La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou

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amidelamisericorde
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CHAPITRE II

Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
De la pensée de saint Thomas sur L'Immaculée Conception

Saint Thomas n'examine pas dans la Somme la ques­tion : Marie a-t-elle été sanctifiée à l'instant même de l'animation. Saint Bonaventure avait ainsi posé le pro­blème et avait répondu négativement. Saint Thomas ne se prononce pas ; il s'inspire probablement en cela de l'attitude réservée de l'Eglise romaine qui ne célébrait pas la fête de la Conception célébrée en d'autres églises (cf. ibid., ad 3) Telle est du moins l'interprétation du P. N. del Prado, O. P., Santo Tomas y la Immaculada, Vergara, 1909. du P. Mandonnet, O. P., Dict. Théol. cath., art. Frères Prêcheurs, col. 899, et du P. Hugon, Tracta­tus dogmatici, t. II, ed. 5°, 1927, p. 749. Pour ces auteurs, la pensée du saint docteur, même en cette seconde période de sa carrière professorale, était celle exprimée longtemps après par Grégoire XV dans ses lettres du 4 juillet 1622 : « Spiritus Sanctus nondum tanti mysterii arcanum Eccle­siae suae patefecit. »

Les principes invoqués par saint Thomas ne concluent pas du tout contre le privilège, et ils subsistent parfaitement si l'on admet la rédemption, préservatrice.

On objecte cependant un texte difficile qui se trouve in III Sent., dist. III, q. 1, a. 1, ad 2am qm : « Sed nec etiam in ipso instanti infusionis (animae), ut scil. per gratiam tunc sibi infusam conservaretur ne culpam originalem incurreret. Christus enim hoc singulariter in humano genere habet, ut redemptione non egeat. » Le P. del Prado et le P. Hugon, loc. cit., répondent : « Le sens peut être la Sainte Vierge n'a pas été préservée de telle façon qu'elle ne devait pas encourir la tache originelle, car elle n'aurait pas eu besoin de rédemption. » On souhaiterait évidemment la distinction explicite entre le debitum incurrendi et le fait d'encourir la tache originelle.

Dans la dernière période de sa carrière, en 1272 ou 1273, saint Thomas, lorsqu'il écrit 'lExpositio super sala­latione angelica, qui est certainement authentique, dit : « Ipsa enim (beata Virgo) purissima fuit et quantum ad culpam, quia nec originale, nec mortale, nec veniale peccatum incurrit. »

Cf. J. F. Rossi, C. M., S. Thomae Aquinatis Expositio salutationis angelicae, Introductio et textus. Divus Tho­mas (Pl.), 1931, pp. 445-479. Tiré à part, Piacenza, Colle­gio Alberoni, 1931 (Monografie del Collegio Alberoni, II), in-8. Dans cette édition critique du Commentaire de l'Ave Maria, il est montré, pp. 11-15, que le passage cité relatif à l'Immaculée Conception se trouve dans seize manuscrits sur dix-neuf consultés par l'éditeur, qui conclut à son authenticité, et qui donne en appendice des photographies des principaux manuscrits.

Il serait souhaitable qu'on donnât sur chacun des prin­cipaux opuscules de saint Thomas une étude aussi cons­ciencieuse.Ce texte, malgré les objections faites par le P. P. Sy­nave, paraît bien être authentique. S'il en est ainsi, saint Thomas, à la fin de sa vie, après mûre réflexion, serait revenu à l'affirmation du privilège qu'il avait d'a­bord donnée dans le I Sent., dist. 44, q. 1, a. 3, ad 3, selon l'inclination sans doute de sa piété envers la Mère de Dieu. On peut noter aussi d'autres indices de ce retour à sa première manière de voir.
Cette évolution, du reste, n'est pas rare chez les grands théologiens, qui, portés par la Tradition, affirment par­fois d'abord un point de doctrine sans en voir encore tou­tes les difficultés ; il leur arrive d'être ensuite plus réser­vés, et finalement la réflexion les ramène à leur point de départ lorsqu'ils se disent que les dons de Dieu sont plus riches qu'il ne nous paraît, et qu'il ne faut pas les limiter sans de justes raisons. Or, nous l'avons vu, les principes invoqués par saint Thomas ne concluent pas contre le privilège, et même ils y conduisent lorsqu'on parvient à l'idée explicite de rédemption préservatrice.

Récemment, le P. J.-M. Vosté, O. P., Commentarius in IIIam P. Summae theol. S. Thomae (in q. 27, a. 2), 2° ed., Romae, 1940, accepte l'interprétation de J.-F. Rossi et tient lui aussi que saint Thomas, à la fin de sa vie, est revenu après réflexion à l'affirmation du privilège qu'il avait exprimée au début de sa carrière théologique.. Il est du moins sérieusement probable qu'il en est ainsi.

Source : Livres-mystiques.com

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Article III
- MARIE A ÉTÉ EXEMPTE DE TOUTE FAUTE, MÊME VÉNIELLE ?


Le Concile de Trente, sess. VI, can. 23 (Denz., 833), a défini que « l'homme, une fois justifié, ne peut continuel­lement éviter, dans tout le cours de sa vie, tous les péchés véniels, sans un privilège spécial, comme celui que l'E­glise reconnaît avoir été concédé à la Sainte Vierge ». Le juste peut éviter chacun des péchés véniels pris à part, mais il ne peut les éviter tous pris dans leur ensemble en s'en préservant continuellement. Au contraire, Marie a évité de fait toute faute même légère. Saint Augustin affirme que « pour l'honneur de son Fils, qui devait remettre les péchés du monde, il ne saurait être question d'elle, quand il s'agit du péché ». Les Pères et les théologiens écartent même, par leur façon de parler de Marie, toute imperfection volontaire, car, selon eux, elle n'a jamais été moins prompte à répondre à une inspira­tion divine donnée par manière de conseil. Une moindre générosité n'est pas un mal, comme le péché véniel, c'est seulement un moindre bien, une imperfection ; or cela même n'a pas existé en Marie. Il n'y a pas eu chez elle d'acte imparfait (remissus) de charité, inférieur en inten­sité au degré où cette vertu existait en elle.

Saint Thomas donne la raison de ce privilège spécial lorsqu'il dit : « Ceux que Dieu lui-même choisit dans un but déterminé, il les prépare et les dispose de telle sorte qu'ils soient capables d'accomplir ce pour quoi ils ont été choisis » En cela Dieu diffère des hommes, qui choisissent souvent des incapables ou des médiocres pour des fonctions parfois fort élevées. « Ainsi, continue saint Thomas, saint Paul dit des apôtres (II Cor., III, 6) : « C'est Dieu qui nous a rendus capables d'être ministres d'une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l'esprit. » Or la bienheureuse Vierge fut choisie divinement pour être la Mère de Dieu (c'est-à-dire qu'elle fut de toute éternité prédestinée d'abord à la maternité divine). Et donc on ne saurait douter que Dieu, par sa grâce, l'a rendue apte à cette mission, selon ces paroles qui lui furent adressées par l'ange (Luc, I, 30) : « Vous avez trouvé grâce devant Dieu.

Voici que vous concevrez en votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. » Mais Marie n'aurait pas été la digne Mère de Dieu si elle avait quelquefois péché, car l'honneur et aussi le déshon­neur des parents rejaillit sur leurs enfants, selon ces paroles des Proverbes. XVII. 6 : « Les pères sont la gloire de leurs fils. » De plus, Marie avait une affinité toute spéciale avec le Christ, qui par elle s'est incarné, et « quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial ? » (II Cor., VI, 15). Enfin le Fils de Dieu, qui est la divine Sagesse, a habité en Marie d'une façon très spéciale, non seulement dans son âme, mais dans son sein ; et il est dit (Sagesse, I, 4) : « La Sagesse n'entre pas dans une âme qui médite le mal, et n'habite pas dans un corps esclave du péché. » Et donc il faut dire purement et simplement que la bienheureuse Vierge n'a commis aucun péché actuel, ni mortel, ni véniel, de telle sorte que s'est pleinement vérifiée en elle la parole du Cantique des cantiques, IV, 7 : « Tu es toute belle, mon amie, et il n'y a pas de tache en toi. » Ainsi s'exprime saint Thomas.

Il y a eu ainsi en Marie impeccance (comme on dit inerrance) ou absence de péché, et même impeccabilité, non pas au même titre que dans le Christ, mais en ce sens que par un privilège spécial elle a été préservée de tout péché, même vénie.

Ce privilège suppose d'abord un très haut degré de grâce habituelle et de charité, qui incline très fortement l'âme à l'acte d'amour de Dieu en l'éloignant du péché. Il suppose en outre la confirmation en grâce qui d'habi­tude, chez les saints, se fait par une grande augmentation de charité, celle surtout de l'union transformante, aug­mentation accompagnée de grâces actuelles efficaces qui préservent de fait du péché et portent à des actes libres et méritoires toujours plus élevés. Il y a eu ainsi en Marie une assistance spéciale de la Providence, qui, mieux encore que dans l'état d'innocence, préservait toutes ses facultés de déviation et qui, même dans les circonstances les plus douloureuses, gardaient son âme dans la plus par­faite générosité. Cette assistance préservatrice était un effet de la prédestination de Marie, comme la confirma­tion en grâce est un effet de la prédestination des saints.

Source : Livres-mystiques.com

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Article III
- MARIE A ÉTÉ EXEMPTE DE TOUTE FAUTE, MÊME VÉNIELLE ?


Cette préservation du péché, loin de diminuer la liberté ou le libre arbitre de Marie, faisait qu'elle avait la pleine liberté dans l'ordre du bien sans aucune déviation vers le mal, comme son intelligence ne déviait jamais vers l'erreur. Ainsi sa liberté, à l'exemple de celle de la sainte âme de Jésus, était une image très pure de la liberté de Dieu, qui est à la fois souveraine et impeccable.

