La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange

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amidelamisericorde
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PREMIÈRE PARTIE
L'EXISTENCE DE DIEU ET DE LA PROVIDENCE

CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS


« In ipso vivimus, movemur et
sumus » Act. Apost., XVII, 28.
C'est en Dieu que nous avons la
vie, le mouvement et l'être.


Avant de rappeler le sens et la portée des preuves de l'existence de Dieu et de la Providence, il convient d'indiquer une preuve générale qui contient virtuellement toutes les autres. Elle revient à ceci : Le plus ne sort pas du moins, le plus parfait ne sort pas du moins parfait, qui serait incapable de le produire.

Or il y a dans le monde des êtres vivants et intelligents, qui arrivent à l'existence et disparaissent ensuite, qui donc n'existent pas par eux-mêmes, pas plus ceux du passé que ceux d'aujourd'hui.

Ils ont donc besoin d'une cause qui, elle, existe par elle-même. Il faut donc qu'il y ait de toute éternité un Premier Être, qui ne doive l'être qu'à lui-même et qui puisse le donner aux autres, un Premier Vivant, une Première Intelligence, une Première Bonté et Sainteté. Autrement jamais dans notre monde n'auraient apparu la vie, l'intelligence, la bonté, la sainteté, que nous constatons.

Cette preuve accessible à la raison naturelle, peut être approfondie par la raison philosophique. On ne la trouvera pas en défaut.

Le plus ne peut sortir du moins comme de sa cause pleinement suffisante et efficace, car ce plus de perfection serait ainsi sans cause, sans raison d'être, absolument inintelligible.

Quelle plus grande absurdité que de prétendre que l'intelligence ou la bonté de Jésus et des plus grands saints, d'un saint Jean, d'un saint Paul, d'un Augustin proviennent d'une matière inintelligente, d'une fatalité matérielle et aveugle !

Cette preuve générale se précise d'abord par la considération du mouvement des corps et des esprits, mouvements qui nous montrent que Dieu est le premier moteur de tous les êtres corporels et spirituels.

Déjà donnée par Aristote, cette preuve par le mouvement est proposée comme il suit par saint Thomas dans sa Somme Théologique Ia, q. 2, a. 3.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Il y a du mouvement dans le monde depuis les êtres inférieurs jusqu'aux plus élevés


Saint Thomas part de la constatation de ce fait certain qu'il y a du mouvement dans le monde : mouvement local des corps inanimés qui se déplacent, qui s'attirent, - mouvement qualitatif de la chaleur qui augmente d'intensité ou qui diminue, - mouvement d'accroissement des plantes qui grandissent, - mouvement de l'animal qui désire sa nourriture et se porte vers elle, - mouvement de l'intelligence humaine qui passe de l'ignorance à la connaissance confuse, puis à la connaissance distincte, - mouvement de notre volonté spirituelle qui d'abord ne voulait pas un objet, puis le veut, et le veut d'une façon plus intense ; - mouvement de notre volonté, qui après avoir voulu une fin, veut les moyens pour obtenir cette fin.

Voilà un fait universel; il y a du mouvement dans le monde, depuis celui de la pierre lancée en l'air, jusqu'à celui de notre esprit et de notre volonté. Et nous pouvons dire qu'ici-bas tout est soumis au mouvement ou au changement, non seulement les individus, mais les nations, les peuples, les institutions.

Et lorsque ce mouvement est arrivé à son apogée, il fait place à un autre, comme une vague de la mer est suivie d'une autre vague, une génération d'une autre génération, ce que les anciens représentaient par la roue de la fortune sur laquelle les plus fortunés s'élèvent, pour redescendre ensuite et faire place à d'autres. Est-ce donc que tout passe et que rien ne demeure ? Est-ce que tout est inconsistant ? Est-ce qu'il n'y a rien, de stable et d'absolument ferme ?

Tout mouvement exige un moteur


Comment s'explique ce fait universel du mouvement soit corporel soit spirituel ?
Le mouvement s'explique-t-il par lui-même, est-il à lui-même sa raison ou sa cause ?

Pour répondre à cette question il faut tout d'abord remarquer deux choses :

1° Dans le mouvement il y a quelque chose de nouveau, qui demande une explication. Ce quelque chose de nouveau, qui auparavant n'existait pas, d'où provient-il ?

Et cette question se pose aussi bien pour les mouvements passés que pour ceux d'aujourd'hui.

2° Le mouvement n'existe que dans un mobile, et il n'est ce mouvement individuel que parce qu'il est le mouvement de ce mobile.

Il n'y a pas de déplacement sans corps déplacé, pas de flux sans fluide, pas d'écoulement sans liquide, pas de vol sans un oiseau, pas de rêve sans un rêveur, pas de mouvement volontaire sans un être intelligent qui veut.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Tout mouvement exige un moteur


Mais s'il n'y a pas de mouvement sans un mobile, ce mobile peut-il se mouvoir lui-même et par lui seul, sans cause aucune ?
La pierre peut-elle se mettre d'elle-même en mouvement, sans quelqu'un qui la lance en l'air, ou sans un autre corps qui l'attire ? Le métal froid, devient-il chaud par lui-même, sans un foyer de chaleur ?

Le vivant, me direz-vous, se meut lui-même. C'est vrai, mais dans le vivant n'y a-t-il pas une partie mobile et une partie motrice ? Si le sang circule dans les artères de l'animal, n'est-ce pas parce que le cœur, en se contractant, le fait circuler ?

Et dans l'homme, si la main se meut, n'est-ce pas parce que la volonté la meut ? Et la volonté à son tour, si elle est mue, si elle passe de l'indétermination à la détermination, ne faut-il pas qu'elle soit mue par un objet qui l'attire, par un bien; et suffit-il que ce bien lui soit présenté, ne faut-il pas qu'elle se porte ou soit portée vers lui ? De fait elle se porte vers les moyens, parce qu'elle veut d'abord la fin; mais s'il s'agit du premier vouloir de la fin, comme au début de notre vie raisonnable ou le matin lorsque nous nous éveillons et que nous commençons à vouloir, ne faut-il pas une motion supérieure qui mette en exercice notre activité volontaire, qui fasse passer notre volonté de l'état de repos, d'inactivité, à son premier acte, cause des suivants ?

Il y a dans cet acte quelque chose de nouveau, qui demande une cause et notre volonté, ne possédant pas encore cette perfection nouvelle, n'a pas pu se la donner. Le plus ne sort pas du moins. (Cf. Saint Thomas Ia - IIae, q. 9, a.4; q. 10, a.4.)

Dirons-nous que la cause de ce mouvement particulier d'un corps ou d'un esprit est un mouvement antérieur ?

Mais si nous considérons le mouvement comme tel, qu'il s'agisse de celui-ci ou des précédents, nous voyons qu'il est un passage de la puissance à l'acte. Or la puissance est moins parfaite que l'acte et donc elle ne peut se le donner. Encore une fois le plus sortirait du moins, s'il n'y avait pas pour tout mouvement un moteur.

La pierre pouvait être déplacée; maintenant elle change de place; ce n'est pas sans un moteur qui la projette ou qui l'attire.

La plante passe de la puissance à l'acte, quand elle grandit ; mais ce n'est pas sans l'influence du soleil, de l'air, des sucs de la terre.

