheur car elle le porte à se convertir, en montrant surtout que la crainte filiale du péché ou de la séparation de Dieu est un don surnaturel qui grandit toujours avec la charité.

C'est cette sainte crainte qui a inspiré les grandes mortifications des saints et leur vie réparatrice pour obtenir la conversion des pécheurs. C'est cette sainte crainte qui se manifeste en saint Dominique, lorsqu'il se flagellait chaque nuit jusqu'au sang pour obtenir la conversion des pécheurs, qu'il évangélisait.

C'est cette sainte crainte qui inspirait aussi les mortifications d'une sainte Catherine de Sienne, d'une Sainte Rose de Lima et de tant d'autres saints. Mais au dessus de la crainte filiale et même de sa forme la plus haute qui subsiste au ciel, la doctrine chrétienne reconnaît la place éminente de l'amour de Dieu et des âmes, qui correspond au précepte suprême et dont les effets sont si admirablement décrits dans l'Imitation, 1. III c. 5, qu'il conviendrait de relire au terme de cette étude sur l'enfer, pour mieux voir le contraste de l'éternelle damnation et de l'éternelle béatitude.

QUATRIÈME PARTIE
LE PURGATOIRE

L'éternelle vie ardemment désirée
Au sujet du Purgatoire nous considérerons d'abord la doctrine de l'Église, son fondement dans l'Écriture et la Tradition, puis la nature des peines du purgatoire, l'état des âmes qui s'y trouvent et quelle purification profonde provient de l'acceptation aimante de la vive douleur de la privation temporaire de Dieu et des autres peines.

CHAPITRE I
LA DOCTRINE DE L'ÉGLISE SUR LE PURGATOIRE
SON FONDEMENT DANS L'ÉCRITURE ET LA TRADITION


Selon la doctrine de l'Église, le purgatoire est le lieu et l'état où souffrent les âmes des justes, qui sont morts avec l'obligation de subir encore une peine temporaire due aux péchés véniels non encore remis ou aux péchés mortels ou véniels déjà remis, mais non encore expiés. Ces âmes en état de grâce attendent leur entrée au ciel et restent au purgatoire tant que leur dette à la justice divine n'est pas encore pleinement acquittée.

Elles l'acquittent progressivement, non pas par le mérite et la satisfaction, car le temps du mérite est fini, mais par satispassion, c'est-à-dire en supportant volontairement la peine satisfactoire qui leur est infligée. Cependant une partie de cette peine leur est remise, celle qui correspond aux suffrages, surtout aux messes, qui leur sont appliquées par les vivants.

Cet enseignement de l'Église se trouve dans le IIe Concile de Lyon (Denz. 464), dans celui de Florence (Denz. 693), dans celui de Trente (Denz. 840, 983) et dans la condamnation de plusieurs erreurs de Luther (Denz. 744, 777. 778, 779, 780).

Parmi ces erreurs l'Église condamne notamment celles-ci « l'existence du purgatoire ne peut s'établir par l'Écriture (777, 3047) ; les âmes du purgatoire ne sont pas toutes sûres de leur salut (778), elles péchent par impatience au milieu de leurs souffrances (779). L'Église enseigne aussi communément que ces âmes souffrent de la peine du feu, igne cruciuntur (Denz. 3047, 3050).

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE I

LA DOCTRINE DE L'ÉGLISE SUR LE PURGATOIRE
SON FONDEMENT DANS L'ÉCRITURE ET LA TRADITION

L'ERREUR PROTESTANTE

La doctrine du purgatoire a été niée par les Albigeois, les Vaudois, les Hussites et les Protestants Cf. Dict. de théol. cath., art, Purgatoire (A. MICHEL), col. 1264 ss.). Luther commença en 1517 par nier la valeur des indulgences, en disant qu'elles ne valent pas devant Dieu, pour la rémission de la peine due à nos péchés (Denz. 758). Ensuite il soutint que le purgatoire ne peut se prouver par la Sainte Écriture, que toutes les âmes du purgatoire ne sont pas sûres de leur salut, qu'on ne saurait établir qu'elles ne peuvent plus mériter ; il admit aussi qu'elles péchent en essayant de fuir la souffrance pour trouver le repos.

Plus tard apparut dans les écrits de Luther la racine doctrinale de toutes ces négations : la justification par la seule foi ou confiance dans les mérites du Christ et l'inutilité des bonnes oeuvres pour expier nos péchés, par suite l'inutilité du purgatoire. Avec la faveur populaire, Luther devint de plus en plus audacieux et publia en 1524 son livre De abroganda missa, de l'abrogation de la messe, où il est dit que la négation du purgatoire n'est pas une erreur.

Enfin en 1530, il nia la nécessité de satisfaire pour nos péchés ; ce serait, dit-il, une injure au Christ qui a satisfait surabondamment pour toutes nos fautes. Pour la même raison il nie que la messe soit un vrai sacrifice, surtout un sacrifice propitiatoire. C'est la négation radicale de la vie réparatrice, comme si les souffrances des saints, offertes par eux pour l'expiation des péchés, étaient une injure au Christ rédempteur.

Luther ne voit pas que, de même que Dieu, Cause première universelle, n'exclut pas les causes secondes, mais leur donne la dignité de la causalité, comme un statuaire qui ferait des statues vivantes, ainsi les mérites satisfactoires du Christ n'excluent pas les nôtres, mais les suscitent pour nous faire travailler avec lui, par lui et en lui pour le salut des âmes. Saint Paul n'a-t-il pas dit : « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la parole du Christ ». (GAL., VI, 2); « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous, et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ». COLOSS. I, 24. Il ne manque rien aux souffrances du Christ en elles-mêmes, mais il leur manque quelque chose en notre propre chair, il leur manque leur application à nous, et leur rayonnement en nous.