Si les chefs-d'œuvre de l'art humain, en architecture, en peinture, en musique, si les instruments de précision des laboratoires atteignent la dernière perfection, que penser des chefs-d'œuvres de Dieu ? Et si ses œuvres d'or­dre naturels sont si parfaites, comme le montrent les beau­tés de l'océan, celles des hautes montagnes, ou, dans un autre ordre la structure de l'oeil, celle de l'oreille, mieux encore nos facultés supérieures, sans parler des intelli­gences angéliques de plus en plus élevées, que dire de ses chefs-d'œuvres d'ordre surnaturel, comme le fut la sainte âme de Marie ornée de tous les dons gratuits, dès le pre­mier moment de son existence.

NOTE - Le problème de l'imperfection distincte du péché véniel

Ce problème a été déplacé par les casuistes, il se pose dans un domaine supérieur, celui où vivent des personnes intérieures déjà avancées, très attentives à éviter tous péché véniel plus ou moins délibéré, et il a été transporté indûment dans un domaine notablement inférieur, on a alors eu le tort d'appeler imperfection ce qui, en réalité, est un péché véniel.

D'autres fois on a trop rapproché ce problème de celui-ci : la vocation religieuse oblige-t-elle, peut-on s'y soustraire sans péché, par simple imperfection ?

On répond communément à bon droit, la vocation religieuse de soi n'oblige pas, mais de fait connue elle porte sur toute la vie, et comme les autres voies sont moins sûres, on ne s'y soustrait pas sans péché, car on ne s'y soustrait de fait, comme le jeune homme riche droit Parle l'Evangile, que par un attachement immodéré aux choses terrestres (attachement immo­déré défendu déjà par un précepte) et non pas seulement par une moindre générosité.

Le problème de l'imperfection distincte du péché véniel doit se poser dans le domaine élevé où vivent des âmes très généreuses qui sont très décidées à éviter tout péché véniel plus ou moins délibéré, et plus encore il se pose à propos de l'impeccabilité du Christ et du privilège spécial par lequel Marie a été préservée de tout péché si léger soit-il.

On pose alors la question : dans la vie du Christ et de la Sainte Vierge y a-t-il eu quelque imperfec­tion volontaire. On saisit déjà qu'il s'agit d'une question très déli­cate.

A ce dernier problème on répond communément : dans la vie du Christ et de sa sainte Mère, il n'y a jamais eu d'imperfection plus ou moins volontaire, car ils n'ont jamais été moins prompts à suivre une inspiration divine donnée par manière de conseil.

Mais s'il y avait eu de temps en temps en eux cette moindre promptitude, ce n'eut pas été pourtant un désordre proprement dit comme l'attachement immodéré aux biens terrestres, mais ç'eut été seulement une moindre générosité.

Pour les âmes intérieures, tant qu'elles n'ont pas fait le vœu du plus parfait, on peut et on doit dire qu'elles ne sont pas obli­gées sous peine de péché véniel au maximum de générosité qui est moralement possible pour elles à chaque instant.

Il convient pourtant que, sans s'y astreindre par le voeu de plus parfait sous peine de péché véniel, les meilleures promettent à la Sainte Vierge de faire toujours ce qui leur apparaîtra évidemment plus parfait pour elles.

Source : Livres-mystiques.com

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Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE


La grâce habituelle, que reçut la bienheureuse Vierge à l'instant même de la création de sa sainte âme, fut une plénitude, en laquelle se vérifiait déjà ce que l'ange devait dire le jour de l'Annonciation : « Je vous salue, pleine de grâce. » C'est ce qu'affirme avec la Tradition Pie IX en définissant le dogme de l'Immaculée Conception. Il dit même que Marie, dès le premier instant, « a été aimée par Dieu plus que toutes les créatures « prae creaturis universis », qu'il s'est pleinement complu en elle, et qu'il l'a comblée admirablement de toutes ses grâces, beaucoup plus que tous les esprits angéliques et que tous les saints ».

On pourrait citer ici sur ce point de nom­breux témoignages de la Tradition.
Saint Thomas explique la raison de cette plénitude initiale de grâce lorsqu'il dit : « Plus on approche d'un principe (de vérité et de vie), plus on participe à ses effets.

C'est pourquoi Denys affirme (De caelestia hierarchia, c. 4) que les anges, qui sont plus près de Dieu que les hommes, participent davantage à ses bontés. Or le Christ est le principe de la vie de la grâce ; comme Dieu, il en est la cause principale, et comme homme (après nous l'avoir méritée), il nous la transmet, car son humanité est comme un instrument toujours uni à la divinité : « La grâce et la vérité nous sont venues par lui » (Jean, I, 17). La bien­heureuse Vierge Marie, étant plus près du Christ que per­sonne, puisqu'il a pris en elle son humanité, a donc reçu de lui une plénitude de grâce qui dépasse celle des autres créatures. »

Saint Jean-Baptiste et Jérémie furent aussi, selon le témoignage de l'Ecriture, sanctifiés dans le sein de leur mère, mais sans être préservés du péché originel ; Marie, dès le premier instant, reçut la grâce sanctifiante à un degré très supérieur à eux, avec le privilège spécial d'être préservée à l'avenir de toute faute même vénielle, ce qui n'est affirmé d'aucun saint.

Dans son Explication de l'Ave Maria, saint Thomas décrit la plénitude de grâce en Marie (ce qui se vérifie déjà dans la plénitude initiale) de la façon suivante :
Tandis que les anges ne manifestent pas leur respect aux hommes, parce qu'ils leur sont supérieurs comme esprits purs et comme vivant surnaturellement dans la sainte familiarité de Dieu, l'archange Gabriel, en saluant Marie, se montra plein de respect et de vénération pour elle, car il comprit qu'elle le dépassait par la plénitude de grâce, par l'intimité divine avec le Très-Haut et par une parfaite pureté.

Elle avait reçu en effet la plénitude de grâce à un triple point de vue : pour éviter tout péché, si léger soit-il, et pratiquer éminemment toutes les vertus; pour que cette plénitude débordât de son âme sur son corps et qu'elle conçût le Fils de Dieu fait homme; pour que cette pléni­tude débordât aussi sur tous les hommes et pour qu'elle nous aidât dans la pratique de toutes les vertus.

De plus, elle dépassait les anges par sa sainte familiarité avec le Très-Haut, c'est pourquoi l'archange Gabriel en la saluant lui dit : « Le Seigneur est avec vous », comme s'il lui disait vous êtes plus intime que moi avec Dieu, car il va devenir votre Fils, tandis que je ne suis que son serviteur. De fait, comme Mère de Dieu,, Marie a une intimité plus étroite que les anges avec le Père, le Fils et l'Esprit-Saint.

Enfin elle dépassait les anges par sa pureté, bien qu'ils soient purs esprits, car elle n'était pas seulement très pure en elle-même, mais elle donnait déjà la pureté aux autres. Non seulement elle était exempte du péché originel et de toute faute soit mortelle, soit vénielle, mais aussi de la malédiction due au péché : « Tu enfanteras dans la douleur... et tu retourneras en poussière » (Gén. III, 16, 19). Elle concevra le Fils de Dieu sans perdre la virginité, elle le portera dans un saint recueillement, elle l'enfantera dans la joie, elle sera préservée de la corrup­tion du tombeau et associée par l'Assomption à l'Ascension du Sauveur.

Source : Livres-mystiques.com

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Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE


Elle est déjà bénie entre toutes les femmes, parce qu'elle seule, avec son Fils et par lui, enlèvera la malédic­tion qui pesait sur la race humaine, et elle nous portera la bénédiction en nous ouvrant les portes du ciel. C'est pourquoi elle est appelée l'Etoile de la mer qui dirige les chrétiens vers le port de l'éternité.

L'ange lui dira : « Le fruit de vos entrailles est béni. » Tandis que, en effet, le pécheur cherche dans ce qu'il désire ce qu'il ne peut pas y trouver, le juste trouve tout en ce qu'il désire saintement. A ce point de vue, le fruit des entrailles de Marie sera trois fois béni.
Eve a désiré le fruit défendu, pour avoir « la science du bien et du mal » et savoir se conduire seule, sans avoir besoin d'obéir ; elle a été séduite par le mensonge : « Vous serez comme des dieux » ; et loin de devenir semblable à Dieu, elle s'est éloignée et détournée de lui. Au contraire, Marie trouvera tout dans le fruit béni de ses entrailles ; en lui elle trouvera Dieu même et nous le fera trouver.

Eve, en cédant à la tentation, a désiré la délectation et a trouvé la douleur. Au contraire, Marie trouve et nous fait trouver la joie et le salut en son divin Fils.

Enfin le fruit désiré par Eve n'avait qu'une beauté sen­sible, tandis que le fruit des entrailles de Marie est la splendeur de la gloire spirituelle et éternelle du Père. La Vierge elle-même est bénie, mais plus encore son Fils qui apporte à tous les hommes la bénédiction et le salut.

Ainsi parle saint Thomas de la plénitude de grâce en Marie en son Commentaire de l'Ave Maria ; il vise surtout la plénitude réalisée le jour de l'Annonciation, mais cela s'applique déjà dans une mesure à la plénitude initiale, comme ce qui est dit du fleuve s'applique à la source dont il procède.

Comparaison de la grâce initiale de Marie à celle des saints

O
n s'est demandé si la grâce initiale de Marie fut plus grande que la grâce finale de chacun des anges et des hommes, et même que la grâce finale de tous les anges et de tous les saints pris ensemble. Et l'on a généralement entendu cette question, non pas précisément de la grâce consommée du ciel, mais de celle qui est dite finale en tant qu'elle précède immédiatement l'entrée au ciel.

A la première partie de cette question, les théologiens répondent communément d'une façon affirmative, c'est en particulier l'avis de saint Jean Damascène, de Sua­rez, de Justin de Miéchow, O. P., de Ch. Véga, de Contenson, de saint Alphonse, des P. Terrien[99], Godts, Hugon, Merkelbach, etc.. Aujourd'hui, tous les ouvrages de mariologie sont unanimes sur ce point, con­sidéré comme certain, et c'est même exprimé par Pie IX dans la bulle Ineffabilis Deus, au passage que nous venons de citer un peu plus haut.