L'animal passe de la puissance à l'acte, quand il se porte vers la proie qui l'attire ; mais ce n'est pas sans l'influx supérieur, qui lui a donné l'instinct de se nourrir de ceci plutôt que de cela.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Tout mouvement exige un moteur


L'homme passe de la puissance à l'acte, de l'ignorance à la science, son intelligence s'enrichit ; mais elle ne se donne pas à elle-même ces richesses nouvelles, qu'elle n'avait pas.

Notre volonté passe aussi de la puissance à l'acte et s'y affermit parfois héroïquement. D'où lui vient cette perfection nouvelle ? Elle n'a pas pu se la donner, puisque auparavant elle ne l'avait pas.

Tout mouvement, qu'il soit corporel ou spirituel, a donc besoin d'une cause; le mobile n'est pas mû sans moteur. Le moteur peut être intérieur, comme le cœur dans l'animal vivant ; mais si ce moteur lui-même est mû, il a besoin d'un moteur supérieur; le cœur, qui s'arrête au moment de la mort, ne peut se remettre en mouvement. Il faudrait qu'intervînt ici l'auteur même de la vie, qui lui a donné et qui lui a maintenu son mouvement jusqu'à l'usure de l'organisme.

Tel est le principe par lequel saint Thomas éclaire ce grand fait si général du mouvement : Tout mouvement exige un moteur. Les animaux privés d'intelligence voient bien les mouvements sensibles, mais ils ne peuvent comprendre que tout mouvement exige un moteur. Ils ne saisissent pas l'être intelligible, ni les raisons d'être des choses, mais seulement les phénomènes sensibles : couleur, son, chaleur, etc.. Au contraire l'objet de notre intelligence est l'être et les raisons d'être des choses, c'est pourquoi nous saisissons que nul mouvement ne peut être sans un moteur.

Tout mouvement exige un moteur suprême

Mais il faut faire un pas de plus. Si tout mouvement corporel ou spirituel exige un moteur, est-il nécessaire qu'il ait un moteur suprême ?

Plusieurs philosophes ont pensé, comme Aristote, qu'il peut y avoir une série infinie de moteurs accidentellement subordonnés dans le passé, par ex. que la série des générations animales n'a pas eu de commencement, qu'il n'y a pas eu une première poule, ni un premier œuf, mais que toujours, sans commencement, il y a eu des poules qui ont donné des œufs, et que le mouvement circulaire du soleil n'a pas commencé et ne finira pas.

L'évaporation de l'eau des fleuves et de la mer aurait toujours formé la pluie, sans qu'il y ait eu une première pluie.

Nous chrétiens, nous tenons par la Révélation que le monde a commencé, qu'il a été créé, non de toute éternité, non ab æterno, mais dans le temps. C'est un article de foi défini par les Conciles.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Tout mouvement exige un moteur suprême.


Mais précisément parce que c'est un article de foi, et non pas seulement un des préambules de la foi, saint Thomas tient qu'on ne peut démontrer par la seule raison que le monde a commencé (Ia, q. 46, 2).

Et pourquoi cette vérité dépasse-t-elle les forces naturelles de notre intelligence ? Parce que ce commencement dépend de la libre volonté de Dieu.

S'il l'avait voulu, Dieu aurait pu créer le monde dix mille ans plus tôt, cent mille ans plus tôt, des milliards d'années plus tôt, et toujours plus tôt, sans qu'il y ait un premier jour du monde, mais seulement une dépendance du monde à l'égard du Créateur, comme l'empreinte du pied dans le sable dépend du pied et n'aurait pas commencé si le pied avait été toujours là.

Il ne semble donc pas impossible, dit saint Thomas, que le monde ait toujours existé, dans la dépendance de Dieu créateur, bien que la Révélation nous apprenne que de fait il a commencé.

Mais si la série des moteurs accidentellement subordonnés dans le passé peut être infinie et n'exige pas nécessairement un premier dans le temps, il n'en est pas de même de la série des moteurs nécessairement et actuellement subordonnés à l'instant présent.

Ici il faut arriver à un moteur suprême actuellement existant, qui n'ait pas seulement donné une impulsion à l'origine du monde, mais qui meuve tout maintenant.

Par, exemple la barque porte le pêcheur, les flots portent la barque, la terre porte les flots, le soleil attire la terre, un centre inconnu attire le soleil.

Mais après ? On ne peut aller ainsi à l'infini dans la série des causes actuellement subordonnées. Il faut une cause efficiente première et suprême, non pas seulement dans le passé, mais dans le présent, et il faut que cette cause suprême agisse, influe actuellement, sans quoi les causes subordonnées, qui n'agissent que mues par une autre, n'agiraient pas.

Vouloir se passer d'une source, c'est dire qu'une montre peut marcher sans ressort, pourvu qu'elle ait une infinité de roues. Peu importe que la montre ait été remontée mille fois, cent mille fois et même toujours dans le passé, mais ce qui est nécessaire, c'est qu'elle ait un ressort.

De même peu importe que la terre ait commencé à tourner autour du soleil, mais ce qui est nécessaire, c'est que actuellement le soleil l'attire, et que le soleil lui-même soit attiré par un centre supérieur actuellement existant. En fin de compte il faut arriver à un premier moteur qui agisse par soi, et non pas par un autre plus élevé. Il faut arriver à un premier moteur qui puisse rendre pleinement compte de l'être même ou de la réalité de son action.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Tout mouvement exige un moteur suprême.


Mais celui-là seul peut rendre compte de l'être de son action, qui de soi la possède non seulement en puissance, mais en acte, et qui par conséquent EST son action même, son activité même, qui est la Vie même, au lieu de l'avoir reçue.

Un pareil moteur est absolument immobile, en ce sens qu'il a déjà par soi ce que les autres acquièrent par le mouvement ; il est par conséquent ESSENTIELLEMENT DISTINCT de tous les êtres mobiles, corps ou esprits.

Et c'est déjà la réfutation du panthéisme : Dieu ne saurait se confondre avec le monde, car Dieu est immuable, et le monde est en perpétuel changement, et c'est ce changement même qui requiert un Premier moteur immobile, qui soit son action même de toute éternité, au lieu d'être passé de la puissance à l'acte, et qui par suite soit l'Être même, car l'agir suppose l'être, et le mode d'agir suit le mode d'être : Ego sum Dominus et non mutor (Mal., III, 6). Il est faux que tout passe et que rien ne demeure, que tout soit inconsistant et qu'il n'y ait rien de stable. Il faut un premier moteur absolument immobile.

Nier la nécessité d'une cause suprême, ce serait soutenir que le mouvement s'explique par lui-même, qu'un mobile peut passer par lui-même sans moteur de la puissance à l'acte, qu'il peut se donner l'acte, la perfection nouvelle qu'il n'a pas. - Vouloir se passer d'une cause suprême, c'est prétendre, comme on l'a dit, « qu'un pinceau peut peindre tout seul pourvu qu'il ait un très long manche ». C'est toujours soutenir que le plus sort du moins.

On peut prendre un autre exemple dans l'ordre du mouvement spirituel, pour montrer qu'il faut un moteur suprême, non pas seulement dans le passé, mais dans le présent.
Notre volonté commence à vouloir certaines choses, par ex. : un malade veut faire appeler le médecin.

Pourquoi ? Parce que d'abord il veut guérir, et parce que la guérison est un bien. Il a commencé à vouloir ce bien, et ce vouloir est un acte distinct de sa faculté volitive ; notre volonté n'est pas de soi un acte éternel d'amour de bien ; elle ne contient son premier acte qu'en puissance, et lorsqu'il apparaît il est en elle quelque chose de nouveau, une perfection nouvelle.