Calvin (Instit. christ., 1. III, c. 4, n. 6) et Zwingle (Opera, theses ann. 1523, th. 57), suivirent Luther dans sa négation des indulgences, de la messe et du purgatoire. Les protestants actuels se séparent de leurs premiers maîtres sur ce sujet. Plusieurs admettent un état intermédiaire entre le ciel et l'enfer, mais ne veulent pas l'appeler purgatoire, et ils disent que les âmes y peuvent encore mériter et satisfaire (Farrar, Campbell, Hodge).

De plus un certain nombre d'entre eux admettent que les peines de l'enfer ne sont pas éternelles ; mais cet enfer temporaire ne ressemble en rien au purgatoire dont parle l'Église catholique, puisque en celui-ci, toutes les âmes sont en état de grâce et ne pèchent plus.

Nous voyons ici un exemple de plus des variations et des contradictions des églises protestantes. Les théologiens catholiques qui écrivirent contre cette erreur protestante furent surtout Cajetan, Silvestre Prierias, saint John Fisher, Jean Eck, saint Robert Bellarmin. Saint John Fisher disait aux Luthériens : « En supprimant le sacrifice de la messe, vous avez supprimé en vos églises le soleil qui éclaire et réchauffe chacune de nos journées et qui fait sentir son influence jusqu'en purgatoire ».

Source : Livres-mystiques.com

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QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE I

L'ERREUR PROTESTANTE


L'Église condamna solennellement cette erreur au Concile de Trente (Denz. 840) : « Si quelqu'un dit qu'à tout pécheur pénitent, qui a reçu la grâce de la justification, l'offense est tellement remise et l'obligation à la peine éternelle tellement effacée, qu'il ne lui reste aucune obligation de peine temporaire à payer, soit en ce monde, soit dans l'autre, au purgatoire, avant que l'entrée au ciel lui puisse être ouverte, qu'il soit anathème ».

Dans le chapitre XIV, qui correspond à ce canon, le Concile affirme la nécessité « de la satisfaction (pour les péchés commis après le baptême), satisfaction par le jeûne, les aumônes, les prières et les autres exercices de la vie spirituelle, non certes pour la peine éternelle qui est remise avec la faute par le sacrement ou par le désir du sacrement, mais pour la peine temporelle qui (ainsi que l'enseignent les Saintes Écritures) n'est pas toujours, comme dans le baptême, remise entièrement » (Denz. 807). Le Concile cite ici ces paroles de l'Écriture : « Souviens-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi, et reviens à tes premières oeuvres ».

Apoc., II, 5 ; « La tristesse selon Dieu produit un repentir salutaire ». II COR., VII, 10 ; « Faites pénitence » MATTH., III, 2 ; IV, 17 ; « Faites de dignes fruits de pénitence » MATTH., III, 8. Et si cette réparation ou satisfaction n'a pas été faite en ce monde, il faudra subir la peine satisfactoire du purgatoire, comme l'a dit le Concile dans le canon que nous venons de citer.

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE SELON LA SAINTE ÉCRITURE

Dans l'Ancien Testament, au 1. II des Macchabées, XII, 43-46, on lit que Judas Macchabée « fit une collecte où il recueillit la somme de deux mille drachmes et l'envoya à Jérusalem pour être employée à un sacrifice expiatoire... pour les morts ; ... qui s'étaient pieusement endormis,... afin qu'ils fussent délivrés de leurs péchés ». Cela montre que, selon la foi d'Israël, les justes après leur mort pouvaient être aidés par les prières et les sacrifices offerts sur la terre. Il est dit ibid.: « C'est une pensée sainte et pieuse de prier pour les défunts ».

Saint Thomas ( IV SENT., d. 21, q. 1, a. 1, qa 1 et Appendice au Supplément : De Purgatorio, a. 1.) remarque à ce sujet : il n'y a pas à prier pour les âmes des défunts qui sont au ciel, ni pour celles qui sont en enfer, il doit donc y avoir un purgatoire après la mort où sont les âmes des justes qui n'ont pas encore payé toute leur dette à la justice divine.

Dans le Nouveau Testament il est dit en saint MATTH., XII, 32: « Celui qui aura parlé contre l'Esprit Saint, on ne le lui remettra ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir ». Ces paroles supposent, selon la Tradition, que certains péchés peuvent être remis après la mort, mais on voit par ailleurs que ce ne sont pas les péchés mortels ; il s'agit donc de péchés véniels ou de la peine due aux péchés mortels déjà remis mais non expiés.

Ce texte s'éclaire par celui de SAINT PAUL, I COR., III, 10-15, où bien des Pères ont vu une allusion manifeste au feu du purgatoire : « Vous êtes l'édifice de Dieu... Le fondement est Jésus -Christ... Si l'on bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres Précieuses, du bois, du foin, du chaume, l'ouvrage de chacun sera manifesté ; car le jour du Seigneur le fera connaître, parce qu'il va se révéler dans le feu et le feu même éprouvera ce qui est l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage que l'on aura bâti dessus subsiste, on recevra une récompense ; si l'ouvrage de quelqu'un est consumé, il perdra sa récompense (pour cette partie de son ouvrage) ; lui pourtant sera sauvé, mais comme au travers du feu ».