La raison principale est prise de la Maternité divine, motif de tous les privilèges de Marie, et cette raison se présente sous deux aspects, suivant qu'on considère la fin à laquelle la première grâce fut ordonnée en elle, ou l'amour divin qui en a été la cause.

La première grâce a été en effet accordée à Marie comme une digne préparation à la maternité divine, ou pour la préparer à être la digne Mère du Sauveur, dit saint Thomas (q. 27, a. 5, ad 2). Or la grâce même con­sommée des autres saints n'est pas encore une digne pré­paration à la maternité divine, qui appartient à l'ordre hypostatique ou d'union au Verbe. La première grâce en Marie dépasse donc déjà la grâce consommée des autres saints.

Aussi de pieux auteurs expriment cette vérité en accommodant ces paroles du Psaume LXXXVI : « Funda­menta ejus in montibus sanctis », ils l'entendent ainsi ce qui est le sommet de la perfection des autres saints n'est pas encore le commencement de la sainteté de Marie.

Source : Livres-mystiques.com

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Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE

Comparaison de la grâce initiale de Marie à celle des saints


Cette même raison apparaît sous un autre aspect en considérant l'amour incréé de Dieu pour la Sainte Vierge. Comme la grâce est l'effet de l'amour actif de Dieu qui nous rend ainsi aimables à ses yeux, tels des enfants adoptifs, une personne reçoit la grâce d'autant plus abon­damment qu'elle est plus aimée par Dieu. Or Marie, dès le premier instant, en sa qualité de future Mère de Dieu, est plus aimée de lui que n'importe quel saint même parvenu au terme de sa vie, et plus qu'aucun ange. Elle a donc reçu dès le premier instant une grâce supérieure.

Cela ne fait aucun doute et n'est plus discuté aujour­d'hui.


La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?

Quelques théologiens l'ont nié, parmi les anciens et parmi les modernes[100]. Cependant, il est au moins très probable sinon certain, selon la majorité des théologiens, qu'il faut répondre affirmativement avec Ch. Véga, Contenson, saint Alphonse, Godts, Monsabré, Tanquerey, Billot, Sinibaldi, Hugon, L. Janssens, Merkelbach, etc. Il y a d'abord un argument d'autorité.

Pie IX, dans la bulle Ineffabilis Deus, favorise très ma­nifestement cette doctrine lorsqu'il dit dans le passage déjà cité[101] : « Deus ab initio... unigenito Filio suo Ma­trem... elegit atque ordinavit, tantoque prae creaturis uni­versis est prosecutus aurore, ut in illa una sibi propensis­sima voluntate complacuerit. Quapropter illam longe ante omnes angelicos Spiritus, cunctosque Sanctos caelestium omnium charismatum copia de thesauro Divinitatis de­prompta ita mirifice cumulavit, ut... eam innocentiae et sanctitatis plenitudinem prae se ferret, et quae major sub Deo nullatenus intelligitur, et quam praeter Deum nemo assequi cogitando potest. »

Selon le sens obvie, toutes ces expressions, spécialement celle-ci « cunctos sanctos », signifient que la grâce en Marie, dès le premier instant dont il est parlé à cet endroit, dépassait celle de tous les saints ensemble; si Pie IX avait voulu dire que la grâce en Marie dépassait celle de chacun des saints, il aurait écrit « longe ante quemlibet angelum et sanctum » et non pas « longe ante omnes angelicos spiritus cunctosque sanctos ».

Il n'aurait pas dit non plus que Dieu a aimé Marie plus que toutes les créatures, « prae creaturis universis », et qu'il s'est plus complu en elle seule, « ut in illa una sibi propensissima voluntate complacuerit ».

On ne peut pas dire qu'il ne s'agit pas du premier instant, car Pie IX, sitôt après le passage cité, dit : « Decebat omnino ut beatissima Virgo Maria perfectissimae sanc­titatis splendoribus semper ornata fulgeret. »

Un peu plus loin, dans la même bulle, il est dit que, selon les Pères, Marie est supérieure par la grâce aux Chérubins, aux Séraphins et à toute l'armée des anges, « omni exercitu angelorum », c'est-à-dire à tous les anges réunis. C'est concédé par tous s'il s'agit de Marie au ciel, mais il faut se rappeler que le degré de gloire céleste est proportionné au degré de charité du moment de la mort, et que celui-ci en Marie était proportionné lui-même à la dignité de Mère de Dieu, à laquelle la Sainte Vierge fut préparée dès le premier instant.

A cet argument d'autorité tiré de la bulle Ineffabilis Deus, il faut ajouter deux raisons théologiques qui pré­cisent celles que nous avons exposées un peu plus haut, et qui sont prises de la maternité divine, suivant qu'on considère la fin à laquelle la première grâce fut ordon­née, ou l'amour incréé qui en a été la cause.

Source : Livres-mystiques.com

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- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE

La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?

Pour bien entendre ces deux raisons théologiques, il faut d'abord remarquer que, bien que la grâce soit de l'or­dre de la qualité et non pas de celui de la quantité, du fait que la plénitude initiale en Marie dépasse la grâce consommée du plus grand des saints, il n'est pas immé­diatement évident pour tous qu'elle dépasse celle de tous les saints réunis. La vue de l'aigle comme qualité ou puissance dépasse celle de l'homme qui a les meilleurs yeux, mais elle ne lui permet cependant pas de voir ce que voient l'ensemble des hommes répandus à la surface de la terre. Il est vrai qu'il se mêle ici une question de quantité ou d'étendue et de distance, ce qui n'arrive pas lorsqu'il s'agit d'une pure qualité immatérielle comme la grâce. Il convient pourtant d'ajouter ici une précision nouvelle sous les deux aspects déjà indiqués.

1° La première grâce en Marie, puisqu'elle la préparait à être la digne Mère de Dieu, devait étre déjà proportion­née au moins de façon éloignée à la maternité divine. Or la grâce finale de tous les saints, même pris ensemble, n'est pas encore proportionnée à la dignité de Mère de Dieu, qui est d'ordre hypostatique, comme nous l'avons vu. Et donc la grâce finale de tous les saints même pris ensemble est inférieure à la première grâce reçue par Marie.

Cet argument parait être en lui-mème certain, quoi­que certains théologiens n'aient pas saisi toute sa portée. On a objecté : la première grâce en Marie n'est pas encore une préparation prochaine à la maternité divine; aussi la preuve n'est-elle pas concluante.

Beaucoup de théologiens ont répondu : quoique la première grâce en Marie ne soit pas une préparation pro­chaine à la maternité divine, elle en est cependant une préparation digne et proportionnée, selon l'expression de saint Thomas, IIIa, q. 27, a. 5, ad 2 : « Prima quidem (perfectio gratiae) quasi dispositiva, per quam beatissima Virgo reddebatur idonea ad hoc quod esset Mater Christi. » Or la grâce consommée de tous les saints en­semble n'est pas encore proportionnée à la maternité divine qui est de l'ordre hypostatique. La preuve conserve donc sa valeur.

2° La personne qui est plus aimée par Dieu que toutes les créatures ensemble reçoit une plus grande grâce que toutes ces créatures réunies, car la grâce est l'effet de l'amour incréé et lui est proportionnée. Comme le dit saint Thomas, Ia, q. 20, a. 4 : « Dieu aime plus celui-ci que celui-là, en tant qu'il lui veut un bien supérieur, car la volonté divine est cause du bien qui est dans les créa­tures. » Or, de toute éternité, Dieu a aimé Marie plus que toutes les créatures ensemble, comme celle qu'il devait préparer dès le premier instant de sa conception à être la digne Mère du Sauveur. Selon l'expression de Bossuet : « Il a toujours aimé Marie comme Mère, il l'a considérée comme telle dès le premier moment qu'elle fut con­çue. »

Cela n'exclut pas d'ailleurs en Marie le progrès de la sainteté ou l'augmentation de la grâce, car celle-ci, étant une participation de la nature divine, peut toujours aug­menter et reste toujours finie ; même la plénitude finale de grâce en Marie est limitée, quoiqu'elle déborde sur toutes les âmes.

A ces deux raisons théologiques relatives à la mater­nité divine s'ajoute une confirmation importante qui apparaîtra de plus en plus en parlant de la médiation universelle de Marie. Elle pouvait en effet dès ici-bas et dès qu'elle a pu mériter et prier, plus obtenir par ses mérites et ses prières que tous les saints ensemble, car ils n'obtiennent rien sans la médiation universelle de la Sainte Vierge qui est comme l'aqueduc des grâces ou, dans le Corps mystique, comme le cou par lequel les membres sont unis à la tête. Bref, Marie, dès qu'elle put mériter et prier, pouvait sans les saints obtenir plus que tous les saints ensemble sans elle. Or le degré du mérite correspond au degré de la charité et de la grâce sancti­fiante. Marie a donc reçu dès le début de sa vie un degré de grâce supérieur à celui que possédaient immédiate­ment avant leur entrée au ciel tous les saints et tous les anges réunis.

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Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE

La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?


C'est concédé par tous s'il s'agit de Marie au ciel, mais il faut se rappeler que le degré de gloire céleste est proportionné au degré de charité du moment de la mort, et que celui-ci en Marie était proportionné lui-même à la dignité de Mère de Dieu, à laquelle la Sainte Vierge fut préparée dès le premier instant.

A cet argument d'autorité tiré de la bulle Ineffabilis Deus, il faut ajouter deux raisons théologiques qui pré­cisent celles que nous avons exposées un peu plus haut, et qui sont prises de la maternité divine, suivant qu'on considère la fin à laquelle la première grâce fut ordon­née, ou l'amour incréé qui en a été la cause.

Pour bien entendre ces deux raisons théologiques, il faut d'abord remarquer que, bien que la grâce soit de l'or­dre de la qualité et non pas de celui de la quantité, du fait que la plénitude initiale en Marie dépasse la grâce consommée du plus grand des saints, il n'est pas immé­diatement évident pour tous qu'elle dépasse celle de tous les saints réunis.