Pour trouver la raison d'être dernière de ce devenir, de la réalité même de ce premier acte de vouloir, il faut remonter à un premier moteur des esprits et des volontés, et à un premier moteur qui n'ait pas reçu l'influx pour agir, qui agisse sans qu'il lui ait été donné d'agir ; à qui on ne puisse dire : « Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » Il faut arriver à un premier moteur qui soit son activité même, qui agisse uniquement par soi, et qui par conséquent existe par soi, car l'agir suppose l'être et le mode d'agir suit le mode d'être.

Seul l'Être même, qui seul est par soi, peut rendre compte en dernière analyse de l'être ou de la réalité d'un devenir, qui n'est pas par soi.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Tout mouvement exige un moteur suprême.


L'existence du premier moteur, ne s'impose-t-elle pas à nous, quand nous trouvant en face d'un grand devoir à accomplir coûte que coûte sans tarder, par exemple pour sauver une famille ou une patrie, nous sentons profondément notre faiblesse, notre impuissance, pour passer à l'acte ? Ce qu'il faut alors ce ne sont pas des mots, c'est un acte. Et qui donc nous fera passer de la puissance à l'acte, sinon Celui-là seul qui nous a donné une volonté et qui peut la mouvoir parce qu'il est plus intime à elle qu'elle-même ?

De même notre premier acte d'intelligence, soit au début de notre vie intellectuelle, soit le matin au réveil, suppose une première impulsion de l'Intelligence suprême, sans le concours de laquelle nous ne pourrions rien penser. Cette impulsion qui passe inaperçue chez beaucoup, devient parfois éclatante dans ce qu'on appelle les éclairs de génie. L'homme de génie lui-même participe seulement à la vie intellectuelle. Il y a part. Et tout ce qui est par participation dépend de ce qui est par soi et non par un autre.

L'existence du premier moteur des intelligences ne s'impose-t-elle pas à nous lorsque, ne parvenant pas à voir dans une grave situation où est pour nous le devoir, nous nous recueillons au plus intime de nous-mêmes, et que finalement la lumière se fait ? Comment sommes-nous passés de la puissance à l'acte, sinon par le secours de Celui qui nous a donné l'intelligence et qui seul peut l'enrichir d'une lumière nouvelle ?

Le premier moteur n'est donc en puissance à aucune perfection nouvelle, il est Acte pur, sans mélange d'imperfection. Il se distingue donc réellement et essentiellement de tout esprit limité, qui passe de la puissance à l'acte, de l'ignorance à la science, de tout esprit angélique ou humain. Et c'est là, on le voit de nouveau, une réfutation du panthéisme.

Ce premier moteur des esprits et des corps est-il nécessairement spirituel ?

Il est de toute évidence que pour mouvoir les intelligences et les volontés, sans du reste les violenter, il doit être spirituel. Le plus ne sort pas du moins.
Mais même le premier moteur des corps doit être spirituel, car, nous l'avons vu, il doit être immobile, en ce sens qu'il doit être son action même et son être même et cela n'est vrai d'aucun corps : tout corps est mobile, la matière est en perpétuel mouvement.

Même si l'on suppose que la matière première est douée d'énergies primitives essentielles, elle ne peut être un agent qui rende compte par soi de l'être même de son action, car un pareil agent doit non seulement avoir l'action et l'existence, mais il doit être son action même, et son existence même ; il doit par suite être absolument immobile ou posséder par soi toute perfection et non pas y tendre. Or la matière est au contraire toujours en mouvement et reçoit constamment des perfections ou formes nouvelles, en en perdant d'autres. Et donc le premier moteur des esprits et des corps doit manifestement être spirituel. C'est de lui que parle la liturgie, lorsqu'elle dit :
Rerum Deus tenax vigor
Immotus in te permanens.

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Ce premier moteur des esprits et des corps est-il nécessairement spirituel ?


Dieu, force invincible qui porte toutes choses et qui reste immuable au sommet de tout.
Quelle est donc L'IMMOBILITÉ du Moteur suprême des esprits et des corps ?

Ce n'est pas l'immobilité de l'inertie, du corps inerte, car celle-ci est inférieure au mouvement. C'est l'immobilité de l'activité suprême, qui n'a rien à acquérir, parce que de soi et d'emblée elle possède tout ce qu'elle peut avoir et elle peut surabonder au dehors. Sur un navire, les matelots vont de côtés et d'autres pour leurs emplois, mais qui les dirige et qui les meut ?

Le capitaine, qui est immobile sur le pont du navire et qui agit spirituellement par son intelligence et sa volonté. La contemplation immobile du vrai est incomparablement plus vivante que l'agitation.

L'immobilité du premier moteur n'est pas l'immobilité de la pierre, c'est l'immobilité de la contemplation et de l'amour du Bien suprême.

Les Propriétés du moteur suprême


Il s'ensuit que le premier moteur, étant acte pur sans mélange de puissance imparfaite, n'est nullement perfectible ; il EST INFINIMENT PARFAIT ; il est pur être, pure intellection toujours actuelle du vrai suprême, pur amour toujours actuel de la plénitude de l'être toujours actuellement aimée.

IL EST PARTOUT PRÉSENT, parce qu'il atteint pour les mouvoir tous les êtres, esprits ou corps, qui ne se meuvent que par lui.

IL EST ÉTERNEL, car il a par soi dès toujours tout son être et toute son action de pensée et d'amour sans aucun changement. Il possède sa vie toute à la fois dans un unique instant immobile, au-dessus du temps.

Quand le monde a été créé, l'action créatrice n'a pas commencé en Dieu, elle est éternelle ; mais elle a produit son effet dans le temps quand elle l'a voulu, au moment fixé de toute éternité.

Le premier moteur est UNIQUE, car l'Acte pur, au lieu d'avoir reçu l'existence, est l'existence ; il est l'Être même qui ne saurait être multiplié : s'il y avait deux premiers moteurs, chacun n'étant pas l'autre serait limité et imparfait, et ne serait plus l'Acte pur, et l'Être même.

Du reste un second Acte pur ne pourrait rien de plus que le premier, et serait superflu. Or quoi de plus absurde qu'un Dieu superflu ?

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER
DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS

Ce premier moteur des esprits et des corps est-il nécessairement spirituel ?


S'il en est ainsi, s'il y a un premier moteur actuellement existant des corps et des esprits, quelle conclusion pratique en tirer pour nous ?

1° Il faut apprendre à distinguer dans la vie l'immobilité de l'inertie, et l'immobilité de l'activité supérieure. L'immobilité de l'inertie ou de la mort est inférieure au mouvement. L'immobilité de la contemplation et de l'amour de Dieu est supérieure au mouvement qu'elle peut produire, en le dirigeant et en le vivifiant.

Au lieu d'éparpiller notre vie dans l'agitation, tâchons de la recueillir pour avoir une action plus profonde, plus suivie, plus durable, orientée vers l'éternité.

2° Au sommet de notre âme reprenons souvent contact avec le premier moteur des esprits et des corps, qui n'est autre que le Dieu vivant, auteur non seulement de notre âme et de ses actes naturels, mais auteur de la grâce, et du salut.

Reprenons ce contact dès le matin au réveil, car nous recevons alors l'influx de Dieu, qui met en exercice notre activité ; recevons bien cette première impulsion, en lui étant dociles, au lieu de dévier dès le début de la journée.