Il sera sauvé s'il reste uni au Christ qui est le fondement, même si sur ce fondement il n'y a guère construit qu'avec du bois, du foin et du chaume, qui seront dévorés par le feu. Ce qui sera dévoré ce sont par exemple des bonnes oeuvres faites par vanité, le bien accompli pour se faire valoir, ou par esprit d'opposition à des adversaires, plus que par amour de la vérité et de Dieu.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE I

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE SELON LA SAINTE ÉCRITURE


DPlusieurs Pères ont entendu ce texte du purgatoire : Origène, saint Basile, saint Cyrille de Jérusalem, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin, saint Grégoire, bien que ces deux derniers l'entendent aussi du feu de la persécution et de celui du jugement dernier.

Saint Thomas dans son Commentaire sur la I° ÉPITRE AUX COR. remarque : dans l'édifice construit sur le Christ, les bonnes oeuvres sont comparées à l'or, à l'argent, aux pierres précieuses ; les péchés véniels au bois, au foin, à la paille ; le jour du Seigneur est celui où se manifeste son jugement, d'abord pendant la tribulation sur la terre, puis au jugement particulier sitôt après la mort, et au jugement dernier.


Quant au feu qui éprouve et puifie, c'est celui de la tribulation déjà sur terre, puis celui du purgatoire après la mort, et enfin celui de la conflagration universelle au dernier jugement ; divers textes de l'Écriture parlent en effet du feu purificateur sous ces trois différentes formes, ECCLI. II, 5, XXVII, 6 ; SAP. III, 6 ; Ps. XCVI, 3.

Cette interprétation qui réunit les autres, en admettant les diverses purifications, paraît vraie, elle est admise aujourd'hui par des exégètes comme le Père Allo, le Père Prat, et des théologiens comme Chr. Pesch.

Le Père Allo dit à ce sujet dans son Comm. sur la I° Ep. aux Corinthiens, p. 61 : « Jésus a parlé, LUC, XVII, 22, d'un des jours du Fils de l'homme (où il exerce son jugement) comme s'il pouvait y avoir plusieurs de ces jours... *
*Aussi, pouvons-nous croire avec saint Thomas, que dans ce verset, il s'agit du triple jugement de Dieu ». Ibid., p. 66 : « Nous avons interprété le feu au sens le plus étendu, comme l'ensemble des jugements et des épreuves auxquelles le Christ soumettra l'ouvrage de ceux qui ont voulu - ou prétendu - travailler pour Lui.

Mais le v. 15, disions-nous, montre que ce n'est pas l'ouvrage tout seul, c'est aussi l'ouvrier qui pourra être atteint par la flamme, bien qu'il soit destiné au salut. Comme rien n'indique que ces épreuves du travail de chacun doivent toutes avoir lieu durant la vie présente, il faut reconnaître que Paul envisage, pour les âmes élues qui auront quitté ce monde, la possibilité d'une dette à acquitter encore envers Dieu.

Où et quand cette dette leur sera-t-elle réclamée ? On ne voit que le moment où elles comparaîtront devant le tribunal du Christ » (II COR., V, 10 ; ROM., XIV, 10). L'ÉPITRE Aux HEBREUX, IX, 27, affirme : « Il est arrêté que les hommes meurent une seule fois, après quoi vient le jugement ».

Le Père Prat dit justement : «Il y a des fautes qui ne sont pas assez graves pour fermer le ciel, et pour ouvrir l'enfer, et qui sont punies néanmoins d'un châtiment proportionné. Le dogme catholique des péchés véniels et du purgatoire trouvent ainsi dans notre texte un très solide appui » ( La théologie de saint Paul, 17° éd., t. I, p. 112

Le Père Ch. Pesch défend la même conclusion qui est celle de toute l'exégèse traditionnelle ( Praelectiones theologicae, t. IX, n. 590.).

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CHAPITRE I

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE ET LA TRADITION


On distingue à ce sujet dans la Tradition deux périodes.

Pendant les quatre premiers siècles, l'existence du purgatoire est affirmée au moins implicitement par l'universelle pratique des prières et sacrifices offerts pour les défunts. Tertullien dit : « nous faisons des oblations pour les défunts un an après leur mort » ( DE CORONA, C. 4, cf. R. de Journel, Enchir. patr., n. 382.) . Saint Ephrem demande qu'on en fasse le trentième jour après leur décès ( JOURNEL, 741.). Saint Cyrille d'Alexandrie croit que les prières faites pour eux leur obtiennent un secours ; saint Épiphane et saint jean Chrysostome parlent de même ( JOURNEL, 852, 853, 1109, 1206.). Les plus anciennes liturgies montrent que cet usage était commun ( Cf. MARTIONY, Dict. des antiquités chrétiennes, art. Purgatoire, cf. Didascalia Apostolorum 1. VI, C. 22, n. 2 : « Ad Deum preces indesinenter offerte et acceptam Eucharistiam... offerte pro dormientibus » - De même la Liturgie de saint Basile et celle de saint Jean Chrysostome.).

Cela est confirmé par les inscriptions des catacombes qui remontent jusqu'au premier siècle, elles demandent assez souvent que Dieu rafraîchisse l'esprit du défunt, « Spiritum tuum Deus refrigeret ; Ursula accepta sis in Christo», ce qui est une allusion manifeste à la peine dont souffrent les âmes du purgatoire. ( Cf. MIARUCCUI, Eléments d'archéologie chrétienne, t. I, p. 191 : On lit dans les Catacombes des inscriptions comme celles-ci : « Victoria, refrigereris spiritus tuus in bono ; Kalemire, Deus refrigeret spiritum tuum una cum sororis tuae Hilare ; aeterna tibi lux, Timothea, in Christo ».)