La vue de l'aigle comme qualité ou puissance dépasse celle de l'homme qui a les meilleurs yeux, mais elle ne lui permet cependant pas de voir ce que voient l'ensemble des hommes répandus à la surface de la terre. Il est vrai qu'il se mêle ici une question de quantité ou d'étendue et de distance, ce qui n'arrive pas lorsqu'il s'agit d'une pure qualité immatérielle comme la grâce. Il convient pourtant d'ajouter ici une précision nouvelle sous les deux aspects déjà indiqués.

1° La première grâce en Marie, puisqu'elle la préparait à être la digne Mère de Dieu, devait étre déjà proportion­née au moins de façon éloignée à la maternité divine. Or la grâce finale de tous les saints, même pris ensemble, n'est pas encore proportionnée à la dignité de Mère de Dieu, qui est d'ordre hypostatique, comme nous l'avons vu. Et donc la grâce finale de tous les saints même pris ensemble est inférieure à la première grâce reçue par Marie.

Cet argument parait être en lui-mème certain, quoi­que certains théologiens n'aient pas saisi toute sa portée.

On a objecté : la première grâce en Marie n'est pas encore une préparation prochaine à la maternité divine; aussi la preuve n'est-elle pas concluante.

Beaucoup de théologiens ont répondu : quoique la première grâce en Marie ne soit pas une préparation pro­chaine à la maternité divine, elle en est cependant une préparation digne et proportionnée, selon l'expression de saint Thomas, IIIa, q. 27, a. 5, ad 2 : « Prima quidem (perfectio gratiae) quasi dispositiva, per quam beatissima Virgo reddebatur idonea ad hoc quod esset Mater Christi. » Or la grâce consommée de tous les saints en­semble n'est pas encore proportionnée à la maternité divine qui est de l'ordre hypostatique. La preuve conserve donc sa valeur.

2° La personne qui est plus aimée par Dieu que toutes les créatures ensemble reçoit une plus grande grâce que toutes ces créatures réunies, car la grâce est l'effet de l'amour incréé et lui est proportionnée. Comme le dit saint Thomas, Ia, q. 20, a. 4 : « Dieu aime plus celui-ci que celui-là, en tant qu'il lui veut un bien supérieur, car la volonté divine est cause du bien qui est dans les créa­tures. »

Or, de toute éternité, Dieu a aimé Marie plus que toutes les créatures ensemble, comme celle qu'il devait préparer dès le premier instant de sa conception à être la digne Mère du Sauveur. Selon l'expression de Bossuet : « Il a toujours aimé Marie comme Mère, il l'a considérée comme telle dès le premier moment qu'elle fut con­çue. »

Cela n'exclut pas d'ailleurs en Marie le progrès de la sainteté ou l'augmentation de la grâce, car celle-ci, étant une participation de la nature divine, peut toujours aug­menter et reste toujours finie ; même la plénitude finale de grâce en Marie est limitée, quoiqu'elle déborde sur toutes les âmes.

Source : Livres-mystiques.com

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Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE

La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?


A ces deux raisons théologiques relatives à la mater­nité divine s'ajoute une confirmation importante qui apparaîtra de plus en plus en parlant de la médiation universelle de Marie. Elle pouvait en effet dès ici-bas et dès qu'elle a pu mériter et prier, plus obtenir par ses mérites et ses prières que tous les saints ensemble, car ils n'obtiennent rien sans la médiation universelle de la Sainte Vierge qui est comme l'aqueduc des grâces ou, dans le Corps mystique, comme le cou par lequel les membres sont unis à la tête.

Bref, Marie, dès qu'elle put mériter et prier, pouvait sans les saints obtenir plus que tous les saints ensemble sans elle. Or le degré du mérite correspond au degré de la charité et de la grâce sancti­fiante. Marie a donc reçu dès le début de sa vie un degré de grâce supérieur à celui que possédaient immédiate­ment avant leur entrée au ciel tous les saints et tous les anges réunis.

Il y a d'autres confirmations indirectes ou des analo­gies plus ou moins éloignées : une pierre précieuse comme le diamant vaut plus que quantité d'autres pierres réu­nies. De même dans l'ordre spirituel, un saint comme le Curé d'Ars pouvait plus par sa prière et ses mérites que tous ses paroissiens pris ensemble. Un fondateur d'ordre comme un saint Benoît vaut plus à lui seul par la grâce divine qu'il a reçue et que tous ses premiers compagnons, car tous réunis ils n'auraient pu faire cette fondation sans lui, tandis que lui aurait pu trouver d'autres frères comme ceux venus à lui dans la suite.

On a donné aussi d'autres analogies, l'intelligence d'un archange dépasse celle de tous les anges inférieurs à lui pris ensemble. La valeur intellectuelle d'un saint Thomas dépasse celle de tous ses commentateurs réunis. La puissance d'un roi est supérieure non seulement à celle de son premier ministre, mais à celle de tous ses ministres ensemble.

Si les anciens théologiens n'ont pas explicitement traité cette question, c'est très probablement parce que la solu­tion leur paraissait évidente. Ils disaient par exemple, à la fin du traité de la grâce ou de celui de la charité, pour en montrer la dignité tandis qu'une pièce de dix francs ne vaut pas plus que dix d'un franc, une grâce ou une charité de dix talents vaut beaucoup plus que dix cha­rités d'un seul talent, c'est pourquoi le démon cher­che à maintenir dans la médiocrité des âmes qui, par la vocation sacerdotale ou religieuse, sont appelées très haut, il veut empêcher ce plein développement de la cha­rité, qui ferait beaucoup plus de bien qu'une charité infé­ieure simplement multipliée à son degré très commun où elle s'accompagne de tiédeur.

Il faut faire ici attention à l'ordre de la pure qualité immatérielle qui est celui de la grâce sanctifiante. Si la vue de l'aigle ne dépasse pas celle de tous les hommes réunis, c'est qu'il se mêle ici une question de quantité ou de distance locale, du fait que les hommes répandus en différentes régions à la surface de la terre peuvent voir ce que l'aigle placé sur un sommet des Alpes ne peut atteindre. Il en est autrement dans l'ordre de la pure qualité.

Si cela est vrai, il n'est pas douteux que Marie, par la première grâce qui la disposait déjà à la maternité divine, valait plus aux yeux de Dieu que tous les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges réunis, qui se sont succédé et se succéderont dans l'Eglise, plus que toutes âmes et que tous les anges créés depuis l'origine du monde.

Si l'art humain fait des merveilles de précision et de beauté, que ne peut faire l'art divin dans la créature de prédilection, dont il est dit : « Elegit eam Deus et prae­elegit eam », et qui a été élevée, dit la liturgie, au-dessus de tous les choeurs des anges.

La première grâce reçue par elle était déjà une digne préparation à sa maternité divine et à sa gloire exceptionelle qui vient immédiate­ment au-dessous de celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Elle a souffert, du reste, comme lui, à proportion, car elle devait être victime avec lui, pour être victorieuse aussi avec lui et par lui.

Source : Livres-mystiques.com

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Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE

La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?


Ces raisons théologiques nous permettent d'entrevoir déjà toute l'élévation et la richesse de la première grâce en Marie.

Si les chefs-d'œuvre de la littérature classique, grecque, latine, française et des autres langues, contiennent beau­coup plus de beautés qu'on ne le croirait à première lec­ture lorsqu'on les lit entre quinze et vingt ans, si ces beautés ne nous apparaissent que lorsque nous reprenons la lecture de ces œuvres à un âge plus avancé ; s'il en est de même des écrits d'un saint Augustin ou d'un saint Thomas, que penser des beautés cachées dans les chefs-­d'œuvre de Dieu même, dans ceux composés immédiate­ment par lui, et en particulier dans ce chef-d'œuvre spiri­tuel de nature et de grâce qu'est la très sainte âme de Marie, Mère de Dieu !

On est porté d'abord à affirmer la ri­chesse de la plénitude initiale de grâce en elle à raison de sa beauté entrevue ; il arrive ensuite qu'un se demande si l'on n'a pas forcé la note, en transformant une probabi­lité en certitude ; finalement une étude approfondie nous ramène à la première affirmation, mais en connaissance de cause, non plus seulement parce que c'est beau, mais parce que c'est vrai, et parce qu'il y a là des convenances non seulement théoriques, mais des convenances qui ont effectivement motivé le choix divin et dans lesquelles s'est reposé le bon plaisir de Dieu.

Article V - LES SUITES DE LA PLÉNITUDE INITIALE DE GRÂCE

De la plénitude initiale de grâce en Marie dérivèrent dès l'instant de sa conception les vertus infuses et les sept dons du Saint-Esprit, qui sont les diverses parties ou fonctions de l'organisme spirituel. La grâce habituelle ou sanctifiante est même appelée à cause de cela, dès avant saint Thomas, « la grâce des vertus et des dons », car les vertus infuses, théologales et morales, dérivent d'elle à titre de propriétés et selon un degré proportionné au sien, comme les facultés procèdent de l'âme. Les sept dons en dérivent aussi selon le même degré, à titre de dispositions infuses permanentes qui rendent l'âme promptement docile aux inspirations du Saint-Esprit, un peu comme la barque est docile par ses voiles à l'impulsion du vent favorable.

De plus, les vertus infuses et les dons sont connexes avec la charité qui rend leurs actes méritoires, et ils grandissent avec elle comme les cinq doigts de la main se développent ensemble. Il se peut bien que les dons de sagesse, d'intelligence et de science, qui sont à la fois spéculatifs et pratiques, apparaissent davantage en tel saint sous une forme plus nettement contemplative, et dans un autre sous une forme plus pratique, mais nor­malement, en toute âme en état de grâce, toutes les ver­tus infuses et les sept dons existent à un degré propor­tionné à celui de la charité, qui correspond lui-même au degré de la grâce sanctifiante.

De ces principes généralement reçus et exposés dans le traité des vertus en général et des dons, on déduit com­munément qu'en Marie, dès le premier instant de sa conception, de la plénitude initiale de grâce sanctifiante dérivèrent, selon un degré proportionné, les vertus infu­ses théologales et morales et les sept dons.