Dans le cours de notre journée, reprenons contact avec Celui qui est l'Auteur de la vie, qui ne s'est pas contenté de donner une chiquenaude dans le passé, ou de nous mouvoir au début du jour, mais qui constamment nous soutient et actualise notre vouloir, même notre vouloir le plus libre, en tout ce qu'il a de réel et de bon, à l'exception seule du mal.
Le soir avant de prendre notre repos, renouvelons ce contact et tout ce que la saine philosophie vient de nous dire du premier moteur des corps et des esprits, nous apparaîtra transfiguré, surélevé dans le Pater.

« Que votre règne arrive » : le règne de l'Intelligence suprême qui dirige les autres. « Que votre volonté soit faite » : la volonté à laquelle toutes les autres doivent se subordonner pour atteindre leur véritable fin.

« Ne nous laissez pas succomber à la tentation » mais soutenez-nous de votre force, soutenez notre intelligence dans le vrai, notre volonté dans le bien. Alors nous comprendrons de mieux en mieux le sens de la parole de saint Paul à l'Aréopage (Act., 17, 24) : « Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qu'il renferme... d'un seul homme a fait sortir tout le genre humain,.. à fin que les hommes le cherchent et le trouvent comme à tâtons : quoiqu'il ne soit pas loin de chacun de nous; car C'EST EN LUI QUE NOUS AVONS LA VIE, LE MOUVEMENT ET L'ÊTRE » et non seulement l'être naturel, mais l'être surnaturel de la grâce qui est la vie éternelle commencée. Ce moteur suprême des esprits et des corps, foyer d'où s'échappe la vie de la création, nous n'avons pu en parler que d'une manière abstraite, fort imparfaite, c'est Lui que nous devons voir immédiatement au terme de notre voyage vers l'éternité.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE II
L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE

Cœli enarrant gloriam Dei. Ps. XVIII, 12.
Les cieux racontent la gloire de Dieu
.

Nous avons précisé la preuve générale de l'existence de Dieu « le plus ne peut sortir du moins » par l'examen du mouvement. Nous avons vu que tout mouvement corporel ou spirituel exige un moteur et en dernière analyse un moteur suprême, car, dans la série des causes actuellement subordonnées, comme la terre attirée par le soleil et le soleil attiré par un centre supérieur, il faut s'arrêter à un moteur suprême, qui n'a pas besoin d'être prému, et qui par suite doit avoir l'agir par lui-même pour pouvoir le donner aux autres ; en d'autres termes, il doit être son action au lieu de l'avoir reçue. Il agit, sans qu'il lui ait été donné d'agir. Et comme l'agir suppose l'être et que le mode d'agir suit le mode d'être, le Moteur suprême des esprits et des corps, pour être son action, doit être l'Être même, selon l'expression biblique : « Ego sum qui sum : Je suis Celui qui suis ».

Il nous faut parler maintenant d'une preuve qui établit à la fois l'existence de Dieu et sa Providence. C'est celle qui se tire de l'ordre du monde. C'est la plus populaire des preuves de l'existence de Dieu.

Facilement accessible à la raison naturelle, elle peut être toujours approfondie par la raison philosophique, et étendue de l'ordre physique à l'ordre moral, elle peut conduire à la plus haute contemplation.

Elle se trouve exprimée dans le Psaume 18, 12 : Coeli enarrant gloriam Dei, les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l'œuvre de ses mains.
Voyons d'abord le fait qui est le point de départ de la preuve, nous verrons ensuite le principe qui permet de s'élever de ce fait jusqu'à l'existence de Dieu et de sa Providence.

Le fait : l'ordre de l'univers

Le fait est qu'il y a dans la nature, chez les êtres dépourvus d'intelligence, des moyens admirablement ordonnés à des fins. « Cela se voit, dit saint Thomas (Ia, q. 2, a. 3), car ces êtres dépourvus d'intelligence, comme les astres, les plantes, les animaux, agissent toujours ou du moins le plus souvent pour produire ce qu'il y a de MIEUX. »

La finalité ou l'ordre apparaissent déjà dans l'attraction universelle des corps ordonnée à la cohésion de l'univers, dans le mouvement de translation du soleil qui entraîne avec lui tout son système, dans le double mouvement de la terre, mouvement de rotation autour de son axe qu'elle exécute en 24 heures, en produisant le jour et la nuit, et mouvement de translation autour du soleil, qu'elle accomplit en 365 jours, en produisant la variété des saisons. Cette régularité constante du cours des astres montre qu'il y a là des moyens ordonnés à une fin, comme l'ont dit les plus grands astronomes ravis d'admiration par les lois qu'ils découvraient. Et que de choses excellentes sur la terre n'arriveraient pas sans la différence du jour et de la nuit et sans la distinction des saisons nécessaire à la germination des plantes et à leur développement.

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CHAPITRE II
L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE

Cœli enarrant gloriam Dei. Ps. XVIII, 12.
Les cieux racontent la gloire de Dieu.

Le fait : l'ordre de l'univers


Si nous nous élevons un peu plus haut en considérant l'organisme des plantes, nous le trouvons admirablement ordonné pour leur permettre d'utiliser les sucs de la terre, les transformer en sève, pour leur permettre en un mot de se nourrir et de se reproduire d'une façon régulière et constante. Il suffit de regarder un grain de froment mis en terre, pour voir qu'il est ordonné à produire un épi de blé, et non pas de l'orge ou du riz.

Il suffit de considérer un chêne pour voir l'utilité de ses racines et de sa sève pour la vie de ses branches et de ses feuilles. Il suffit d'examiner l'ensemble des organes d'une fleur, pour voir qu'ils concourent à la formation du fruit, qu'elle est ordonnée à produire : une cerise ou une orange. Telle fleur est ordonnée à produire tel fruit et non pas tel autre. Comment ne pas voir une idée directrice dans la formation de ce fruit ?

Si nous nous élevons plus haut encore et considérons l'organisme des animaux, soit inférieurs, soit supérieurs, nous voyons que l'ensemble de cet organisme est ordonné à leur nutrition, à leur respiration, à leur reproduction. Le cœur fait circuler le sang rouge dans tout l'organisme pour le nourrir, puis le sang noir, chargé d'acide carbonique, vient se retransformer en sang rouge dans les poumons au contact de l'oxygène de l'air. Il est clair que le cœur et le poumon sont pour la conservation de l'animal et de l'homme.

Certaines parties de l'organisme animal sont de véritables merveilles : les articulations du pied faites pour toutes les positions de la marche, celles de la main faites pour les mouvements les plus variés. Les ailes de l'oiseau faites pour le vol beaucoup mieux que les meilleurs avions. La moindre cellule en rapport avec des milliers d'autres est un chef-d'œuvre. Particulièrement belle est l'harmonie des multiples parties de l'oreille pour percevoir les sons et la structure si compliquée de l'œil, où l'acte de vision suppose treize conditions réunies et chacune de ces conditions en suppose une foule d'autres, toutes ordonnées à cet acte si simple qu'est la vision.

Il y a là une ordination admirable d'une quantité prodigieuse de moyens à une même fin, et l'œil se forme toujours ou le plus souvent pour produire ce qu'il y a de mieux.