Cette pratique universelle, qui se trouve en Orient et en Occident, prouve qu'il y avait une croyance générale à l'existence d'un lieu et d'un état, où les âmes justes, qui ne sont pas encore pleinement purifiées, supportent les peines dues à leurs péchés. L'Église en effet ne prie pas pour les réprouvés et n'offre pas pour eux le sacrifice eucharistique. Ainsi se manifeste au début la foi de l'Église au purgatoire, comme sa foi à l'existence du péché originel s'exprime dans la pratique de baptiser tous les enfants.

De plus, pendant les quatre premiers siècles, il y a des témoignages explicites relatifs aux peines du purgatoire. Tertullien, De monogamia, c. 10 parle d'une femme qui prie pour l'âme de son mari et demande pour lui le refrigerium, le rafraîchissement qui est une atténuation ou cessation de la peine du feu ( JOURNEL, 382.). Saint Ephrem parle « de l'expiation » des péchés après la mort » ( JOURNEL, 741.). Saint Cyrille de Jérusalem, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, parlent des prières pour les défunts ( JOURNEL, 1061.).

Dans la seconde période, à partir de saint Augustin, il est explicitement parlé du purgatoire et de la peine du feu, que subissent les âmes des justes qui n'avaient suffisamment expié leurs fautes avant la mort. Les Pères, surtout saint Augustin, saint Césaire d'Arles, saint Grégoire le Grand, affirment même quatre vérités qui contiennent toute la doctrine du purgatoire. Après la mort il n'y a plus de possibilité de mérite ni de démérite ( Cf. R. DE JOURNEL, Op. cit., Index theologicus, n° 584) ; le purgatoire existe, où les âmes justes qui ont encore quelque chose à expier subissent des peines temporaires ( Ibid., n° 587) ; ces âmes peuvent être aidées par les suffrages des vivants, surtout par le sacrifice eucharistique ( Ibid., n° 588.) ; le purgatoire finira au jour du jugement dernier ( Ibid., n° 589). Saint Augustin expose cette doctrine dans l'Enchiridion, c. 69, 109, ss., dans le Comm. sur le Ps. 37; saint Césaire d'Arles dans le sermon 104, n. 5 ; saint Grégoire le Grand, Dialogue, 593, 4. 39, cf. JOURNEL, op. cit. 1467. 1544. 2233. 2321. Dans la suite la liturgie pour les défunts se développe notablement

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CHAPITRE I

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE ET LA TRADITION


Enfin la doctrine de l'Église sur le purgatoire est définie au IIe Concile de Lyon, à celui de Florence, et à celui de Trente (Dent. 464. 693. 840. 983).

On voit en cela comment la foi de l'Église passe d'un concept encore confus du purgatoire à un concept distinct, comme pour le baptême, pour le sacrement de pénitence, pour le sacrifice de la Messe, et pour bien d'autres vérités révélées. Ce qu'il importe ici de remarquer, c'est que les bons chrétiens et surtout les Saints, sans avoir d'un mystère un concept théoriquement distinct comme les théologiens de profession, peuvent en avoir un concept confus, mais profond pourtant et vécu.

Bien des saints sur la terre ne sauraient pas expliquer théologiquement ce par quoi le péché mortel diffère en premier lieu du péché véniel, mais ils ont une contrition beaucoup plus profonde que bien des théologiens ; ils ne sauraient pas dire quelle est formellement l'essence du sacrifice de la Messe, mais ils sont tout pénétrés de sa grandeur et de sa fécondité.

De même ceux qui priaient avec grande ferveur dans les catacombes, en se préparant au martyre, et qui offraient de durs sacrifices, pour obtenir à leurs défunts le rafraîchissement dont parlent les anciennes inscriptions, ceux-là avaient un concept peut-être encore confus, mais profond et vécu du purgatoire, quoiqu'ils n'eussent pu en parler comme les théologiens venus après le Concile de Trente.

Bien des saints, sans avoir pu se consacrer à l'étude, qui donne le concept théoriquement distinct, passent du concept confus au concept vécu du péché, de la peine qui lui est due, du repentir, de la satisfaction complète, du jugement, de l'enfer, du purgatoire et du ciel, et cette science des saints est finalement la plus réaliste et celle qui compte le plus pour l'éternité.

Elle s'exprime par exemple dans ce que dit l'Imitation de Jésus-Christ, 1. III, c. 47 : « Qu'il faut être prêt à souffrir pour la vie éternelle tout ce qu'il y a de plus pénible.

CHAPITRE II - RAISONS DE CONVENANCE DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Il y a d'abord une raison de convenance accessible aux incroyants. L'ordre moral de la justice, lorsqu'il a été violé, demande une réparation. Si donc cette réparation, due en justice, n'a pas été faite avant la mort, elle doit être faite ou subie après cette vie ; mais elle doit être très différente pour celui qui est mort dans l'injustice sans repentir, et pour le juste qui est mort sans avoir payé toute sa dette.

Cet argument diffère des raisons théologiques que nous exposerons ensuite, parce qu'il repose sur les principes de la raison naturelle, qui peuvent être connus sans la révélation.

Il est confirmé par les traditions religieuses de bien des peuples, égyptiens, babyloniens, perses, qui parlent de diverses sanctions après la mort et avant la béatitude céleste. Platon dit aussi dans le Gorgias, 522 ss.: « A peine séparées de leur corps, les âmes arrivent devant le juge qui les examine attentivement... Aperçoit-il une âme défigurée par ses fautes, il l'envoie aussitôt là où elle doit subir les justes châtiments qu'elle a mérités....

Or il y en a qui profitent des peines qu'elles endurent ; ce sont celles dont les fautes sont de nature à être expiées... Cet amendement ne s'opère en elles que par la douleur, car il n'est pas possible d'être délivré autrement de l'injustice. Pour les âmes qui ont commis les plus grands crimes et qui, en raison de cette perversité, sont devenues incurables, elles servent pour l'exemple, mais elles-mêmes sont incapables de guérison. » (Voir aussi PHÉDON, 113 sq.)