Marie, ainsi déjà préparée à sa destinée de Mère de Dieu et de Mère de tous les hommes, ne devait pas être certes moins par­faite qu'Eve à sa création. Quoiqu'elle n'eût pas reçu en son corps les privilèges de l'impassibilité et de l'immor­talité, elle avait dans son âme tout ce qui appartenait spi­rituellement à l'état de justice originelle et plus encore, puisque la plenitude initiale de la grâce en elle dépassait déjà la grâce finale de tous les saints réunis; ses vertus initiales dépassaient donc les vertus héroïques des plus grands saints.

Sa foi, éclairée par les dons de sagesse, d'intelligence et de science, était d'une fermeté inébranlable, de la plus grande pénétration ; son espérance était invincible, supérieure à tout mouvement de présomption ou de découragement ; sa charité très ardente dès la première minute. Bref, sa sainteté initiale, qui dépassait celle des plus grands serviteurs de Dieu, était innée et ne devait pas cesser de grandir jusqu'à sa mort.

Source : Livres-mystiques.com

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Article V - LES SUITES DE LA PLÉNITUDE INITIALE DE GRÂCE

La seule difficulté qui se rencontre ici est celle relative à l'exercice de ces vertus infuses déjà si élevées et des sept dons; cet exercice suppose l'usage de la raison et du libre arbitre; on doit donc se demander si Marie a eu dès le premier instant l'usage de ses facultés.

Tous les théologiens l'accordent s'il s'agit de la sainte âme du Christ, ils reconnaissent même qu'il a eu dès ce premier instant la vision béatifique ou vision immédiate de l'essence divine, et le Saint Office, le 6 juin 1918, a déclaré cette doctrine certaine. Jésus en effet, en sa qualité de chef de l'ordre de la grâce, jouis­sait dès le premier instant de la gloire qu'il devait donner aux élus et c'était en lui une conséquence de l'union per­sonnelle de son humanité au Verbe.

Il avait aussi la science infuse à la manière des anges à un degré supé­rieur à celui où cette science infuse a existé chez plu­sieurs saints, chez ceux par exemple qui avaient le don des langues sans les avoir apprises. Les théologiens reconnaissent même que ces deux sciences ont été par­faites en Jésus dès le début, car le progrès n'a convenu qu'à sa science acquise par l'expérience et la réflexion. Jésus, souverain prêtre, juge et roi de l'univers, dés son entrée dans le monde s'est offert pour nous, dit saint Paul, et a connu tout ce qui, dans le passé, le présent ou l'avenir, pouvait être soumis à son jugement.

On distingue enfin, à propos du Sauveur, la science de soi infuse (per se infusa) qui atteint un objet inaccessible à la science acquise, et qui peut s'exercer sans le concours de l'imagination dès le sein maternel, alors qu'aucune image n'a été reçue du monde extérieur, et puis la science accidentellement infuse (per accidens infusa), dont l'ob­jet n'est pas inaccessible à la science acquise et qui s'exerce avec le concours de l'imagination, comme le don des langues qu'on aurait pu apprendre avec le temps.
Sur ces points, l'accord existe généralement entre théo­logiens, quand il s'agit du Christ lui-même.

Pour Marie, rien ne permet d'affirmer qu'elle a eu la vision béatifique dès ici-bas, surtout dès le premier ins­tant. Mais beaucoup de théologiens soutiennent qu'elle a eu dès ce moment la science de soi infuse (per se infusa) au moins de façon transitoire, et d'autres disent d'une façon permanente. De la sorte, elle aurait eu dès le sein maternel, au moins à certains moments, l'usage de l'in­telligence et du libre arbitre, et par suite celui des ver­tus infuses et des dons qu'elle possédait déjà à un degré très élevé. On ne peut même le nier sans supposer qu'en Marie l'intelligence, la liberté et les vertus infuses sont restées en quelque sorte endormies comme chez les autres enfants et ne se sont éveillées que plus tard à l'âge ordinaire du plein usage de la raison.

Tout d'abord il est au moins très probable, selon la grande majorité des théologiens que Marie a eu dès le premier instant de sa conception l'usage du libre arbitre par science infuse au moins de façon transitoire. Ainsi pensent saint Vincent Ferrier, saint Bernardin de Sienne, saint François de Sales, saint Alphonse, et aussi Suarez, Véga, Contenson, Justin de Miéchow, avec eux communément les théologiens modernes. Le P. Terrien déclare même n'avoir trouvé que deux adversaires de cette doctrine : Gerson et Mura­tori. Les raisons alléguées en faveur de ce privilège sont les suivantes :

1° Il ne convient pas que Marie, reine des patriarches, des prophètes, des apôtres, de tous les saints, ait été pri­vée d'un privilège qui a été accordé à saint Jean Bap­tiste. Or, en saint Luc, I, 41 et 44, il est dit de lui, lorsqu'il était encore dans le sein de sa mère : « Dès qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein », et Elisabeth dit elle-même : « Votre voix, lorsque vous m'avez saluée, n'a pas plus tôt frappé mes oreilles, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein, exultavit infans in gaudio. »

Saint Irénée, saint Ambroise, saint Léon le Grand et saint Gré­goire le Grand ont remarqué que la joie de Jean Baptiste, avant sa naissance, n'était pas seulement d'ordre sensi­ble, mais qu'elle était provoquée par la venue du Sau­veur dont il devait être le précurseur. Aussi Cajetan ajoute : cette joie d'ordre spirituel supposait une con­naissance et l'usage du libre arbitre ; or à ce moment il ne pouvait être question de connaissance acquise, mais de connaissance infuse. L'Eglise dit aussi dans sa liturgie, à l'hymne des vêpres de saint Jean Baptiste : « Senseras Regem thalamo manentem... Suae regenera­tionis cognovit auctorem : Tu as reconnus ton roi et l'au­teur de ta régénération. »

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Article V - LES SUITES DE LA PLÉNITUDE INITIALE DE GRÂCE

Si donc saint Jean Baptiste a eu, avant sa naissance, l'usage de l'intelligence et du libre arbitre, comme pré­curseur du Christ, on ne saurait le refuser à celle qui devait être la Mère de Dieu.

2° Puisque Marie a reçu dès le premier instant la grâce, les vertus infuses et les dons à un degré supérieur à la grâce finale de tous les saints, elle a dû être justifiée comme il convient aux adultes, c'est-à-dire avec l'usage du libre arbitre, en se disposant par une grâce actuelle à la grâce habituelle et en méritant par cette dernière dès l'instant de sa réception ; c'est-à-dire que, dans la mesure de sa connaissance, elle s'est déjà offerte à Dieu, comme son Fils « en entrant en ce monde dit à son Père : Me voici, je viens, que votre volonté soit faite et non la mienne » (Hébr., X, 5-9). Marie ne savait certainement pas alors qu'elle serait un jour la Mère de Dieu, mais elle a pu s'offrir à tout ce que le Seigneur voulait d'elle et lui demanderait dans la suite.

3° La plénitude initiale de grâce, des vertus infuses et des dons, qui dépassait déjà la grâce finale de tous les saints, n'a pas dû rester inactive, inopérante en Marie au début de sa vie. Cela paraît contraire à la façon très suave et surabondante avec laquelle la Providence opère très spécialement à l'égard de la Mère du Sauveur. Or, sans l'usage du libre arbitre par, connaissance infuse, les vertus et les dons existant déjà à un degré éminent seraient restés inactifs et comme stériles pendant une période assez longue de la vie de la Sainte Vierge.

Aussi presque tous les théologiens reconnaissent au­jourd'hui qu'il est au moins très probable que Marie a eu dès le sein de sa mère l'usage du libre arbitre par science infuse au moins de façon transitoire.

Ils reconnaissent de même qu'elle a eu l'usage de cette science infuse en certaines circonstances plus notables, comme au moment de l'Incarnation, de la Passion, de la Résurrection du Sauveur, de son Ascension, et aussi pour avoir une con­naissance plus parfaite des perfections divines et du mystère de la Sainte Trinité.

Si la science infuse a été accordée aux apôtres à la Pentecôte quand ils reçurent le don des langues et la connaissance plus profonde de la doctrine du Christ, si sainte Thérèse, arrivée à la VII° Demeure du Château intérieur, jouissait souvent d'une vision intellectuelle de la Sainte Trinité, qui ne s'explique que par des idées infuses, on ne saurait refu­ser cette faveur à la Mère de Dieu, dont la plénitude ini­tiale de grâce dépassait déjà la grâce finale de tous les saints réunis.

Ainsi parlent généralement les théologiens, même ceux qui sont le plus attentifs à ne rien avancer que sur de très sérieuses raisons.

C'est le moins qu'on puisse dire de la Mère de Dieu qui a joui de l'apparition de l'archange Gabriel, de la sainte familiarité du Verbe fait chair, qui a été constamment éclairée par lui pendant tout le cours de sa vie cachée, qui a dû recevoir pendant et après la Passion des révéla­tions spéciales et, au jour de la Pentecôte, l'abondance des lumières du Saint-Esprit plus que les apôtres eux mêmes.

Ce privilège en Marie de l'usage de la raison, et du libre arbitre dès le sein maternel a-t-il été seulement transitoire et interrompu ?

Selon saint François de Sales, saint.Alphonse, des théologiens comme Sauvé, Terrien, Hugon, etc., ce privilège n'a pas été interrompu. Le P. Merkelbach, avec quelques autres, dit au contraire : rien ne permet d'affirmer qu'il a été permanent.

Nous répondrons : rien ne permet d'affirmer cette per­manence avec certitude, mais elle est sérieusement pro­bable et il est bien difficile de la nier. En effet, s'il en était autrement, Marie, une fois privée de ce privilège, eût été moins parfaite qu'au premier instant, et il ne paraît pas convenable qu'une si sainte créature ait pu en quelque sorte déchoir sans sa faute, d'autant plus que sa dignité demandait qu'elle marchât sans cesse de progrès en pro­grès, et que son mérite ne fût pas interrompu.

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Article V - LES SUITES DE LA PLÉNITUDE INITIALE DE GRÂCE

Ce privilège en Marie de l'usage de la raison, et du libre arbitre dès le sein maternel a-t-il été seulement transitoire et interrompu ?