Si nous considérons l'activité instinctive des animaux, surtout de certains, comme l'abeille, ce sont de nouvelles merveilles ; il faudrait être un mathématicien de génie pour inventer et construire une ruche d'abeilles, et nul chimiste n'est encore parvenu à faire du miel avec le suc des fleurs. Cependant on voit que l'abeille n'est pas elle-même intelligente, car elle ne vraie jamais son travail, elle ne le perfectionne pas, elle est déterminée à le faire toujours par l'instinct naturel de la même façon depuis le commencement du monde et elle le fera toujours de même sans le perfectionner, tandis que l'homme perfectionne toujours les outils qu'il a inventés, parce qu'il connaît par son intelligence leur finalité. L'abeille, elle, agit pour une fin, sans le savoir, mais elle agit admirablement

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CHAPITRE II
L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE

Cœli enarrant gloriam Dei. Ps. XVIII, 12.
Les cieux racontent la gloire de Dieu.

Dira-t-on que cet ordre admirable des astres, de l'organisme végétal ou animal, de l'instinct des animaux est l'effet d'un hasard heureux ?


Mais ce qui arrive heureusement par hasard, se produit, non pas toujours ou très souvent, mais d'une façon fort rare. C'est par hasard qu'un trépied lancé en l'air tombe sur ses trois pieds, mais c'est rare. C'est par hasard que celui qui creuse une tombe, trouve un trésor, mais c'est rare. Au contraire l'ordre admirable de la nature que nous venons de considérer est celui de lois fixes, immuables, qui s'appliquent toujours ; c'est une harmonie constante et comme la symphonie perpétuelle de l'univers pour ceux qui savent entendre, c'est-à-dire pour les grands artistes; les grands penseurs et pour les simples à qui la nature parle de Dieu.

Dira-t-on qu'un hasard heureux, au milieu de beaucoup d'organismes inutiles, en a formé quelques-uns d'admirables, aptes à la vie et qu'ils se sont par suite conservés, tandis que les inutiles ont disparu ? C'est la théorie évolutionniste de la survivance des plus aptes.

Mais cela reviendrait à dire que le hasard est la cause première de l'harmonie de l'univers et de ses parties. Or cela est impossible. Pour s'en rendre compte il suffit de réfléchir à ce que c'est que le hasard. Le hasard et son effet sont quelque chose d'accidentel: c'est accidentellement que le trépied lancé en l'air tombe sur ses trois pieds ; c'est accidentellement que celui qui creuse un sépulcre trouve un trésor. Or l'accidentel suppose le non accidentel ou l'essentiel, le naturel, comme l'accessoire suppose le principal.

S'il n'y avait pas de loi naturelle de la pesanteur, le trépied lancé en l'air ne tomberait pas accidentellement sur ses trois pieds. Si celui qui trouve accidentellement un trésor n'avait pas eu l'intention de creuser là une tombe, cet effet accidentel n'aurait pas eu lieu.
Le hasard n'est que la rencontre accidentelle de deux actions, qui, elles, ne sont pas accidentelles, mais intentionnelles, au moins au sens d'inclination naturelle inconsciente.
Et donc dire que le hasard est la cause première de l'ordre du monde, c'est expliquer l'essentiel par l'accidentel, le primordial par l'accessoire; c'est donc détruire l'essentiel, le naturel, et toute nature, toute loi naturelle.

Il n'y aurait plus que des rencontres fortuites, sans rien qui puisse se rencontrer; ce qui est absurde. C'est dire que l'ordre admirable de l'univers et de ses parties est sorti du désordre, de l'absence d'ordre, du chaos, sans cause aucune ; c'est dire que l'intelligible est sorti de l'inintelligible ; que notre cerveau et notre intelligence viennent d'une fatalité matérielle et aveugle ; c'est dire encore une fois que le plus sort du moins, le plus parfait du moins parfait. C'est là l'absurdité même mise à la place du mystère de la création, mystère qui a ses obscurités, mais qui est manifestement conforme à la droite raison.

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Dira-t-on que cet ordre admirable des astres, de l'organisme végétal ou animal, de l'instinct des animaux est l'effet d'un hasard heureux ?


Le fait qui est le point de départ de notre preuve subsiste donc : il y a de l'ordre et de la finalité dans le monde, c'est-à-dire des moyens ordonnés à des fins, car des êtres dépourvus d'intelligence comme les plantes et les animaux agissent toujours ou le plus souvent pour produire ce qu'il y a de mieux. L'attraction universelle est pour la cohésion de l'univers, le germe du grain de blé est pour produire l'épi, la fleur pour le fruit ; le pied de l'animal pour la marche, les ailes de l'oiseau pour le vol, le poumon pour respirer, l'oreille pour entendre, l'œil pour voir. Le fait de l'existence de la finalité est indéniable, le positiviste Stuart Mill lui-même l'avoue.

Bien plus non seulement c'est un fait que tout agent naturel agit pour une fin, mais il ne peut en être autrement: tout agent doit agir pour une fin, car pour l'agent, agir c'est tendre à quelque chose de déterminé qui lui convient, c'est-à-dire à une fin. Et si l'agent n'agissait pas pour une fin déterminée, il ne produirait rien de déterminé, pas plus ceci que cela, il n'y aurait pas de raison pour que l'œil voie au lieu d'entendre, pour que l'oreille entende au lieu de voir. (Cf. Saint Thomas, Ia-IIae, q. I, a. 2.)

On objectera peut-être que nous ne voyons pas à quoi sert la vipère et plusieurs autres animaux nuisibles. Oui, la finalité externe de certains êtres nous échappe souvent, mais leur finalité interne est évidente, nous voyons bien comment les organes de la vipère sont utiles à sa nutrition, à sa conservation. Quant à son action venimeuse sur nous, elle nous invite à prendre garde, elle nous rappelle que nous sommes vulnérables, que nous ne sommes pas des dieux, et la foi nous dit que si l'homme n'avait pas péché, le serpent ne lui serait pas devenu nuisible. Il y a assez de lumière pour ceux qui veulent voir, malgré les obscurités ou les ombres.

Les matérialistes disent qu'il y a autant de chaleur, de mouvement ou d'énergie calorifique dans une bouillotte que dans un aigle des Alpes.

« Oui, répond le peintre Ruskin, mais, pour nous autres peintres, le fait auquel va notre attention, c'est que la bouillotte a un couvercle sur le dos, et l'aigle une paire d'ailes... C'est aussi que la bouillotte reste tranquille près du feu, tandis que l'aigle aime à se suspendre dans les airs. C'est cela, non le degré de température constaté tandis que le vol s'accomplit, qui nous semble la circonstance intéressante. » (Ethics of the Dust.)
Le matérialiste ne voit pas que les ailes sont pour le vol, les yeux pour voir ; il ne veut pas reconnaître la valeur ou la finalité des yeux ; il va pourtant chez l'oculiste, comme tout le monde, s'il s'aperçoit qu'il perd la vue. Et c'est là reconnaître pratiquement que les yeux sont faits pour voir.

Il y a assez de lumière pour ceux qui veulent voir, malgré les obscurités et les ombres. La finalité de la nature est un fait évident, non pas pour nos sens qui n'atteignent que les phénomènes sensibles, mais pour notre intelligence faite pour saisir les raisons des choses. Pour elle, manifestement l'œil est pour voir, l'oreille pour entendre.

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Dira-t-on que cet ordre admirable des astres, de l'organisme végétal ou animal, de l'instinct des animaux est l'effet d'un hasard heureux ?


Un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ordonnatrice
Comment de ce fait de l'existence de l'ordre du monde pouvons-nous nous élever à la certitude de l'existence de Dieu ? Par ce principe : Les êtres qui ne possèdent pas l'intelligence ne peuvent TENDRE vers une fin que s'ils sont dirigés par une cause intelligente, comme la flèche par l'archer. Plus simplement : « un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ».