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE II - RAISONS DE CONVENANCE DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Il y a d'autres raisons de convenance qui valent surtout pour les croyants. La doctrine du purgatoire est en effet pleine de sagesse et de consolation. Elle donne une haute idée de la sainteté et de la majesté de Dieu, rien de souillé ne peut paraître devant lui elle fortifie notre sens de la justice ; elle manifeste le désordre souvent inaperçu des fautes vénielles, si bien que déjà la foi au purgatoire nous purifie sur terre.

De plus cette foi nous montre les relations qui restent entre nos défunts et nous ; elle nous dit comment nous pouvons les aider par nos suffrages, nos prières, nos satisfactions, en gagnant des indulgences, surtout par le sacrifice de la messe. Elle nous fait entrevoir un aspect spécial du mystère de la communion des saints, entre l'Église militante et l'Église souffrante. Il y a là une grande consolation après la séparation de la mort.

La force de ces raisons de convenance apparaîtra davantage par ce que nous allons dire des raisons théologiques certaines de l'existence du purgatoire.

Ces raisons théologiques présentent les mêmes arguments éclairés à la lumière de la Révélation divine. C'est comme un vitrail d'église qu'on peut voir de deux façons : d'abord du dehors et l'on discerne à peine les figures des personnages ; ensuite on le voit du dedans de l'église, sous la lumière convenable, alors on en perçoit les moindres détails et les traits des personnages se discernent parfaitement.

Il en est de même des prophéties de l'Ancien Testament, suivant qu'on les voit seulement du dehors à la lumière de la seule raison, ou dedans à la lumière de la Révélation reçue par la foi infuse.

CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Le dogme défini du purgatoire n'a pas seulement son fondement dans l'Écriture et la Tradition, il peut en outre se déduire avec certitude de vérités révélées plus universelles dans lesquelles il est implicitement contenu. C'est ce que montre les raisons théologiques de la nécessité et de l'existence du purgatoire. Il ne faut pas les confondre avec les raisons de convenance dont nous venons de parler et qui peuvent être proposées à des incroyants. Nous parlons maintenant des raisons certaines fondées sur des principes révélés acceptés de la foi.

Saint Thomas expose ces raisons théologiques dans son Commentaire sur les Sentences, 1. IV, dist. 21, q. 1, a. 1, qa 1 ; et ss. Ces pages ont été reproduite intégralement dans un Appendice au Supplément de la Somme théologique : quaestio unica de purgatorio ( Dans certaines éditions de la Somme, cet Appendice est mis dans le Supplément après la qu. 72 et ne comprend que deux articles ; dans de meilleures éditions comme la léonine (Rome 1906) il est mis à la fin du Supplément et comprend 8 articles, il reproduit alors tout ce qui est dit à ce sujet dans le Commentaire sur les Sentences.

Comme les citations de ce commentaire sont très compliquées, nous citons ici l'Appendice complet au supplément. Dans l'article I de cet Appendice, la question posée est celle-ci : « Y a-t-il un purgatoire après la mort ? Saint Thomas donne d'abord deux arguments d'autorité : le texte classique du 1. II des MACCHABÉES, XII, 45, et un texte de saint Grégoire de Nysse, puis il expose cette raison théologique de l'existence du purgatoire.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE

Selon la justice divine il faut que celui qui meurt avec la contrition de ses péchés, sans avoir subi encore la peine temporaire qu'ils méritent, la subisse dans l'autre. Or au moment de la mort, malgré la contrition qui efface le péché mortel et remet la peine éternelle, il arrive souvent que la peine temporaire due aux péchés remis reste encore à subir, du moins en partie, et il arrive aussi qu'il reste dans l'âme des péchés véniels. Il faut donc, selon la justice divine, que l'âme de ces défunts subisse une peine temporaire dans l'autre vie. Saint Thomas ajoute : « Ceux qui nient le purgatoire parlent donc contre la justice divine et tombent dans l'hérésie, connue l'a dit saint Grégoire de Nysse ».

Cette raison théologique fondée sur la nécessité de la satisfaction est démonstrative et elle renverse le fondement de la négation protestante du purgatoire ( Dict. théol. cath., art. Purgatoire (A. Michel), col. 1179 ss, 1285. - Cette raison théologique est conservée par Suarez dans son traité De Purgatorio (Opera, Vivès t. XXII, p. 879) ; elle a été trop peu considérée par plusieurs théologiens plus récents.). Elle est indiquée par le Concile de Trente (Denz. 904), lorsqu'il définit « qu'il est absolument faux et contraire à la parole de Dieu de soutenir que le péché n'est jamais remis par Dieu, sans que soit remise en même temps toute la peine due au péché » (cf. ibid. can. 12 et 15. Denz. 922, 925).

Cela n'est vrai, dit le Concile (ibid. 904), que pour les péchés remis par le baptême, mais non pas pour ceux commis avec une plus grande ingratitude après le baptême et remis par la contrition et le sacrement de pénitence. Il reste souvent à subir une peine temporaire due aux péchés remis.

Pour le baptême des adultes, c'est différent, parce que Notre-Seigneur leur accorde comme don de joyeux avènement la remise de toute peine ; c'est pourquoi jadis certains remettaient leur baptême le plus tard possible.