On a objecté que saint Thomas paraît nier ce privi­lège, en disant qu'il est propre au Christ.

Il est certain que l'exercice permanent de l'intelligence et de la volonté est dans le Christ seul comme un « droit propre » et comme suite de la vision béatifique; c'est à ce titre, son apanage exclusif. Pour Marie, il n'est pas dû au même titre, mais de hautes convenance et la seule dignité de future Mère de Dieu paraissent le demander et inclinent sérieusement à l'admettre.

De plus, comme à l'époque de saint Thomas, le privilège de l'Immaculée Conception n'était pas encore mis en pleine lumière, on n'avait pas encore approfondi les raisons qui viennent d'étre invoquées en faveur de l'usage, dès le sein mater­nel, du libre arbitre.

Aujourd'hui, après la bulle Ineffabilis Deus, nous voyons mieux que Marie, dès le pre­mier instant, a été plus comblée de grâces que tous les saints réunis ; aussi presque tous les théologiens admet­tent en elle dès ce moment l'usage au moins transitoire du libre arbitre, et, après l'avoir admis, il est bien difficile de dire, qu'elle en a été ensuite privée, car elle serait devenue moins parfaite et non seulement elle n'aurait pas en cette période progressé dans le mérite, mais celui­-ci aurait été interrompu et la plénitude initiale de grâce serait restée pendant un temps assez long improductive et comme stérile, ce qui paraît contraire à la Providence spéciale qui a veillé fortiter et suaviter sur Marie plus que sur toute autre créature.

Telle a été en elle la plénitude initiale de grâce, unie au privilège de l'Immaculée Conception, et telles ont été les premières conséquences de cette plénitude.

Nous voyons ainsi de mieux en mieux le sens de la salutation de l'ange : « Je vous salue, pleine de grâce. »

CHAPITRE III

- La plénitude de grâce à l'instant de l'Incarnation et après


Dans ce chapitre nous parlerons du progrès spirituel en Marie jusqu'à l'Annonciation, de l'augmentation con­sidérable de la grâce en elle à l'instant de l'Incarnation, de sa virginité perpétuelle, puis de l'accroissement de la charité en elle dans la suite, à certaines heures plus im­portantes, surtout au Calvaire ; enfin de l'intelligence de Marie, de sa sagesse, de ses principales vertus et de ses charismes ou grâces dites gratuitement données et en quelque sorte extérieures comme la prophétie et le dis­cernement des esprits.

Article I - LE PROGRÈS SPIRITUEL EN MARIE JUSQU'A L'ANNONCIATION

La méthode que nous suivons nous oblige à insister sur les principes pour rappeler leur certitude et leur élé­vation, de façon à les appliquer sûrement ensuite à la vie spirituelle de la Mère de Dieu.

Le progrès spirituel est avant tout celui de la charité, qui inspire, anime les autres vertus et rend leurs actes méritoires, si bien que toutes les autres vertus infuses, étant connexes avec elle, se développent proportionnelle­ment, comme chez l'enfant, dit saint Thomas, grandissent ensemble les cinq doigts de la main.

Il convient donc de voir pourquoi et comment la cha­rité s'est constamment développée ici-bas en Marie, et quel a été le rythme de ce progrès.

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CHAPITRE III

Article I - LE PROGRÈS SPIRITUEL EN MARIE JUSQU'A L'ANNONCIATION

L'accélération de ce progrès en la Sainte Vierge


Pourquoi la charité a-t-elle dû incessamment grandir en elle jusqu'à la mort ? - Tout d'abord parce que c'est conforme à la nature même de la charité au cours du voyage vers l'éternité et conforme aussi au précepte su­prême : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit », selon la gradation ascendante exprimée dans le Deutéronome, VI, 4, et en saint Luc, X, 27. Selon ce pré­cepte, qui domine tous les autres et tous les conseils, tous les chrétiens, chacun selon sa condition, doivent tendre à la perfection de la charité et par suite des autres vertus, celui-ci dans l'état du mariage, celui-là dans l'é­tat religieux ou dans la vie sacerdotale.

Tous ne sont pas tenus à la pratique des trois conseils évangéliques, mais ils doivent aspirer à avoir l'esprit des conseils, qui est l'esprit de détachement des biens terrestres et de soi-même, pour que grandisse en nous l'attachement à Dieu.

C'est seulement en Notre-Séigneur qu'il n'y a pas eu augmentation ou progrès de la grâce et de la charité, parce qu'il en avait reçu, dès l'instant de sa conception, la plénitude absolue, conséquence de l'union hypostatique, si bien que le II° Concile de Constantinople affirme que Jésus n'est pas devenu meilleur par le progrès des bon­nes œuvres, quoiqu'il ait successivement accompli les actes de vertus correspondants aux différents âges de la vie.

Marie, au contraire, est toujours devenue meilleure au cours de sa vie terrestre. Bien plus, il y a eu en son pro­grès spirituel une accélération merveilleuse selon un prin­cipe qui a été formulé par saint Thomas à propos de cette parole de l'Epitre aux Hébreux, X, 25 : « Exhortons-nous les uns les autres, et cela d'autant plus que vous voyez approcher le jour. »

Le Docteur angélique écrit dans son Commentaire sur cette Epitre en cet endroit : « Quel­qu'un pourrait demander : Pourquoi devons-nous ainsi progresser toujours davantage dans la foi et dans l'a­mour ? C'est que le mouvement naturel (ou connaturel) devient d'autant plus rapide qu'il se rapproche de son terme (de la fin qui attire). C'est l'inverse pour le mouve­ment violent. (De fait nous disons aujourd'hui : la chute des corps est uniformément accélérée, tandis que le mou­vement inverse d'une pierre lancée en l'air verticalement est uniformément retardé.)

Or, continue saint Thomas, la grâce perfectionne et incline au bien à la manière de la nature (comme une seconde nature) ; il s'ensuit donc que ceux qui sont en état de grâce doivent d'autant plus gran­dir dans la charité qu'ils se rapprochent de leur fin der­nière (et qu'ils sont plus attirés par elle). C'est pourquoi il est dit en cette Epitre aux Hébreux, X, 25 : « Ne déser­tons pas nos assemblées..., mais exhortons-nous les uns les autres, et cela d'autant plus que vous voyez approcher le jour », c'est-à-dire le terme du voyage. Il est dit ail­leurs : « La nuit est avancée, le jour approche » (Rom., XIII, 12). « Le chemin des justes est comme la brillante lumière du matin dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour » (Prov., IV, 18).

Saint Thomas a fait cette remarque profonde d'une façon très simple, avant la découverte de la loi de la gravitation universelle, lorsqu'on ne connaissait encore que de façon très imparfaite, sans l'avoir mesurée, l'ac­célération de la chute des corps ; il y a vu tout de suite un symbole de ce que doit être l'accélération du progrès de l'amour de Dieu dans l'âme des saints qui gravitent vers le soleil des esprits et la source de tout bien.

Le saint docteur veut dire que, pour les saints, l'inten­sité de leur vie spirituelle s'accentue de plus en plus, ils se portent d'autant plus promptement et généreusement vers Dieu qu'ils se rapprochent de Lui et qu'ils sont plus attirés par Lui. Telle est, dans l'ordre spirituel, la loi de l'attraction universelle. Comme les corps s'attirent, en raison directe de leur masse, et en raison inverse du carré de leur distance, c'est-à-dire d'autant plus qu'ils se rapprochent, ainsi les âmes justes sont attirées par Dieu d'autant plus qu'elles se rapprochent de Lui.

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CHAPITRE III

Article I - LE PROGRÈS SPIRITUEL EN MARIE JUSQU'A L'ANNONCIATION

L'accélération de ce progrès en la Sainte Vierge


C'est pourquoi la trajectoire du mouvement spirituel de l'âme des saints s'élève jusqu'au zénith et ne descend plus ; il n'y a pas pour eux de crépuscule ; c'est seulement le corps et les facultés sensibles, qui, avec la vieillesse, s'affaiblissent. Dans la vie des saints, le progrès de l'amour est même, c'est manifeste, beaucoup plus rapide, pendant leurs dernières années, que pendant les premières. Ils marchent spirituellement, non pas d'un pas égal, mais d'un pas plus pressé, malgré l'appesantissement de la vieillesse; et « leur jeunesse spirituelle se renouvelle comme celle de l'aigle » (Ps. CII, 5).

Ce progrès toujours plus rapide exista surtout dans la vie de la Très Sainte Vierge sur la terre, car, en elle, il ne rencontrait aucun obstacle, aucun arrêt ou ralentisse­ment, aucun attardement aux choses terrestres ou à elle-même. Et ce progrès spirituel en Marie était d'autant plus intense que la vitesse initiale ou la grâce première avait été plus grande. Il y eut ainsi en Marie (surtout si, comme il est probable, par la science infuse, elle garda l'usage de la liberté et le mérite pendant le sommeil) une accélération merveilleuse de l'amour de Dieu, accéléra­tion dont celle de la gravitation des corps est une image fort lointaine.

La physique moderne enseigne que si la vitesse de la chute d'un corps à la première seconde est de vingt, à la deuxième elle est de quarante, à la troisième de soixante, à la quatrième de quatre-vingts, à la cinquième de cent. C'est le mouvement uniformément accéléré, symbole du progrès spirituel de la charité dans une âme que rien ne retarde, et qui se porte d'autant plus vite vers Dieu que, se rapprochant de Lui, elle est plus attirée par Lui. Ainsi en cette âme, chaque communion spirituelle ou sacra­mentelle est normalement plus fervente d'une ferveur de volonté que la précédente, et donc plus fructueuse.

Par opposition, le mouvement d'une pierre lancée en l'air verticalement, étant uniformément retardé jusqu'à ce qu'elle retombe, symbolise le progrès d'une âme tiède, surtout si par une attache progressive au péché véniel, ses communions sont de moins en moins ferventes ou faites avec une dévotion substantielle de volonté qui diminue de jour en jour.