Pourquoi ? Parce que la fin, qui détermine la tendance et les moyens, n'est autre que, l'effet futur à réaliser. Or un effet futur, qui n'a pas encore d'existence actuelle, doit, pour déterminer la tendance, être déjà présent en quelque manière et ne peut l'être que dans un être connaissant.

Si nul n'a jamais connu la fin pour laquelle l'œil existe, on ne peut dire que l'œil est fait pour voir. Si nul n'a jamais connu la fin du travail de l'abeille, on ne peut dire que ce travail est pour produire du miel. Si nul n'a jamais connu la fin de l'action du poumon, on ne peut dire que cette action est pour renouveler le sang, au contact de l'oxygène de l'air.

Mais pourquoi faut-il une intelligence ordonnatrice ? Pourquoi l'imagination ne suffit-elle pas ? Parce que seule l'intelligence connaît les raisons d'être des choses, et donc la fin qui est la raison d'être des moyens. Seule une intelligence peut voir que les ailes de l'oiseau sont faites pour le vol, le pied pour la marche, et seule une intelligence a pu ordonner les ailes au vol, le pied à la marche, l'oreille à l'audition des sons, etc.

L'hirondelle, qui ramasse une paille pour faire son nid, le fait sans voir que la construction du nid est la raison d'être de l'action qu'elle accomplit. L'abeille qui recueille le suc des fleurs ignore que le miel est la raison d'être de cette récolte. Seule l'intelligence atteint non pas seulement la couleur ou le son, mais l'être et les raisons d'être des choses.

Seule une intelligence ordonnatrice a pu ordonner des moyens à une fin. Sans elle, le plus sort du moins, l'ordre du désordre.
Mais pourquoi faut-il une intelligence infinie, proprement divine ? Pourquoi, demande Kant, une intelligence limitée, comme celle d'un ange, ne suffirait-elle pas à expliquer l'ordre de l'univers ?

Pourquoi ? - Parce qu'une intelligence finie ou limitée ne serait pas la Pensée même, l'Intellection même, ni la Vérité même. Or une intelligence, qui n'est pas la Vérité même toujours connue, est seulement ordonnée à connaître la Vérité. Et cette ordination passive suppose une ordination active, qui ne peut provenir que de l'Intelligence suprême, qui est la Pensée même et la Vérité même. - En ce sens Notre-Seigneur déclare qu'il est Dieu, lorsqu'il dit « Je suis la voie, la vérité et la vie : Ego sum via, veritas et vita » ; non seulement : j'ai reçu la Vérité, mais « je suis la Vérité et la Vie ».

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L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE
Un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ordonnatrice


Voilà le terme auquel aboutit notre preuve : une intelligence ordonnatrice souverainement parfaite qui est la Vérité même et donc l'Être même, puisque le vrai c'est l'être connu. C'est le Dieu de l'Écriture Ego sum qui sum. C'est la Providence, ou la raison suprême de l'ordre des choses, qui a ordonné toutes les créatures à leur fin et les dirige vers la fin dernière de l'univers, qui est la manifestation de la bonté divine. Ainsi parle saint Thomas Ia, q. 22, a. 1 : « Necesse est ponere providentiam in Deo. Omne enim bonum quod est in rebus, a Deo creatum est, ut supra ostensum est. In rebus autem creatis invenitur bonum, non solum quantum ad substantiam rerum, sed etiam quantum ad ordinem earum in finem, præcipue in finem ultimum, qui est bonitas divina, ut supra habitum est. Hoc igitur bonum ordinis in rebus existens a Deo creatum est. Cum autem Deus sit causa rerum per suum intellectum et sic cujuslibet sui effectus oportet rationem in eo præexistere ; necesse est quod ratio ordinis rerum in finem in mente divina præexistat. Ratio autem ordinandorum in finem proprio providentia est. »
La Providence est, dans l'intelligence divine, la raison de l'ordre de toutes choses à leur fin, et le gouvernement divin, comme le dit saint Thomas, ibid., ad 2m, est l'exécution de cet ordre.

Nous saisissons mieux maintenant le sens de la parole du Psaume : Cœli enarrant gloriam Dei. L'ordre admirable du ciel étoilé raconte et chante la gloire de Dieu, nous fait connaître son intelligence infinie. L'harmonie de l'univers est comme une symphonie merveilleuse, c'est comme le chant à la fois très doux et très puissant du Dieu créateur. Bienheureux ceux qui l'entendent.

N'y -il pas dans cette preuve de l'existence de Dieu par l'ordre du monde, une grande leçon morale ?

Oui, une très grande leçon, celle qui nous est donnée dans le livre de Job, et plus clairement ensuite dans le sermon de Jésus sur la Montagne.
Cette leçon est celle-ci : S'il y a un pareil ordre dans le monde physique, à plus forte raison doit-il exister dans le monde moral, malgré les crimes que la justice humaine laisse impunis, comme elle laisse sans récompense bien des actes héroïques où apparaît dès ici-bas l'intervention de Dieu.

C'est la réponse du Seigneur à Job et à ses amis. Le livre de Job, nous y insisterons plus loin, a en effet pour but de répondre à cette question : pourquoi les justes souffrent-ils ici-bas parfois plus que les impies ? Est-ce toujours pour expier leurs fautes, du moins leurs fautes cachées ?

Les amis de Job l'affirment, et reprochent au pauvre affligé de se plaindre. Job nie que toutes les afflictions et tribulations des justes viennent de leurs péchés, même de leurs péchés cachés. Et il se demande pourquoi tant de souffrances sont tombées sur lui.
A la fin du livre, le Seigneur répond (c. 32-42) en manifestant l'ordre admirable du monde physique, toute sa splendeur, depuis la vie de l'insecte jusqu'au vol de l'aigle, comme pour dire : s'il y a un pareil ordre dans les choses sensibles, à combien plus forte raison doit-il y avoir de l'ordre dans la conduite de ma Providence à l'égard des justes, même lorsqu'ils sont terriblement éprouvés. Seulement c'est là une chose mystérieuse et cachée, qu'il n'est pas donné aux hommes de voir ici-bas.

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CHAPITRE II
L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE


N'y -il pas dans cette preuve de l'existence de Dieu par l'ordre du monde, une grande leçon morale ?

Notre-Seigneur dira plus clairement dans le Sermon sur la Montagne (Matth., VI, 25) : « Pourquoi vous inquiétez-vous pour votre vie, de ce que vous mangerez ou boirez... Regardez les oiseaux du ciel, ils ne sèment, ni ne moissonnent, le Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ?... Considérez les lis des champs... ils ne travaillent ni ne filent. Et cependant, je vous le dis, Salomon même dans toute sa gloire n'est pas vêtu comme l'un d'eux..

Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs... ne le fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ? » S'il y a de l'ordre dans le monde sensible et une providence pour les oiseaux, à combien plus forte raison y a-t-il de l'ordre dans le monde spirituel, et une providence pour les âmes immortelles des hommes.

Enfin Notre-Seigneur donne la réponse définitive à la question posée dans le livre de Job, lorsqu'il dit en S. Jean, XV, 1-2 : « Je suis la vigne et mon Père est le vigneron.., et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, afin qu'il en porte davantage ».

Il l'éprouve comme job pour qu'il porte les grands fruits de la patience, de l'humilité, de l'abandon et de l'amour de Dieu et du prochain, les grands fruits de la charité, qui est la vie éternelle commencée.