Cette raison théologique est fondée sur ce que dit l'Écriture au sujet de la pénitence ( Cf. Catéchisme du Concile de Trente, I, c. 24, II, Nécessité de la satisfaction.). Déjà dans l'Ancien Testament on voit que même après la rémission du péché, il reste souvent une peine temporaire à subir. Le livre de la SAGESSE X, I, dit que Dieu « tira Adam de son péché », et cependant il dut continuer de cultiver le sol à la sueur de son front (Gen., III, 17). Moïse, en punition d'une faute déjà pardonnée, n'entra pas dans la terre promise (Nombres, XX, II ; Deuter., XXXIV, 4). Quoique David se fut déjà repenti de son adultère et en eût reçu le pardon, il en fût puni par la mort de son fils (II REG., XII, 14). Jésus et les Apôtres prêchent la nécessité de la pénitence et des bonnes oeuvres satisfactoires pour l'expiation des péchés déjà remis. SAINT PAUL, II COR., VI, 5, parle « des travaux, des veilles, des jeûnes » que l'Église a toujours considérés comme « dignes fruits de pénitence » selon la parole du Précurseur, MATTH., III, 8 (cf. Conc. de Trente, Denz. 8o6, 8o7). Il est dit souvent dans l'Écriture que l'aumône libère de la peine due au péché ( TOB. IV, IX ; XII, 9 ; ECCLI. III, 33 ; DAN., IV, 24; LUC, Xl, 41, cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 15, a. 3.).

Les bonnes oeuvres satisfactoires sont en même temps méritoires ; elles supposent donc l'état de grâce ou la rémission des péchés et elles constituent une réparation ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 14, a. 2 : « Sine caritate opera facta non sunt satisfactoria, sec. illud Pauli : « Si distribuero in cibos pauperum, caritatem auteur non habuero, nihil mihi prodest » I COR., XIII, 3.). De même dans l'ordre naturel, il ne suffit pas que celui qui a enlevé la fille du roi, la restitue ; il faut en outre qu'il répare l'injure, en subissant une peine proportionnée.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Selon la justice divine il faut que celui qui meurt avec la contrition de ses péchés, sans avoir subi encore la peine temporaire qu'ils méritent, la subisse dans l'autre. Or au moment de la mort, malgré la contrition qui efface le péché mortel et remet la peine éternelle, il arrive souvent que la peine temporaire due aux péchés remis reste encore à subir, du moins en partie, et il arrive aussi qu'il reste dans l'âme des péchés véniels. Il faut donc, selon la justice divine, que l'âme de ces défunts subisse une peine temporaire dans l'autre vie. Saint Thomas ajoute : « Ceux qui nient le purgatoire parlent donc contre la justice divine et tombent dans l'hérésie, connue l'a dit saint Grégoire de Nysse ».

Cette raison théologique fondée sur la nécessité de la satisfaction est démonstrative et elle renverse le fondement de la négation protestante du purgatoire ( Dict. théol. cath., art. Purgatoire (A. Michel), col. 1179 ss, 1285. - Cette raison théologique est conservée par Suarez dans son traité De Purgatorio (Opera, Vivès t. XXII, p. 879) ; elle a été trop peu considérée par plusieurs théologiens plus récents.). Elle est indiquée par le Concile de Trente (Denz. 904), lorsqu'il définit « qu'il est absolument faux et contraire à la parole de Dieu de soutenir que le péché n'est jamais remis par Dieu, sans que soit remise en même temps toute la peine due au péché » (cf. ibid. can. 12 et 15. Denz. 922, 925).

Cela n'est vrai, dit le Concile (ibid. 904), que pour les péchés remis par le baptême, mais non pas pour ceux commis avec une plus grande ingratitude après le baptême et remis par la contrition et le sacrement de pénitence. Il reste souvent à subir une peine temporaire due aux péchés remis.

Pour le baptême des adultes, c'est différent, parce que Notre-Seigneur leur accorde comme don de joyeux avènement la remise de toute peine ; c'est pourquoi jadis certains remettaient leur baptême le plus tard possible.

Cette raison théologique est fondée sur ce que dit l'Écriture au sujet de la pénitence ( Cf. Catéchisme du Concile de Trente, I, c. 24, II, Nécessité de la satisfaction.). Déjà dans l'Ancien Testament on voit que même après la rémission du péché, il reste souvent une peine temporaire à subir. Le livre de la SAGESSE X, I, dit que Dieu « tira Adam de son péché », et cependant il dut continuer de cultiver le sol à la sueur de son front (Gen., III, 17). Moïse, en punition d'une faute déjà pardonnée, n'entra pas dans la terre promise (Nombres, XX, II ; Deuter., XXXIV, 4). Quoique David se fut déjà repenti de son adultère et en eût reçu le pardon, il en fût puni par la mort de son fils (II REG., XII, 14). Jésus et les Apôtres prêchent la nécessité de la pénitence et des bonnes oeuvres satisfactoires pour l'expiation des péchés déjà remis. SAINT PAUL, II COR., VI, 5, parle « des travaux, des veilles, des jeûnes » que l'Église a toujours considérés comme « dignes fruits de pénitence » selon la parole du Précurseur, MATTH., III, 8 (cf. Conc. de Trente, Denz. 8o6, 8o7). Il est dit souvent dans l'Écriture que l'aumône libère de la peine due au péché ( TOB. IV, IX ; XII, 9 ; ECCLI. III, 33 ; DAN., IV, 24; LUC, Xl, 41, cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 15, a. 3.).

Les bonnes oeuvres satisfactoires sont en même temps méritoires ; elles supposent donc l'état de grâce ou la rémission des péchés et elles constituent une réparation ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 14, a. 2 : « Sine caritate opera facta non sunt satisfactoria, sec. illud Pauli : « Si distribuero in cibos pauperum, caritatem auteur non habuero, nihil mihi prodest » I COR., XIII, 3.). De même dans l'ordre naturel, il ne suffit pas que celui qui a enlevé la fille du roi, la restitue ; il faut en outre qu'il répare l'injure, en subissant une peine proportionnée.