Ces principes nous montrent ce qu'a dû être le progrès spirituel en Marie, depuis l'instant de l'Immaculée Conception, surtout si elle a eu, comme il est probable, l'u­sage ininterrompu du libre arbitre dès le sein mater­ne.

Comme il paraît certain par ailleurs que la plé­nitude initiale de grâce en elle dépassait déjà la grâce finale de tous les saints réunis, l'accélération de cette marche ascendante vers Dieu dépasse tout ce que nous pouvons dire. Rien ne la retardait, ni les suites du péché originel, ni aucun péché véniel, aucune négligence ou distraction, ni aucune imperfection, puisqu'elle ne fut jamais moins prompte à suivre une inspiration donnée par manière de conseil. Telle une âme qui, après avoir fait le vœu du plus parfait, y serait pleinement fidèle.

Sainte Anne devait être frappée de la perfection singu­lière de sa sainte enfant ; mais elle ne pouvait cependant pas soupçonner qu'elle était l'Immaculée Conception, ni qu'elle était appelée à être la Mère de Dieu. Sa fille était incomparablement plus aimée de Dieu que sainte Anne ne le pensait.

Toute proportion gardée, chaque juste est beaucoup plus aimé de Dieu qu'il ne le pense ; pour le savoir, il faudrait connaître pleinement le prix de la grâce sanctifiante, germe de la gloire, et pour connaître tout le prix de ce germe spirituel, il faudrait avoir joui, un instant de la béatitude céleste, tout comme pour con­naitre le prix du germe contenu dans un gland il faut ­avoir contemplé un chêne pleinement développé qui nor­malement provient de ce germe si petit. Les grandes cho­ses sont souvent contenues dans une semence presque imperceptible comme le grain de sénevé, tel un fleuve immense qui provient d'un faible ruisseau.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III

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Le progrès spirituel en Marie par le mérite et la prière


La charité devait donc incessamment grandir en la Sainte Vierge conformément au précepte suprême de l'a­mour. Mais comment, par quels moyens a-t-elle augmenté ? - Par le mérite, la prière et une communion spirituelle à Dieu spirituellement présent dans l'âme de Marie dès le début de son existence.

Il faut rappeler d'abord que la charité n'augmente pas précisément en extension, car, à son degré infime, elle aime déjà Dieu par-dessus tout d'un amour d'estime, et le prochain comme nous-même, sans exclure personne, quoique ensuite le dévouement s'étende progressivement.

C'est surtout en intensité que la charité grandit, en s'en­racinant de plus en plus dans notre volonté, ou, pour par­ler sans métaphore, en déterminant davantage l'inclina­tion de celle-ci à s'éloigner de ce qui est mal et aussi de ce qui est moins bon, et à se porter généreusement vers Dieu.

C'est un accroissement d'ordre, non pas quantitatif, comme celui d'une pile de blé, mais qualitatif, comme lorsque la chaleur devient plus intense, ou lorsque la science, sans s'étendre à des conclusions nouvelles, de­vient plus pénétrante, plus profonde, plus unifiée, plus certaine.

Ainsi la charité tend à aimer plus parfaitement, plus purement ef plus fortement Dieu par-dessus tout et le prochain et nous-même pour que tous nous glorifiions Dieu dans le temps et l'éternité.

L'objet formel et le motif formel de la charité, comme celui des autres vertus, est ainsi mis de plus en plus en relief au-dessus de tout motif secondaire ou accessoire auquel on s'arrêtait trop tout d'abord.

Au début, on aime Dieu à cause de ses bien­faits reçus et espérés et pas assez pour lui-même, ensuite on considère davantage que le bienfaiteur est bien meil­leur en lui-même que tous les biens qui dérivent de lui, et qu'il merite d'être aimé pour lui-même à cause de son infinie bonté.

La charité augmente donc en nous comme une qualité, comme la chaleur qui devient plus intense, et cela de plu­sieurs manières, par le mérite, la prière, les sacrements. A plus forte raison en fut-il de même en Marie et sans aucune imperfection.

L'acte méritoire, qui procède de la charité ou d'une vertu inspirée par elle, donne droit à une récompense surnaturelle et tout d'abord à une augmentation de la grâce habituelle et de la charité elle-même. Les actes méritoires ne produisent pas par eux-mêmes directement l'augmentation de la charité, car elle n'est pas une vertu acquise produite et augmentée par la répétition des actes, mais une vertu infuse.

Comme Dieu seul peut la pro­duire, puisqu'elle est une participation de sa vie intime, lui seul aussi peut l'augmenter. C'est pourquoi saint Paul dit (I Cor., III, 6, 9) : « Moi j'ai planté (par la prédication et le baptême), Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître. » II Cor., IX, 10 : « II fera croître de plus en plus les fruits de votre justice. »

Si nos actes de charité ne peuvent produire l'augmen­tation de cette vertu infuse, ils concourent à cette aug­mentation de deux manières : moralement, en la méri­tant; et physiquement dans l'ordre spirituel, en nous dis­posant à la recevoir.

L'âme, par ses mérites, a droit à recevoir cet accroissement qui lui fera aimer son Dieu plus purement et plus fortement, et elle se dispose à rece­voir cet accroissement, en ce sens que les actes méritoires creusent en quelque sorte nos facultés supérieures, les dilatent, pour que la vie divine puisse les mieux péné­trer, et ils les élèvent en les purifiant.

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Le progrès spirituel en Marie par le mérite et la prière


Mais, en nous, il arrive souvent que les actes méritoi­res restent imparfaits, remissi, disent les théologiens, rémittents, comme on dit chaleur rémittente, ferveur rémittente, c'est-à-dire inférieurs au degré où la vertu de charité est en nous.

En ayant une charité de trois talents, il nous arrive souvent d'agir comme si nous rien avions que deux, comme un homme assez intelligent, qui par négligence n'appliquerait que très faiblement son intelligence. Ces actes de charité imparfaits ou rémittents sont encore méritoires, mais, selon saint Thomas et les anciens théologiens, ils n'obtiennent pas aussitôt l'aug­mentation de charité qu'ils méritent, parce qu'ils ne disposent pas encore à la recevoir[143]. Celui qui, ayant une charité de trois talents, opère seulement comme s'il n'en avait que deux, ne se dispose, pas à recevoir aussitôt une augmentation de cette vertu jusqu'à quatre talents. Il ne l'obtiendra que lorsqu'il fera un acte plus généreux ou plus intense de cette vertu ou des autres vertus inspirées ou impérées par la charité.

Ces principes éclairent beaucoup ce qu'a été en Marie le progrès spirituel par ses propres mérites. En elle, il n`y a jamais eu d'acte méritoire imparfait ou rémittent ; c'eût été une imperfection morale, une moindre généro­sité au service de Dieu, et les théologiens, nous l'avons vu, s'accordent à nier en elle cette imperfection. Ses mérites obtenaient donc aussitôt l'augmentation de charité méritée.

De plus, pour mieux voir le prix de cette générosité, il faut se rappeler, comme on l'enseigne communémen, que Dieu est plus glorifié par un seul acte de charité de six talents que par dix actes de charité d'un seul talent.

De même, un seul juste très parfait plait plus à Dieu que beaucoup d'autres réunis, qui restent dans la médiocrité ou une tiédeur relative. La qualité l'emporte sur la quantité, surtout en ce domaine spirituel.

Les mérites de Marie étaient donc toujours plus par­faits ; son cœur très pur se dilatait pour ainsi dire de plus en plus et sa capacité divine s'agrandissait, selon la parole du Psaume CXVIII, 32 : « J'ai couru dans la voie de vos commandements, Seigneur, lorsque vous avez dilaté mon cœur. »

Tandis que nous oublions souvent que nous sommes en voyage vers l'éternité, et que nous cherchons à nous installer dans la vie présente comme si elle devait tou­jours durer, Marie ne cessait d'avoir les yeux fixés sur la fin ultime du voyage, sur Dieu même, et elle ne per­dait pas une minute du temps qui lui était donné. Cha­cun des instants de sa vie terrestre entrait ainsi, par les mérites accumulés et toujours plus parfaits, dans l'uni­que instant de l'immobile éternité. Elle voyait les moments de sa vie non pas seulement sur la ligne horizon­tale du temps par rapport à l'avenir terrestre, mais sur la ligne verticale qui les rattache tous à l'instant éternel qui ne passe pas.

Il faut remarquer en outre que, comme l'enseigne saint Thomas, il n'y a pas dans la réalité concrète de la vie d'acte délibéré indifférent ; si tel acte est indifférent (c'est­-à-dire ni moralement bon ni moralement mauvais) par son objet, comme aller se promener ou enseigner les mathématiques, ce même acte est soit moralement bon, soit moralement mauvais par la fin pour laquelle on le pose, car un être raisonnable doit toujours agir pour un motif raisonnable, pour une fin honnête, et non pas seulement délectable ou utile. Il s'ensuit que dans une personne en état de grâce, tout acte délibéré qui n'est pas mauvais, qui n'est pas un péché, est bon; il est par suite virtuellement ordonné à Dieu, fin dernière du juste, et il est donc méritoire. « In habentibus caritatem omnis actus est meritorius vel demeritorius. »

Il résulte de là qu'en Marie tous ses actes délibérés étaient bons et méritoires, et, dans l'état de veille, il n'y a pas eu en elle d'acte indélibéré ou purement machinal, qui se serait pro­duit indépendamment de la direction de l'intelligence et de l'influence de sa volonté vivifiée par la charité.

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Le progrès spirituel en Marie par le mérite et la prière


C'est à la lumière de ces principes certains qu'il faut considérer surtout les moments principaux de la vie ter­restre de Marie, et, puisque nous parlons ici de ceux qui ont précédé l'Incarnation du Verbe, pensons à sa présen­tation au temple, lorsqu'elle était encore toute enfant, et aux actes qu'elle fit en y assistant aux grandes fêtes où on lisait les prophéties messianiques, notamment celles d'Isaïe, qui augmentaient sa foi, son espérance, son amour de Dieu et l'attente du Messie promis.