Telle est la grande leçon morale qui ressort de cette belle preuve de l'existence de Dieu : s'il y a un ordre admirable dans le monde sensible, à combien plus forte raison dans le monde moral et spirituel, malgré les épreuves et tribulations : il y a assez de lumière pour ceux qui veulent voir, et marcher ainsi vers la vraie lumière de l'éternité.

CHAPITRE III
DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES


Les preuves de l'existence du Premier moteur des esprits et des corps et de l'Intelligence suprême qui a ordonné l'univers nous disposent à mieux entendre trois autres preuves traditionnelles de l'existence de Dieu, Être et Vérité suprêmes, et de Dieu Souverain Bien, source du bonheur et fondement suprême du devoir. Il est nécessaire de les rappeler pour se faire une juste idée de la Providence.

A la suite de Platon, d'Aristote, de saint Augustin, saint Thomas dans sa Somme Théologique, Ia, q. 2, a. 3. 4a via, expose la première de ces preuves dite par les degrés de perfection. Elle a son point, de départ dans le plus ou moins de perfection des êtres de l'univers, perfection toujours limitée, qui conduit notre esprit à affirmer l'existence de la Perfection suprême, de la Vérité suprême, de la Beauté suprême.

Voyons de près le point de départ de cette preuve, le fait sur lequel elle s'appuie, et ensuite le principe, par lequel elle s'élève de ce fait à l'existence de Dieu.

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L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE

N'y -il pas dans cette preuve de l'existence de Dieu par l'ordre du monde, une grande leçon morale ?


Le fait: les degrés de perfection
Le point de départ de la preuve est ce fait : Il y a dans l'univers des choses plus ou moins bonnes, plus ou moins vraies, plus ou moins nobles. En d'autres termes dans l'univers des choses corporelles et spirituelles, la bonté, la vérité, la noblesse existent à des degrés divers, depuis le plus infime minéral qui a sa force, sa résistance, comme, le fer, jusqu'aux degrés supérieurs de la vie intellectuelle et morale, qui apparaissent dans les grands génies et les grands saints.

Ces degrés de la bonté des choses, nous les expérimentons tous les jours une pierre est bonne, disons-nous, lorsqu'elle est solide et ne s'effrite pas ; un fruit est bon, parce qu'il nourrit et rafraîchit ; un cheval est bon, parce qu'il peut fournir une longue course ; un maître est bon d'une bonté supérieure, parce qu'il sait et sait enseigner ; un homme vertueux est bon, parce qu'il veut et fait le bien ; un saint est meilleur encore, parce qu'il a la passion ardente du bien, mais un saint, si grand soit-il, a ses limites, et même lorsqu'il a fait beaucoup de bien, il a des heures de grande tristesse et d'impuissance, comme un curé d'Ars, en voyant tout le bien qui reste à faire, et même ce sont les saints qui connaissent le mieux leur misère.

La bonté est donc réalisée à des degrés divers, c'est un fait. Il en est de même de la noblesse: Le végétal est plus noble que le minéral, l'animal que le végétal, l'homme que l'animal ; tel homme est beaucoup plus noble d'esprit et de cœur que tel autre, mais il a lui aussi ses limites, ses tentations, ses faiblesses, ses très grandes imperfections. La noblesse a ses degrés, mais les plus hauts que nous voyons restent encore bien imparfaits.
De même le vrai a des degrés, car ce qui est plus riche comme être, comme réalité, est plus riche aussi comme vrai. Au-dessus du faux-or mêlé de cuivre, il y a l'or véritable, au-dessus du faux diamant le vrai diamant ; au-dessus de l'esprit faux l'esprit juste ; au-dessus de l'esprit qui connaît une seule science, la physique, celui qui s'élève aux sciences du monde spirituel, à la psychologie, aux sciences morales et politiques ; mais combien la vérité de ces sciences supérieures est encore bornée !

Les grands savants disent plus nous connaissons, plus nous voyons tout ce qui nous reste à connaître, et que nous savons fort peu de chose, comme les grands saints, plus ils font du bien, plus ils voient tout le bien qui reste à faire.

Mais alors comment s'expliquent ces degrés divers de bonté, de noblesse, de vérité, et aussi de beauté ? Est-ce que cette gradation ascendante reste tronquée, inachevée, sans point culminant, sans sommet ? Est-ce que la marche ascendante de notre esprit vers le vrai, doit s'arrêter à un vrai limité et pauvre, celui par exemple de notre psychologie et de nos sciences morales et politiques ? Est-ce que la marche ascendante de notre volonté vers le bien, doit s'arrêter à un bien imparfait, toujours mêlé de quelque misère et d'impuissance ? Et faut-il que notre enthousiasme à la vue de l'idéal soit toujours suivi de quelque désillusion, et, s'il n'y a pas de sommet, d'une irrémédiable désillusion ?
Comment s'expliquent ces degrés divers de bonté, de noblesse, de vérité, de beauté ? Faut-il dire que cette ascension n'aboutit pas, et qu'après les plus hautes intuitions des penseurs ou les plus grands exemples des saints, c'est le vide et le néant ?

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CHAPITRE III
DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES


Le principe: « le plus et le moins parfait présupposent la Perfection même ».
A la suite de Platon, d'Aristote et de saint Augustin, saint Thomas explique ce fait des degrés divers du bien et du vrai par le principe suivant : « Le plus et le moins parfait se disent de différents êtres, selon qu'ils approchent plus ou moins de l'être qui est la perfection même ».

Saint Thomas veut-il parler seulement d'une souveraine perfection idéale, qui n'existerait que dans notre esprit, ou d'une perfection réelle ?

Il veut parler d'une perfection réelle, car elle seule peut être cause des degrés divers de perfection que nous avons constatés et qui ont besoin d'une cause.

Le principe invoqué par saint Thomas veut dire : Lorsqu'une perfection, dont le concept n'implique pas d'imperfection, comme la bonté, la vérité, la beauté, se trouve à des degrés divers dans différents êtres, AUCUN DE CEUX QUI LA POSSÈDENT A UN DEGRÉ IMPARFAIT NE SUFFIT A EN RENDRE COMPTE, il faut donc qu'elle ait sa cause dans un être supérieur, qui est cette perfection même.

Arrêtons-nous à la formule de ce principe, pour le bien entendre. Lorsqu'une perfection absolue se trouve, à des degrés divers, en différents êtres, aucun de ceux qui la possèdent à un degré encore imparfait, ne suffit à en rendre compte. Il faut considérer ici 1° le multiple et 2° l'imparfait.

1° Le multiple suppose l'un. En effet, comme le dit Platon, dans le Phédon 101, a, Phédon, son disciple, est beau; mais la beauté n'est point chose propre à Phédon; Phèdre lui aussi est beau. « La beauté qui se trouve dans un être fini quelconque est sueur de la beauté qui se trouve dans les êtres semblables. Aucun n'est la beauté, mais seulement il y participe, il en a une partie ou un reflet. »

Et donc la beauté de Phédon ne peut avoir en lui sa raison d'être, son principe, pas plus que celle de Phèdre ; et si aucun de ces deux hommes ne peut rendre compte de la beauté limitée qui est en lui, il faut qu'ils l'aient reçue d'un principe supérieur, et en fin de compte d'un principe supérieur, qui soit la Beauté même. Bref : toute multiplicité d'êtres plus ou moins semblables suppose une unité supérieure. Le multiple suppose l'un.