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CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Il ne suffit pas en effet de cesser de pécher, ni même de se repentir, il faut que l'ordre de la justice qui a été violé, soit rétabli par l'acceptation volontaire d'une peine compensatrice ( Cf. SAINT THOMAS, Ia., IIae q. 87, a. 6 et Appendice du Supplément, a. 7.). La volonté créée qui s'est insurgée contre l'ordre divin, doit, même après le repentir, subir une peine : pour s'être détournée de Dieu, elle est privée de sa possession pendant un temps et pour lui avoir préféré un bien créé, elle doit subir une peine dite du sens.

Mais, objectent les Protestants, le Christ rédempteur a déjà surabondamment satisfait pour toutes nos fautes. La Tradition a toujours répondu : les mérites satisfactoires du Christ sont suffisants certes pour le rachat de tous les hommes, mais encore faut-il qu'ils nous soient appliqués pour être efficaces en nous ( Cf. BELLARMIN, De Purgatorio, c. XIV.) ; ils nous sont appliqués par le baptême, puis, après rechute, par le sacrement de pénitence, dont la satisfaction fait partie. Comme la cause première ne rend pas inutiles les causes secondes, mais leur donne la dignité de la causalité, les mérites du Christ ne rendent pas les nôtres inutiles, mais les suscitent pour nous faire travailler avec Lui, par Lui et en Lui, au salut des âmes et de la nôtre en particulier. Ainsi saint Paul peut dire, COL. I, 24 : « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ».

Nier la nécessité de la satisfaction en ce monde, et de la satispassion au purgatoire, conduit à la négation de la vie réparatrice, et même à la négation luthérienne de la nécessité des bonnes oeuvres, comme si la foi sans les oeuvres suffisait à la justification et au salut.

Un jour à la suite d'une conférence que je faisais à Genève, un protestant fort instruit et d'une intelligence pénétrante vint me trouver. Je lui dis : Comment Luther a-t-il pu en venir à cette conclusion que la foi seule aux mérites du Christ suffit au salut et qu'il n'est pas nécessaire d'observer les préceptes, pas même les préceptes de l'amour de Dieu et du prochain ? » - Il me répondit : « C'est très simple » - « Comment très simple ? » - « Oui, c'est diabolique » ajouta-t-il. - « Je n'aurais pas osé vous le dire, répondis-je ; mais comment êtes-vous luthérien » ? - « Dans ma famille, me dit-il, nous le sommes de père en fils, mais prochainement j'entrerai dans l'Église catholique ».

Aussi le P. Monsabré ( Conférences de Notre-Dame, ann. 1889, 97° conférence, pp. 30 et 35.) a-t-il pu écrire : « Pour être conséquent avec ses principes touchant la justification, le protestantisme a nié le dogme du purgatoire. L'homme pouvant être sauvé par la seule foi dans les mérites du Christ, et sans qu'il ait à s'inquiéter de ses oeuvres, il est évident qu'il ne peut avoir, après la mort, aucun démêlé avec la justice divine, qui ne doit tenir compte que de son audacieuse et imperturbable confiance dans la vertu rédemptrice de celui dont il exploite les mérites bien qu'il ait violé tous ses commandements. Mais il est évident aussi que la négation qui découle de ces principes, inventés pour des scélérats, est odieuse autant qu'absurde... Elle est inintelligente et barbare, car rien n'est plus conforme à la raison que la doctrine de l'Église sur le purgatoire et rien de plus consolant pour le coeur... Pour le protestantisme il n'y a à la dernière heure que l'effroyable perspective du tout ou rien. Impossible de compter sur le ciel, lorsqu'on voit qu'on a été misérable toute sa vie et qu'on n'a offert à Dieu qu'un repentir tardif, sans avoir réparé tant d'offenses. Alors il ne reste plus que la perspective de la malédiction ».

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Il ne suffit pas en effet de cesser de pécher, ni même de se repentir, il faut que l'ordre de la justice qui a été violé, soit rétabli par l'acceptation volontaire d'une peine compensatrice ( Cf. SAINT THOMAS, Ia., IIae q. 87, a. 6 et Appendice du Supplément, a. 7.). La volonté créée qui s'est insurgée contre l'ordre divin, doit, même après le repentir, subir une peine : pour s'être détournée de Dieu, elle est privée de sa possession pendant un temps et pour lui avoir préféré un bien créé, elle doit subir une peine dite du sens.

Mais, objectent les Protestants, le Christ rédempteur a déjà surabondamment satisfait pour toutes nos fautes. La Tradition a toujours répondu : les mérites satisfactoires du Christ sont suffisants certes pour le rachat de tous les hommes, mais encore faut-il qu'ils nous soient appliqués pour être efficaces en nous ( Cf. BELLARMIN, De Purgatorio, c. XIV.) ; ils nous sont appliqués par le baptême, puis, après rechute, par le sacrement de pénitence, dont la satisfaction fait partie. Comme la cause première ne rend pas inutiles les causes secondes, mais leur donne la dignité de la causalité, les mérites du Christ ne rendent pas les nôtres inutiles, mais les suscitent pour nous faire travailler avec Lui, par Lui et en Lui, au salut des âmes et de la nôtre en particulier. Ainsi saint Paul peut dire, COL. I, 24 : « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ».