A quel degré pénétrait-elle déjà ces paroles du prophète (Isaie, IX, 5) sur le Sauveur à venir : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l'empire a été posé sur ses épau­les, et on lui donne pour nom : Conseiller admirable, Dieu fort, Père éternel, Prince de la paix. » La foi vive de Marie enfant, déjà si élevée, devait saisir cette parole, « Dieu fort », mieux qu'Isaie lui-même ne l'avait enten­due.

Elle pénétrait déjà cette vérité que, dans cet enfant, résidera la plénitude des forces divines, et que le Messie sera un roi éternel, qui ne meurt pas et qui sera toujours le père de son peuple.

La vie de la grâce ne s'accroît pas seulement par le mérite, mais aussi par la prière qui a une force impé­tratoire distincte. C'est ainsi que nous demandons tous les jours de grandir dans l'amour de Dieu en disant « Notre Père, qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanc­tifié, que votre règne arrive (de plus en plus en nous), que votre volonté soit faite (que vos préceptes soient obser­vés par nous de mieux en mieux.. » L'Eglise nous fait dire aussi à la messe : « Da nobis, Domine, fidei, spei et caritatis augmentum. » Augmentez, Seigneur, notre foi, notre espérance et notre charité (XIIIe Dim. après la Pentecôte).

Après la justification, le juste peut donc obtenir l'ac­croissement de la vie de la grâce, et par le mérite, qui a rapport à la justice divine, comme un droit à une récom­pense, et par la prière, qui s'adresse à l'infinie Miséri­corde.

Et la prière est d'autant plus efficace qu'elle est plus humble, plus confiante, plus persévérante et qu'elle demande d'abord, non pas les biens temporels, mais augmentation des vertus, selon la parole : « Cherchez d'a­bord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît. » Ainsi le juste, par une prière fervente, qui est à la fois impétratoire et méritoire, obtient souvent aussitôt plus qu'il ne mérite, c'est-à-dire non seu­lement l'augmentation de charité méritée, mais celle qui s'obtient spécialement par la force impétratoire de la prière distincte du mérite.

Dans le silence de la nuit, une oraison fervente, qui est en même temps une prière de demande et un mérite, obtient souvent aussitôt une très notable augmentation de charité, qui fait parfois expérimenter que Dieu est immensément bon ; il y a la une communion spirituelle qui a une saveur de vie éternelle.

Or la prière de Marie, dès son enfance, était non seule­ment très méritoire, mais elle avait une force impétra­toire que nous ne saurions apprécier ; car elle était pro­portionnée à son humilité, à sa confiance, à la persévé­rance de sa générosité non interrompue et toujours en progrès. Elle obtenait ainsi constamment, d'après ces principes très certains, un amour de Dieu toujours plus pur et plus fort.

Elle obtenait aussi les grâces actuelles efficaces, qui ne sauraient être méritées, au moins d'un mérite de condi­gnité, comme celle qui porte à de nouveaux actes méri­toires, et comme l'inspiration spéciale, qui est le prin­cipe, par les dons, de la contemplation infuse.

C'est ce qui arrivait lorsque Marie disait, en priant, ces paroles du livre de la Sagesse, VII, 7 : « J'ai invoqué le Seigneur, et l'esprit de sagesse est venu en moi. Je l'ai préférée aux sceptres et aux couronnes, et j'ai estimé de nul prix les richesses auprès d'elle. Tout l'or du monde n'est auprès d'elle qu'un peu de sable, et l'argent, à côté d'elle, ne vaut pas plus que de la boue. »

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Le progrès spirituel en Marie par le mérite et la prière


Le Seigneur venait ainsi la nourrir spirituellement, de lui-même et se donnait chaque jour plus intimement à elle, en la portant à se donner plus parfaitement à lui.

Mieux que personne après Jésus, elle a dit cette parole du Psaume XXVII, 4 : « Unam petii a Domino, hanc requiram, ut inhabitem in domo Domini : Je demande au Seigneur une chose et je la désire ardemment : c'est d'habiter dans sa maison tous les jours de ma vie et de jouir de sa bonté. » Chaque jour, elle voyait mieux que Dieu est infiniment bon pour ceux qui le cherchent et plus encore pour ceux qui le trouvent.

Avant l'institution de l'Eucharistie et même avant l'Incarnation, il y eut ainsi en Marie la communion spi­rituelle, qui est l'oraison très simple et très intime de l'âme arrivée à la vie unitive où elle jouit de Dieu présent en elle comme en un temple spirituel : « Gustate et videte quoniam suavis est Dominus : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux » (Ps. XXXIII, 9).

S'il est dit dans le Psaume XLI, 2 : « Comme le cerf soupire après les eaux vives, ainsi mon âme soupire après toi, ô mon Dieu. Mon âme a soif du Dieu vivant », que dut être cette soif spirituelle en la Sainte Vierge, depuis l'instant de sa conception immaculée jusqu'à celui de l'Incarnation.

Ce progrès de la charité, dit saint Thomas, ne lui a pas fait mériter l'Incarnation, qui est le principe de tous les mérites depuis le péché d'Adam, mais il lui a fait mériter peu à peu (par la première grâce qui provenait des mérites futurs de son Fils) le degré éminent de cha­rité d'humilité et de pureté qui, au jour de l'Annoncia­tion, a fait d'elle la digne Mère du Sauveur.

Elle n'a pas mérité non plus la maternité divine, elle aurait ainsi mérité l'Incarnation elle-même; mais elle a mérité le degré de sainteté et de charité qui était la dis­position prochaine à la maternité divine. Or si la dispo­sition éloignée, qui était la plénitude intiale de grâce, dépassait déjà la grâce finale de tous les saints réunis, que penser de la perfection de cette disposition pro­chaine !

Les années vécues par Marie au temple ont activé en elle le développement de « la grâce des vertus et des dons » en des proportions dont nous ne pouvons nous faire une idée, selon une progression et une accélération qui dépasse de beaucoup celle des âmes les plus géné­reuses et des plus grands saints.

Sans doute on pourrait exagérer en attribuant à la Sainte Vierge une perfection qui n'appartient qu'à son Fils, mais, en restant dans sa ligne à elle, nous ne saurons nous faire une idée de l'élévation du point de départ de son progrès spirituel, et encore moins de l'élévation du point d'arrivée.

Ce que nous venons de dire nous prépare cependant à saisir dans une mesure ce que dut être l'augmentation considérable de grâce et de charité qui se produisit en elle au moment même de l'Incarnation.

NOTE - Quand, dans notre vie, les actes de charité moins fervents ou rémittents obtiennent-ils l'augmentation de charité qui leur est due ?

Selon saint Thomas tout acte de charité du viator est mé­ritoire, mérite une augmentation de cette vertu, et dispose au moins de façon éloignée à la recevoir ; mais il, n'y dispose de fa­çon prochaine que s'il est fervent, c'est-à-dire au moins égal en intensité au degré de la vertu infuse dont il procède.

Donc seuls les actes fervents obtiennent aussitôt l'augmentation de charité qu'ils méritent.

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Quand les actes moins fervents l'obtiennent-ils?


On pourrait penser que c'est dès qu'un acte méritoire fervent se produit. Cependant il y a une difficulté, car celui-ci obtient certainement l'augmentation qui lui est due et à laquelle il dispose prochainement, mais il n'est pas sûr qu'il obtienne en même temps l'arriéré, c'est-à-dire l'augmentation due aux actes méritoires moins fervents, qui ont précédé.

Cet arriéré peut être obtenu alors par des actes de charité fer­vents qui ne sont pas seulement méritoires, mais qui disposent à recevoir déjà dans la vie présente, non seulement ce qu'ils méritent eux-mêmes, mais plus qu'on ne mérite.

C'est le cas de l'acte de charité fervent par lequel on se dispose à une bonne communion ; celle-ci peut produire ex opere operato une augmentation de charité correspondante à la disposition fervente actuelle et à l'arriéré.

Cela doit être fréquent chez de bons prêtres et de bons chré­tiens, notamment à la communion plus fervente qu'ils font cer­tains jours de grande fête ou du 1er vendredi du mois.

A plus forte raison cela doit se réaliser quand, avec une très bonne disposition, on reçoit la communion en viatique ou par l'ex­trême-onction, qui, écartant les restes du péché (reliquiae peccati) produit une augmentation de charité (non méritée) propor­tionnée à la ferveur avec laquelle on la reçoit elle peut alors pro­duire aussi l'arriéré mérité, mais non encore obtenu.

Cela peut se faire encore lorsque le « viator » fait une fervente prière par laquelle il demande l'augmentation de la charité ; car cette prière est à la fois méritoire, comme inspirée par la charité, et impétratoire, à ce second titre elle obtient plus qu'elle ne mé­rite et elle peut disposer prochainement à recevoir l'arriéré déjà mérité, mais non obtenu.

Enfin il reste probable que l'âme, qui n'aurait pas profité pen­dant cette vie de ce que nous venons de dire, se dispose prochai­nement par les actes fervents du purgatoire, actes qui ne sont plus méritoires, à recevoir l'arriéré mérité, mais non obtenu.

Il est certain que ces âmes du purgatoire, au fur et à mesure que la purification avance, font des actes (non méritoires) de plus en plus fervents, qui atteignent au moins le degré d'intensité de la vertu infuse dont ils procèdent.

Ces actes ne méritent pas une augmentation de cette vertu, mais il est probable qu'ils peuvent disposer actuellement à recevoir l'arriéré déjà mérité in via et non encore obtenu.

Ainsi une âme entrée au purgatoire avec une cha­rité de cinq talents, pourrait en sortir avec une charité de sept, le degré de gloire correspondrait toujours au degré de ses mérites.

Et si cela est vrai, cela paraît vrai surtout du tout dernier acte par lequel l'âme se dispose (in genere causae materialis), à rece­voir la lumière de gloire, acte qui procède (in genre causae efficientis et formalis) sous cette lumière à l'instant précis où elle est infusée, comme le dernier acte qui dispose immédiatement à la justification, procède de la charité au moment précis où elle est infusée.

Ainsi l'arriéré serait obtenu au moins au dernier moment à l'instant de l'entrée dans la gloire.

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