2° L'imparfait suppose le parfait. Le principe que nous expliquons s'impose d'autant plus que les êtres que nous voyons n'ont jamais qu'une perfection mêlée de son contraire, mêlée d'imperfection; on ne peut dire que la noblesse et la bonté d'un homme soit sans restriction, elle est si mêlée de faiblesse, d'heures de trouble, d'égarement !

De même la science humaine est très mêlée d'ignorance et même d'erreurs; elle participe seulement à la vérité, elle n'en a qu'une part, une faible part. Et si elle N'EST pas vérité, c'est qu'elle l'a reçue d'une cause supérieure.

Bref : L'être imparfait est composé, et tout composé demande une cause qui ait réuni les éléments qui le constituent. Le divers suppose l'identique, et le composé suppose le simple. (Cf. S. Thomas, Ia, q. 3, a. 7.)

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DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES

Le principe: « le plus et le moins parfait présupposent la Perfection même ».


Nous saisirons mieux encore la vérité de notre principe en remarquant qu'une perfection qui de soi ne comporte pas de limite, comme la bonté, la vérité, la beauté, n'est limitée de fait que par une capacité restreinte qui la reçoit ; ainsi la science est limitée en nous par notre capacité restreinte de savoir, la bonté par notre capacité restreinte de faire le bien.
Et alors il est manifeste que, lorsqu'une perfection de ce genre n'existe encore dans un être qu'à l'état imparfait, c'est qu'il y participe seulement, ou il y a part ; c'est donc qu'il l'a reçue d'une cause supérieure, qui doit être cette perfection même sans limite, qui doit être l'Être même, la Vérité même, la Bonté même, pour pouvoir donner aux autres un reflet de cette vérité et de cette bonté.


Parmi les philosophes de l'antiquité, Platon a mis en relief cette vérité dans une des plus belles pages écrites par les Penseurs grecs, dans le Banquet 211, c. Nous devons apprendre, dit-il en substance, à aimer les belles couleurs, la beauté d'un lever ou d'un coucher de soleil, celle des montagnes, celle de la mer et du ciel, la beauté d'une figure noble, mais il faut s'élever au-dessus de la beauté des corps à celle des âmes, belles par leurs actions, puis de la beauté de ces actions à celle des maximes qui les règlent, à celle des sciences, et, de science en science il faut s'élever jusqu'à la sagesse, qui est la science la plus haute, science de l'être, du vrai et du beau.

Et alors s'élève en nous le désir de connaître le Beau lui-même tel qu'il est en soi, le désir de contempler, dit Platon, « cette beauté exempte d'accroissement et de diminution, beauté qui n'est point belle en telle partie, laide en telle autre, belle seulement en tel temps et non en tel autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci et laide pour ceux-là,... beauté qui ne réside pas dans un être différent d'elle-même, dans un animal par exemple, ou dans la terre, ou dans le ciel, ou dans toute autre chose, mais qui existe éternellement et absolument par elle-même et en elle-même ; de laquelle participent toutes les autres beautés, sans que leur naissance ou leur destruction lui apporte la moindre diminution ou le moindre accroissement, ni la modifie en quoi que ce soit » (Banquet, 211, c.). Les désillusions, que nous trouvons ici-bas, sont précisément permises pour nous faire penser plus souvent à cette Beauté suprême et nous la faire aimer.

Ce que Platon dit de la beauté, il faut le dire de la vérité

Au-dessus des vérités particulières et contingentes, qui pourraient ne pas être, comme celle-ci, mon corps existe en ce moment, pour mourir peut-être demain, il y a les vérités universelles et nécessaires, comme celles-ci : l'homme est par nature un être raisonnable, capable de raisonner, sans quoi il ne serait pas distinct de la bête, ou encore : il est impossible qu'une chose en même temps existe et n'existe pas. Ces vérités n'ont pas commencé à être vraies, et elles le seront toujours.
Où ces vérités éternelles et nécessaires peuvent-elles avoir leur fondement ?
Non pas dans les réalités périssables, car elles les dominent comme des lois absolues auxquelles rien n'échappe.

Non pas dans nos intelligences finies, car ces vérités éternelles et nécessaires dominent aussi et règlent nos intelligences, comme des principes supérieurs.

Source : Livres-mystiques.com

Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
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amidelamisericorde
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Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange

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CHAPITRE III

DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES

Ce que Platon dit de la beauté, il faut le dire de la vérité


Et alors où est le fondement de ces vérités éternelles et nécessaires, qui dominent toute réalité finie et toute intelligence finie ? Où est ce fondement, sinon dans l'Être suprême, dans la Vérité suprême, toujours connue par l'Intelligence première, qui, loin d'avoir reçu la Vérité, est la Vérité, la Vérité pure sans mélange d'erreur, sans mélange d'ignorance, sans aucune limite ou imperfection.

D'un mot : les vérités, qui, comme des lois nécessaires et éternelles, DOMINENT toute réalité périssable et toute intelligence finie, doivent avoir leur fondement dans une Vérité suprême; qui est l'Être même et la Sagesse même.

Or l'Être même, la Vérité même, la Sagesse même, c'est Dieu.
Telle est cette nouvelle preuve de son existence, proposée par Platon, par saint Augustin et par saint Thomas.

Nous voyons mieux maintenant le sens de la portée du principe sur lequel repose cette preuve « Le plus et le moins parfait se disent de différents êtres suivant qu'ils approchent plus ou moins de l'Être qui est la perfection même ».

En d'autres termes : Lorsqu'une perfection, dont le concept n'implique pas d'imperfection, comme la bonté, la vérité, la beauté, se trouve à des degrés divers dans différents êtres, aucun de ceux qui la possèdent à un degré encore imparfait ne suffit à en rendre compte; il y participe seulement et l'a reçue dans la mesure de sa capacité et il l'a reçue d'un Être supérieur, qui est cette perfection même.

Quelle conclusion pratique devons-nous tirer de cette élévation ? Celle que Notre-Seigneur exprimait en disant : « Dieu seul est bon » c'est-à-dire d'une bonté sans mélange, Dieu seul est vrai d'une vérité et d'une sagesse sans limite d'ignorance, Dieu seul est beau de cette beauté sans restriction que nous sommes appelés à contempler un jour face à face, de cette beauté que contemplait dès ici-bas l'intelligence humaine de Jésus, lorsqu'il, parlait à ses disciples.

Dieu seul est grand, comme dit saint Michel en répondant à l'orgueil de Satan. Cela nous met dans l'humilité.

Nous n'avons qu'une existence d'emprunt, que Dieu nous a librement donnée et qu'il nous conserve parce qu'il le veut bien ; - nous n'avons qu'une bonté très mélangée de faiblesse, de misère même, et une sagesse très mélangée d'erreurs. En nous mettant dans l'humilité, cela nous montre par contraste l'infinie grandeur de Dieu.

Et puis s'il s'agit non plus de nous-mêmes mais des autres; si nous avons trouvé des désillusions dans le prochain que nous avions cru meilleur et plus sage; rappelons-nous que nous aussi nous avons donné des désillusions à notre prochain, qu'il est peut-être meilleur que nous; que tout ce que nous avons à nous, par nous-mêmes, c'est-à-dire notre indigence et nos défauts, est inférieur à ce que notre prochain tient de Dieu. C'est le fondement de l'humilité à l'égard d'autrui.

Source : Livres-mystiques.com

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