Nier la nécessité de la satisfaction en ce monde, et de la satispassion au purgatoire, conduit à la négation de la vie réparatrice, et même à la négation luthérienne de la nécessité des bonnes oeuvres, comme si la foi sans les oeuvres suffisait à la justification et au salut.

Un jour à la suite d'une conférence que je faisais à Genève, un protestant fort instruit et d'une intelligence pénétrante vint me trouver. Je lui dis : Comment Luther a-t-il pu en venir à cette conclusion que la foi seule aux mérites du Christ suffit au salut et qu'il n'est pas nécessaire d'observer les préceptes, pas même les préceptes de l'amour de Dieu et du prochain ? » - Il me répondit : « C'est très simple » - « Comment très simple ? » - « Oui, c'est diabolique » ajouta-t-il. - « Je n'aurais pas osé vous le dire, répondis-je ; mais comment êtes-vous luthérien » ? - « Dans ma famille, me dit-il, nous le sommes de père en fils, mais prochainement j'entrerai dans l'Église catholique ».

Aussi le P. Monsabré ( Conférences de Notre-Dame, ann. 1889, 97° conférence, pp. 30 et 35.) a-t-il pu écrire : « Pour être conséquent avec ses principes touchant la justification, le protestantisme a nié le dogme du purgatoire. L'homme pouvant être sauvé par la seule foi dans les mérites du Christ, et sans qu'il ait à s'inquiéter de ses oeuvres, il est évident qu'il ne peut avoir, après la mort, aucun démêlé avec la justice divine, qui ne doit tenir compte que de son audacieuse et imperturbable confiance dans la vertu rédemptrice de celui dont il exploite les mérites bien qu'il ait violé tous ses commandements. Mais il est évident aussi que la négation qui découle de ces principes, inventés pour des scélérats, est odieuse autant qu'absurde... Elle est inintelligente et barbare, car rien n'est plus conforme à la raison que la doctrine de l'Église sur le purgatoire et rien de plus consolant pour le coeur... Pour le protestantisme il n'y a à la dernière heure que l'effroyable perspective du tout ou rien. Impossible de compter sur le ciel, lorsqu'on voit qu'on a été misérable toute sa vie et qu'on n'a offert à Dieu qu'un repentir tardif, sans avoir réparé tant d'offenses. Alors il ne reste plus que la perspective de la malédiction ».

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LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


On peut objecter que ces suites du péché ne restent pas chez ceux qui ont bien reçu l'extrême-onction, car ce sacrement a pour effet d'enlever les restes du péché. Il faut répondre que tous ceux qui meurent en état de grâce ne reçoivent pas l'extrême-onction, plusieurs ne la reçoivent pas dans les conditions voulues, et puis, comme le montre saint Thomas ( Supplément, q. 30, a. 1, ad 2 m.) « l'extrême-onction (ayant pour but de fortifier l'âme pour le combat de l'agonie), diminue la faiblesse de l'âme de telle façon que les habitudes désordonnées, suites des péchés déjà remis, ne puissent pas nous nuire au moment suprême ». Mais ces habitudes restent encore comme de la rouille dans nos facultés, et il faut donc après la mort une purification qui en délivre, car rien de souillé n'entre dans la gloire.

Telles sont les raisons théologiques de la nécessité et de l'existence du purgatoire : il y a souvent une peine temporaire à subir pour les péchés déjà remis ; à cela s'ajoute bien des fois des péchés véniels non encore remis, et les habitudes défectueuses qui sont comme les restes des péchés déjà pardonnés. Ces habitudes défectueuses acquises sur la terre disparaissent par la mort dans leur élément sensitif, mais elles restent comme dispositions désordonnées de la volonté. De ces trois raisons, la principale est la première, et elle est, croyons-nous, démonstrative, de par les principes révélés sur lesquels elle repose. (Lire Imit., I, c. 24 : Du jugement et des peines des pécheurs).

CHAPITRE IV

NATURE DE LA PEINE PRINCIPALE DU PURGATOIRE : LE RETARD DE LA VISION BÉATIFIQUE


Selon la doctrine commune, la peine principale du purgatoire est le retard ou la dilation de la vision béatifique, de l'éternelle béatitude, dont jouissent les saints au ciel. Ce retard a été quelquefois appelé peine du dam temporaire et improprement dite par comparaison avec la peine du dam éternelle qui est celle de l'enfer.

Il y a entre les deux une immense différence au point de vue de leur durée, de la rigueur et des suites tandis que les damnés n'ont plus d'espoir, ont perdu toute charité, blasphèment sans cesse contre Dieu qu'ils haïssent, ont une volonté obstinée dans le mal, ne se repentent jamais de leur péché comme faute et désirent la damnation de tous, les âmes du purgatoire ont une espérance assurée, une charité inamissible, elles adorent Dieu, source de tout bien, elles ont même le culte de la justice divine, elles sont confirmées dans le bien, se repentent profondément de leurs péchés comme faute et offense à Dieu, et elles ont une vraie charité pour tous les enfants de Dieu et ceux encore appelés à le devenir.

Il faut remarquer aussi que le retard de la vision béatifique diffère notablement de celui qui existait dans les limbes avant la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Pour les justes qui avaient personnellement satisfait à la justice divine, comme Abraham, Isaac, Jacob, le saint homme Job, Moïse, les prophètes, ce retard n'était pas une peine proprement dite par rapport à leur personne, mais seulement par rapport à la nature humaine, qui n'était pas encore parfaitement régénérée ; le temps de la délivrance par le Christ rédempteur n'était pas encore arrivé.

Au contraire il est maintenant révolu, aussi le retard de la vision béatifique est vraiment une peine pour les âmes du purgatoire, et, selon la tradition, la principale de leurs peines.

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